Autoportrait de Paris avec chat

Quand Dany Laferrière joue l'irrévérence: plaisir partagé
De
Dany Laferrière
Editions Grasset - 320 pages
Notre recommandation
4/5

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Thème

Ecrivain tout-terrain qui passe, toujours avec élégance, de « Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer » à « Journal d’un écrivain en pyjama » en passant par « Je suis un écrivain japonais » ou encore « L’Enigme du retour », Dany Laferrière a fait un livre « à la main ». Il l'a écrit, ça n’a rien d’étonnant, mais il a aussi dessiné. Il explique, lui qui vit l’essentiel de l’année à Paris, dans un studio du 10ème arrondissement près de la gare de l’Est : « J’écrivais sur un autre livre. J’avais l’impression de tourner en rond. Je piétinais. Pourtant le livre était bien avancé, mais ce n’était pas celui-là que j’avais envie d’écrire. Il me fallait quelque chose de totalement neuf, quelque chose que je n’avais jamais écrit, ni lu». Et aussi l’envie de tenter un exercice pour lequel il n’avait aucune prédisposition. Par exemple, le dessin !

         Avec l’ami Dany, dans cet « Autoportrait de Paris avec chat », on déambule dans la capitale. On découvre son studio près de la gare de l’Est, là où règne une « infernale agitation, souterraine ». Les cafés, les rues… Surgissent alors des figures du Paris littéraires- François Villon, Albert Camus, Boris Vian, Ernest Hemingway ou encore l’ami Alain Mabanckou… et puis aussi Coco Chanel, le peintre trop tôt disparu Jean-Michel Basquiat. En dessins et accompagné par un chat qui parle « une demi-douzaine de langues dont le swahili », qui s’assoit devant un litre de rouge, qui balade ses trois paires de moustache, ses maigres pattes et son nœud papillon, Dany Laferrière joue l’irrévérence.

Points forts

- Grand format avec un chat qui parle et les grands noms de la capitale française version littéraire, « Autoportrait de Paris avec chat » est le livre d’un écrivain qui se dit « fatigué ».

- Très vite, on passe sur le dessin approximatif, quasi naïf, ce qui n’est pas sans charme. Et on scrute les mots de Dany Laferrière. Là, même dans les ratures, on sent un écrivain, un homme qui, plus que jamais, s’ouvre.

- Malin, Laferrière se sert du dessin au crayon noir et feutres de couleur comme d’un masque. Ça lui permet de dire et d’écrire des mots, des sentiments qu’il a au plus profond de lui même si le narrateur (en fait, lui l’Académicien français) apparait avec des cheveux blonds…

- Une érudition qui mène inévitablement et à la réflexion et à l’amusement.

Quelques réserves

Il en est qui reprocheront à l’Académicien français d’avoir écrit et dessiné un livre fourre-tout, aux allures de bric-à-brac, un livre pour « faire son intéressant »…

Encore un mot...

Denis Laferrière s'est mis en tête de jouer un tour de galopin au monde du livre, Résultat: voilà un livre, dessiné et manuscrit, formidablement érudit, enthousiasmant. Et cette promenade dans Paris est d’une insolence folle ! Ca pétille...

Une phrase

Ou plutôt deux:

- « A chacun de mes débuts, je me retrouve toujours dans le même univers. Quelque chose de neuf s’apprête à m’arriver. Un monde nouveau (sensations, émotions, sentiments) m’absorbe. Tout semble s’immobiliser. Une infernale agitation souterraine. Une seule action possible : regarder par la fenêtre »

- « Au début je n’ai pas compris qu’il me parlait. Comme il regardait droit devant lui je croyais qu’il était au téléphone. Il disait qu’il m’avait tout de suite reconnu car il n’y a pas 100 Noirs académiciens. Vous êtes le premier après Senghor, je dis oui. Mon père a connu Senghor fait-il fier, puis il ajouta : Et moi je vous ai dans mon taxi »

L'auteur

Né Windsor Klébert Laferrière le 13 avril 1953 à Port-au-Prince (Haïti), Dany Laferrière est écrivain et scénariste. Il a grandi près de sa grand-mère  dans un village d’Haïti, sa mère craignant des représailles du régime de François « Papa Doc » Duvallier : le père de Dany était parti en exil au Québec, après avoir été maire de Port-au-Prince puis sous-secrétaire d’État au Commerce et à l’Industrie. 

A 11 ans, le jeune Dany retourne à Port-au-Prince pour vivre avec sa mère et suivre ses études. Il devient journaliste et, à 23 ans, après l’assassinat d’un ami par les Tontons macoutes- les hommes de main du Président Duvallier-, il quitte Haïti pour Montréal où il va travailler dans des usines. 

En 1985, parait son premier roman, « Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer »: succès immédiat. En 1990, il s’installe avec femme et enfants à Miami, continue à écrire; mais revient à Montréal en 2002. 

Le 12 décembre 2013, il est élu à l’Académie française, succède à Hector Bianciotti et devient le deuxième Noir académicien après Léopold Sédar Senghor.

Parmi ses textes, on retiendra « Le Charme des après-midi sans fin » (1997), « Je suis fatigué » (2000), « Je suis un écrivain japonais » (2008), « L’Enigme du retour » (2009, prix Médicis), « Journal d'un écrivain en pyjama » (2013) et donc ce très attachant « Autoportrait de Paris avec chat ».

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