La fille à la voiture rouge

C'est compliqué, l'amour...
De
Philippe Vilain
Editions Grasset - 252 pages
Notre recommandation
4/5

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Thème

Un écrivain frisant la quarantaine -le double de l’auteur- rencontre Emma Parker,  jeune étudiante en Lettres, âgée de vingt ans. Séduit par la jeune femme, brillante et légère, les premières semaines  sont virevoltantes entre promenades nocturnes dans Paris et virées dans la Porsche rouge de l’étudiante. Puis, Emma annonce à l’auteur qu’elle a été victime d’un grave accident de voiture ayant provoqué la formation d’un hématome cérébral pouvant être fatal à chaque instant. Une nouvelle histoire d’amour commence alors.

Points forts

- Excellente analyse du lien amoureux, de la cristallisation jusqu’à  son acmé, suivie du doute puis du pourrissement de la relation avec l’inéluctable rupture.

- Au cours de ce marivaudage, le processus du mensonge est décortiqué à la loupe, l’accroche, la persuasion provoquant la perte de repères de celui qui se fait aveugler-presque naïvement, tant les affabulations peuvent être crédibles puis le piège qui s’installe.

- Une subtile évocation de la différence d’âge des deux personnages. L’auteur découvre avec étonnement le langage des émojis, « ces figurines puériles rieuses, boudeuses et les diablotins, nouvelle grammaire de la séduction », ou s’attire les sarcasmes de ses relations « dis-donc, tu ne te refuses rien l’écrivain » mais s’émerveille  de la concordance des goûts et de sensibilité qui transcende le temps.

- Une réflexion  intéressante  sur les incidences du métier d’écrivain dans la vie personnelle lorsqu'il se nourrit de ses propres expériences. Qui est-on réellement ?, comment se situer entre la réalité et la fiction ? il est possible que  des récits totalement ou partiellement autobiographiques  puissent  avoir des conséquences, bénéfiques ou pas, sur les relations avec les autres. En l’occurrence, l'auteur pâtit d'une image de séducteur qui semble  transparaître dans ses romans.

Quelques réserves

J’ai eu du mal à m’attacher au personnage d’Emma Parker, jouant avec la maladie et la mort, même si finalement, on présume qu’elle souffre d’un problème psychologique.

Encore un mot...

Le thème de la mythomanie est abordé avec brio, suscitant beaucoup de compassion pour celui qui en est victime mais à qui on aurait envie de dire parfois «  tire-toi vite, tu es en train de te faire dindonner ». La réalité est sans doute plus complexe car la frontière peut être mince entre le menteur invétéré et le mythomane pathologique qui croit lui-même à ses propres mensonges, souffrant d’une véritable maladie.

S’ensuit une analyse du lien entre le mensonge et le sentiment amoureux :

L’amour ne peut-il se construire que sur l’illusion ? L’idée traverse tout le roman.  L’auteur l’évoque d’ailleurs, lors d’un colloque  à la Sorbonne, auquel il participe : «  l’amour n’est peut-être qu’une croyance menteuse, une formidable méprise de l’être, une imposture nécessaire qui nous fait aimer une personne pour une autre, être aimé pour ce que nous ne sommes pas » page 239.

La comédie de l’amour peut ainsi avoir pour dessein tous les aspects les plus vils de la nature humaine : la représentation sociale, l’intérêt matériel et financier, le sentiment de possession, la jalousie, la peur. Le mensonge  aboutit alors à sceller une relation qui se vit dans une névrose partagée, jusqu’à la gangrène.

Le véritable amour ne peut-il alors exister que s’il est totalement désintéressé ?

Une phrase

« Mais sans doute n’y a-t-il jamais de répit en amour, pas une certitude qui ne se transforme en doute, pas une promesse qui ne se change en inquiétude ; rien n’est jamais sûr en amour, et c’est peut-être mieux ainsi, c’est peut-être ce qui lui donne tout son prix » page 217.

L'auteur

Philippe Vilain est écrivain et essayiste. 

Analyste incontournable du couple et de l’amour, il a publié une vingtaine d’ouvrages. Son roman, « Pas son genre », a été adapté au cinéma par le réalisateur Lucas Belvaux.

Essayiste, il est notamment l’auteur d’une remarquable réflexion sur la littérature contemporaine, «La littérature sans idéal », qui a fait l’objet d’une précédente chronique dans Culture-Tops, le 16/11/2016.

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