Maman

Et si c’était dans la relation de l’écrivain avec sa maman que se trouvait la clé de l’œuvre du plus désespéré de la littérature française ?
De
Régis Jauffret
Notre recommandation
4/5

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Thème

  •  Ni biographie, ni autofiction, il s’agit plutôt d’une histoire vraie écrite par Régis Jauffret sur sa maman, cinq ans après sa mort en 2020 à l’âge vénérable de 105 ans.

  •  L’auteur dresse un portrait kaléidoscopique, mêlant amour et humour, né d’une révélation brutale qui a suivi son décès : la découverte d’un document prouvant qu’elle l’avait trahi dès le début de son existence. Qui était véritablement cette mère, au-delà du rôle qu’elle a tenu ?

  • Qu’il l’appelle Madeleine, Mado, Magdalena, Madona ou Madelon, quelques soient les différentes identités dont il l’affuble, c’est bien de la même personne qu’il tente de comprendre les « vérités alternatives ». Mais comment réagir face aux mensonges de sa propre mère ?

  • L’auteur mène une enquête intime pour tenter de comprendre celle qui lui a donné la vie. Il nous balade, dans tous les sens du terme, de boulevards en chemins de traverse sur les pas de cette maman qu’il aime et déteste tout à la fois.

Points forts

  • Cette histoire repose sur une trahison qui a poussé l’auteur, presque malgré lui, à prendre la plume (on ne vous dira pas laquelle, l’auteur mettant un point d’honneur à distiller le suspense tout au long du livre).

  • Régis Jauffret nous prend sans cesse à contrepied, entre tendresse et brutalité. Parfois plein d’amour et de repentance, parfois avec la sauvagerie et la violence qu’on lui connaît et qui sont en quelque sorte ses marques de fabrique. Entre ces deux extrémités, l’auteur promène sa culpabilité et ses souvenirs en une pléiade de sentiments contradictoires. Entre méditation et règlement de compte, c’est un arc-en-ciel de sensations restituées avec son habituel humour noir.

  • Cette mère au double visage, au double discours, aimante et mythomane, perverse dans une forme d’absolu vis-à-vis de son fils, est au centre d’un récit qui utilise avec la même liberté les anecdotes vécues et inventées sans qu’on puisse démêler le vrai du faux.

  • Peut-être est-ce en ayant enfanté un monstre, c’est-à-dire un écrivain – qui ne s’est pas privé lui-même de tisser des récits effrayants – qu’elle aura prolongé son existence ?

Quelques réserves

  • On a parfois l’impression que le roman se fait plus tiède avec le risque de tomber dans une certaine mièvrerie liée à l’amour que tout fils porte à sa mère, mais très vite le naturel de l’auteur revient au triple galop.

Encore un mot...

  • Avant d’écrire sur sa maman, Régis Jauffret a écrit sur son père dans Papa.  Le livre est né d’un film de 7 secondes, vu à la télévision, qui montre l’arrestation de son père par la Gestapo en 1943 …
  • A lire également, le très beau Le fumoir (Editions Anne Carrière, 2020), le premier livre de son fils Marius Jauffret, qui raconte sa propre expérience d’internement sous contrainte (une HDT, hospitalisation à la demande d’un tiers). Si tout ne semble pas simple chez les Jauffret, ils savent en faire quelque chose d’universel qui touche le lecteur et qui s’appelle des livres.

Une phrase

  • « Je me sens assez seul depuis le début de ce livre. Je voudrais la comparer, lui trouver des semblables. Ce mélange de dévouement, de bonté, de tendresse, de générosité allié à ce dont je vous parlerai bientôt me la rend presque irréelle. En outre, je ne connaîtrai jamais qu’une partie de sa nuit. Il peut s’en accumuler des saloperies sur la face cachée d’une mère. » page 161

  • « Je te pardonne maman, je ne te pardonne pas, je te pardonne du fond du cœur. Je dois faire preuve envers toi de la mansuétude qu’on est en droit d’attendre d’un fils autrefois choyé. Je te pardonne tristement. Je te pardonne en désespoir de cause parce que je ne peux me passer de toi. J’ai besoin que ton image ne se corrode pas davantage, que les souvenirs de nous cessent de s’assombrir, que je puisse me dire sans réserve que tu m’as aimé autant que je l’ai toujours cru ». page 166

L'auteur

  • Régis Jauffret est né à Marseille en 1955.

  • Il fait ses débuts d’écrivain en 1985, avec Seule au milieu d’elle (Editions Denoël, 1985). Il connaît un grand succès avec Histoire d’amour (Editions Verticales, 1998).

  • En 2007, il remporte le prix Goncourt de la nouvelle avec Microfictions (Gallimard, collection Blanche ») qui sera suivie en 2018 par Microfictions 2 (Gallimard).

  • Lauréat du prix Décembre pour Univers, univers (Editions Verticales 2003), puis du prix Femina pour Asile de fous (Gallimard, 2005), Régis Jauffret est l’une des voix les plus importantes de la littérature française contemporaine.

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