Marcher dans tes pas
Publication le 21 août 2025
243 pages ;
20,90 euros
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Thème
Le père de Léonor De Récondo, âgé de quatre ans en 1936, a été contraint avec ses propres parents et grands-parents à un exil hors de son pays natal, l’Espagne, sous la menace d’une armée franquiste avide de prendre le pouvoir, au prix d’un conflit fratricide meurtrier et séditieux.
Armée de quelques documents épars et de témoignages glanés auprès de divers membres de sa famille et notamment de son père, Léonor D. retrace le parcours de ses ascendants depuis Irun jusqu’à Hendaye, à quelques encablures, dans une France encore épargnée pour un temps court des sévices d’une guerre totale.
L’auteure se projette dans l’époque, l’investissant notamment aux côtés de sa grand-mère paternelle qu’elle a peu connue mais qui, par sa force morale et son courage inébranlable, lui offre le visage d’une femme solide et combattante, préfigurant avec plusieurs décennies d’avance un féminisme audacieux et conquérant.
Confortée par ce personnage, pilier d’une famille ébranlée par l’éloignement de sa terre, et profitant d’une loi espagnole promulguée en 2022, autorisant, pour les descendants de tous ces exilés déchus de leur nationalité et devenus apatrides, de récupérer cette même nationalité, Léonor De Récondo entame une procédure de reconnaissance identitaire auprès du gouvernement ibérique.
Une manière pour elle de redonner à tous les Siens, disparus, leur dignité et d’être de nouveau « Enfants d’un pays réconcilié » …
Points forts
L’émotion est palpable au travers des mots qui tentent de panser les maux d’une histoire personnelle meurtrie, au cœur d’une Histoire nationale tout aussi blessée.
L’affection de l’écrivaine recouvre d’une tendresse non feinte la vie, dans sa simplicité obligée et sa soumission aux événements, et la pensée de sa grand-mère pour en faire naturellement l’héroïne méritante de ce roman.
Force est d’admettre que cette dame suscite une forme d’admiration pour sa résilience et sa pugnacité.
Le texte est quelque part soutenu par une écriture poétique, pleine d’humanité, et l’investissement de Léonor D. dans sa requête administrative ouvre une porte dans l’âme de tous ceux qui, aujourd’hui, subissent encore et toujours l’ignominie d’un exil contraint !
Quelques réserves
Le désir de réparation se pare peut-être d’un embellissement du portrait de cette grand-mère qui, on le sait au cours du roman, était d’un caractère revêche et finalement assez peu encline à un atermoiement sentimental !
C’est probablement une inclination répandue à faire des sujets qui nous ont précédés dans un schéma familial des figures tutélaires ornées des meilleures dispositions !
Petit reproche aussi sur les pages destinées aux méandres administratifs dont on connaît l’âpreté mais qui ne peuvent s’enorgueillir d’une démarche littéraire trop prolongée…
Et enfin sur l’irruption sans doute un peu répétitive de vers en prose dont le caractère discrètement suave n’est que d’un apport second dans le texte.
Encore un mot...
La guerre d’Espagne a sonné le glas d’un régime politique établi pour laisser place à un fascisme assumé, avec les corollaires usuels de ce type de dictature : déplacement de populations, destitution de nationalité, élimination des opposants, imposition d’une règle profilée par un pouvoir unique, etc, etc…
Le livre de Léonor De Récondo aborde l’ensemble de ces facettes sombres par le prisme du regard de son ancêtre familial, allant jusqu’à devenir ses yeux et son âme.
La vérité des faits n’en est que plus exacerbée et s’enveloppe d’un réalisme troublant.
Au-delà de l’histoire évoquée, c’est le drame de l’exil qui est dépeint et pour les lecteurs que nous sommes, et qui pour une probable quasi-unanimité n’en a pas connu l’injustice et la violence, ce livre vient étayer les propos de Victor Hugo- lui qui vécut durant une petite vingtaine d’années hors de France et peut prétendre à une authentique connaissance de cette abomination ! - quand il écrit : « L’exil, c’est la nudité du droit ».
Enfin, l’auteure investit par l’écriture un devoir de mémoire, personnel et national, et si cette phrase se voit un peu galvaudée aujourd’hui, elle est ici emplie d’une véritable justification dès lors qu’elle marche dans les pas de sa grand-mère…
Une phrase
« La mémoire se travaille, elle n’est pas acquise, elle se cultive. Souvenons-nous. » Page 189
L'auteur
Léonor De Récondo est née à Paris en 1976.
Elle suit d’abord une formation de violoniste à Paris, à Boston puis à Bruxelles pour acquérir le statut de premier violon au sein de divers orchestres de renom, avant de créer un ensemble de musique de chambre baroque, de diriger un opéra et d’enregistrer plusieurs disques sous des labels prestigieux.
Ses premiers pas en littérature débutent en 2010 pour publier plusieurs romans dont Amours (Sabine Wespieser, 2015) qui obtient le Grand Prix RTL et Le grand feu (Grasset, 2023).
S’il fallait incarner la notion de don, Léonor De Récondo pourrait en être l’ambassadrice !
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