Salut aux bêtes sauvages

Boileau, voici ton fils
De
Philippe Barthelet
Editions Pierre Guillaume de Roux - 271 pages
Notre recommandation
4/5

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Thème

Comme Philippe Barthelet l’annonce lui-même en 4ème de couverture, la langue française a plus d’un tour dans son sac. Ce livre est une sorte de promenade dans notre langue, à la fois exceptionnelle, complexe, parfois acerbe, mais d’une vivacité extrême. Le génie de la langue est ici interpellé par un fin linguiste, avec, à la fois, rigueur fantaisie et humour. Les étymologistes et les amoureux du français y feront leur miel sans jamais s’ennuyer.

Points forts

1 – Si la devise de Culture-Tops est « J’appelle un chat un chat », l’auteur pourrait achever la citation, en ajoutant « …et Rollet un fripon. ». J’ai l’impression heureuse que notre époque a trouvé son Boileau, ce qui, pour moi, est un fort compliment. Il butine de fautes en erreurs, de barbarismes en défauts rhétoriques et références historiques, sur un florilège d’auteurs, de philosophes, parfois de grammairiens, voire d’auteurs de dictionnaires. Il puise selon son chemin, comme une abeille gourmande ; son champ d’action est d’une amplitude immense, à l’image, je pense, de sa vaste culture.

2 – Boileau était l’un des grands, voire l’un des meilleurs amis de Molière et Philippe Barthelet gambade vers Monsieur Jourdain et y puise, ce me semble, l’origine de son titre : « Quelle étrange chose de parler à des bêtes !», affirme Monsieur Jourdain, qui parle ainsi de ses proches qui ne le comprennent pas. «  L’étrangeté transforme le ménage en ménagerie. Monsieur Prudhomme, le petit fils républicain de M. Jourdain, en tirera les dernières conséquences, en affirmant : «  Plus je connais les hommes, plus j’aime mon chien ». »

3 – Feu d’artifice permanent, chaque page nous entraîne vers un savoir nouveau ou des retrouvailles enchantées. De plus, Barthelet est drôle, même si sa plume peut être acide. Toujours proche de l’Histoire, il sillonne l’espace et le temps. Il évoque les autres langues, et avec esprit la Tour de Babel. J’ai particulièrement apprécié sa réflexion due à Charles Guillaume de Humboldt, qui n’avait jamais oublié que « celui qui réfléchit sur la langue le fait dans une certaine langue, la sienne, dont il ne peut s’affranchir ».

4 – Il n’oublie cependant pas le fond, en s’attaquant à la forme et j’ai trouvé fort intéressants ses propos sur Rabelais qui vont bien plus loin qu’on ne l’imagine parfois, voyant en lui un véritable maître de l’hermétisme, puisque, selon lui, « la quête pantagruéline n’est rien autre chose qu’un traité d’alchimie ». Il va jusqu’à fustiger avec humour la sacro sainte édition de la Pléiade, pour une note, à son sens mal intégrée qui implique Saint-Malo.

Quelques réserves

Je n'en vois absolument pas. 

Encore un mot...

Livre à lire et relire, en le posant même et, là encore c’est pour moi un compliment, dans l’endroit où « le roi va tout seul ». C’est un livre qui se lit, mais peut se relire ; on peut l’ouvrir à n’importe quelle page, et le déguster, selon le temps imparti. La langue française autrefois partagée par l’Europe rêvée par le Général de Gaulle, j’entends celle qui va de l’Atlantique à l’Oural, démontre sous la plume de Jean Barthelet qu’elle est bien vivante et que l’on peut s’y amuser en la pratiquant bien.

Une phrase

« Au lieu d’inventer à tort et à travers, tâchons d’abord de mieux connaître notre trésor commun. Littré voulait que l’on remît en usage le plus possible de vieux mots et d’antiques tournures oubliés, négligés ou épurés – et c’est pourquoi il s’était donné tant de mal avec son dictionnaire. C’est le devoir de ceux qui savent, de permettre à tous l’usage de nos trésors, plutôt que de complimenter les ignorants sur la supposée bonne mine de leur indigence lexicale. » (page 126)

L'auteur

Philippe Barthelet, écrivain, chroniqueur, philosophe et grammairien français, est né en 1957. Longtemps chroniqueur à France Culture, il a notamment publié « L’Étrangleur de perroquets » (Criterion), « Baraliptons » (Rocher - Grand Prix de l'essai de l'Académie française 2007) et «L’Olifant » (Rocher). Fervent linguiste et ardent défenseur de la langue française, il est l’auteur de multiples ouvrages, dossiers et articles qui font autorité.

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