D’un monde à l’autre. Le temps des consciences

La crise du Covid démontre qu’une croissance infinie dans un monde fini est mortifère. Les deux auteurs l’affirment : le moment est venu de repenser notre avenir dans l’urgence
De
Nicolas Hulot et Frédéric Lenoir
Fayard, Aout 2020 - 345 p. - 21,50€
Notre recommandation
3/5

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Thème

Sous la forme d’un entretien complice et amical, Frédéric Lenoir (le philosophe) et Nicolas Hulot (l’écologue) prennent appui sur la crise mondiale du Covid pour démontrer qu’il est grand temps de tracer les contours du monde de demain.

S’ils ne contestent pas la réalité des progrès obtenus par l’humanité grâce à la technologie (santé, prospérité, longévité, démocratie) ils considèrent que les ruptures se multiplient : dérèglement du climat, épuisement des ressources naturelles, disparitions d’espèces animales, accentuation des inégalités économiques.

Chacun désire consommer toujours plus et le numérique est hélas souvent la fabrique d’un crétin digital (pour reprendre l’expression de Michel Desmurget 

Il s’agit donc d’abord de nouer une nouvelle alliance avec la nature (protection des forêts et des océans, beauté des paysages, transports moins polluants).

Le monde animal doit être respecté (fin des corridas et de la chasse, statut de l’animal domestique, suppression des animaux sauvages dans les cirques etc …)

Ensuite de donner un sens à notre existence en enseignant et en exprimant la bienveillance et l’empathie car les hommes aspirent au bonheur et la société à l’harmonisation.

Points forts

Malgré quelques répétitions, cet ouvrage se lit agréablement. Le style est alerte et la démonstration émaillée de références à de grands auteurs, que Frédéric Lenoir connaît par cœur (Spinoza, Victor Hugo). Ils nous expliquent que des phénomènes en cours menacent l’humanité : mutations de virus à partir des animaux, libération de virus par le Permafrost, extension mondiale immédiate des épidémies, accumulation des déchets nucléaires, etc…

L’on est alors convaincu qu’il faut entreprendre des actions nombreuses et fortes qui nous sont proposées avec clarté. Par exemple, choisir les secteurs de l’économie à relancer après la crise du Covid pour, en même temps, surmonter la crise écologique.

Le thème du « toujours plus au mieux être » est classique mais bien articulé et même séduisant.

C’est un livre qui fait du bien, qui incite à nous confronter à nos propres comportements et à la velléité de nos engagements. On en tire un surcroît de conscience.

Quelques réserves

Nicolas Hulot explicite longuement les motifs de sa décision de quitter le gouvernement en mêlant confessions et justifications. Ce n’est pas à la hauteur des enjeux de cet ouvrage.

Le plan du nouveau monde est irréaliste. Il faudrait passer rapidement à :

-          100% d’énergie renouvelable

-          100% d’agroécologie

-          100% d’économie sociale et solidaire

-          100% d’économie circulaire

-          100% de fiscalisation des revenus et des profits

Par l’éducation et l’information, on devrait réussir (??) à faire évoluer les comportements et passer, parfois au forceps, au nouveau monde.

Implicitement, on passe donc de l’écologie à l’écologisme, c’est-à-dire l’écologie radicale au nom de bons sentiments.

Encore un mot...

D’un monde à l’autre est un ouvrage très documenté, bien écrit. L’on discerne la sincérité et la profonde conviction des auteurs, soucieux de passer un message fort dans le contexte du confinement. Même si les solutions préconisées sont souvent hasardeuses voire irréalistes, la trajectoire souhaitée va dans le bon sens.

Une phrase

p.26 « mais si l’homme occidental n’a plus le sentiment de vivre dans un espace sacré, il va sacraliser le temps »

p.62 « l’économie est la science de la rareté »

p.96 « comment combiner les enjeux de fin de mois et de fin de monde »

p.130 « certaines lunettes permettent de voir de près, d’autres de voir loin, mais les deux mises ensemble rendent la vision floue »

p.205 « Il faut mondialiser ce qui est coopératif et démondialiser ce qui est toxique »

p.283 « l’homme qui se coupe de la nature se mutile »

L'auteur

Nicolas Hulot a parcouru le monde au fil des émissions télévisées Ushuaïa. Militant obstiné de la défense de l’environnement, il fut un bref ministre d’État de la transition écologique et solidaire (mai 2017 – août 2018). Auteur de 25 ouvrages depuis 1976, il a créé la Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’homme.

Frédéric Lenoir est un philosophe très prolixe (41 ouvrages) dont plusieurs best-seller (le miracle Spinoza, l’Oracle della Luna, la Présence de la joie). Il est cofondateur de la fondation SEVE (Savoir Être et Vivre Ensemble) proposant des ateliers de philosophie aux enfants.

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