La Fabrique des salauds

Un livre-choc, un roman-fleuve aussi dérangeant qu’indispensable sur l’histoire allemande du XXe siècle
De
Chris Kraus
Edition Belfond
890 pages
24,90 €
Notre recommandation
5/5

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Lu / Vu par Culture-Tops

Thème

Tout commence en 1905, ça court jusqu’au cœur des années 1970 avec une bonne dizaine de personnages. Une fresque, on vous dit ! Un texte de près de 900 pages pour tenter, avec l’auteur allemand Chris Kraus, de comprendre le comment et le pourquoi qui ont fait de tant et tant de ses compatriotes des bourreaux toujours pas repentis. Ainsi, on se retrouve dans les pas des deux frères Solm- Koja (Konstantin) et Hub (Hubert), et de leur sœur adoptive, Ev. Celle-ci ignore qu’elle est juive, et ses deux frères l’épouseront tour à tour. 

 La Fabrique des salauds  commence avec la révolution russe et le premier massacre en 1905 (le grand-père des frères et sœur est lynché par les révolutionnaires) et prend fin à Munich dans les années 1970 dans un hôpital en Allemagne de l’ouest. Le narrateur de cette fresque monumentale, c’est Koja. Un maître dans l’art de mentir (et d’abord à lui-même !)…

Dans sa vie, personnage aussi ignoble qu’invraisemblable, il a tout fait- ce qui lui a valu de vivre avec une balle dans la tête, résultat d’un coup tordu. Capitaine SS pendant la Deuxième Guerre mondiale, serviteur zélé du régime nazi, il n’hésitera pas à se faire passer pour un rescapé de la Shoah et deviendra alors un agent du Mossad, les services secrets israéliens. Bien sûr, il sera démasqué… Tout ça- et tant d’autres choses et événements encore, il le raconte à Swami, son compagnon de chambre d’hôpital, un hippie bavarois « nourri » à la marijuana et aux chansons des Beatles.

Points forts

- En 900 pages pour soixante-dix ans d’histoire de l’Allemagne, Chris Kraus emmène dès les premières pages dans les zones d’ombre d’un pays où la morale et la droiture ont été, pour le moins, mises à mal. Lorsque surgira une ère nouvelle, les règles du jeu auront changé- pas nécessairement meilleures qu’auparavant.

- Magnifique labyrinthe littéraire,  La Fabrique des salauds mêle allégrement le roman d’espionnage et la fable philosophico-politique.

- Le récit implacable d’un homme normal devenu un monstre.

- L’écriture claire et liquide de Chris Kraus qui, pour la lecture, assure une fluidité exceptionnelle.

- Des personnages en permanence sur le fil, là, juste au bord de la ligne rouge. Il en est tant et tant qui la franchissent- et  La Fabrique des salauds  rappelle ainsi que les hommes, nombreux, ne sont pas des héros. A peine des anti-héros…

Quelques réserves

- Qui, face à la force romanesque de  La Fabrique des salauds, aura le culot, voire l’outrecuidance d’y trouver, d’y relever un seul point faible ?

Encore un mot...

Un livre-choc, un roman-fleuve,… les qualificatifs se montrent insuffisants pour évoquer  La Fabrique des salauds  de l’Allemand Chris Kraus. Un texte aussi dérangeant qu’indispensable, un roman essentiel et hors norme en résonance avec  Les Bienveillantes  de Jonathan Littell, Cent ans de solitude  de Gabriel Garcia Marquez ou encore les écrits de Péter Esterhazy…

Une phrase

- « Himmler fut le premier hippie que je rencontrai, en tout cas pour ce qui est du degré d’indépendance d’esprit. Et il savait prendre le temps de vivre. Comme tous les bouddhistes, il aimait les animaux, et une après-midi, nous restâmes pendant deux heures, moteur coupé, sur une route de campagne estonienne encombrée par de longues migrations de crapauds, afin de laisser les vingt mille batraciens traverser la chaussée en toute sécurité… » 

- « Mon grand-père, que nous avons toujours appelé Großpaping et qui, au contraire des autres pasteurs de sa circonscription, ne se décidait pas à fuir parce qu’il n’aurait jamais laissé en plan la paroisse que Dieu lui avait confiée- autant laisser en plan Dieu en personne-, ce Großpaping  du nom de Hubert Konstantin Solm (Hubo pour ceux qui s’y risquaient) aurait été en train de travailler tranquillement à ses arbres fruitiers quand, par une chaude après-midi du mois d’août, une troupe de gueulards armés de faux marcha droit sur lui à travers le verger. Ce n’était pas la première fois… »

L'auteur

Né à Göttingen (Allemagne) en 1963, Chris Kraus est un écrivain, réalisateur et scénariste allemand. Il débute dans la vie active comme journaliste et illustrateur puis étudie à l’Académie allemande du Film et de la Télévision à Berlin. Comme scénariste et/ou réalisateur, il signe plusieurs films- parmi lesquels  Quatre minutes  ( Vier Minuten , 2006), distingué par de nombreux prix (dont le Deutschen Filmpreis, catégorie « meilleur film ») et adapté au théâtre ou encore, en 2015,  Die Blumen von Gestern  avec, dans l’un des rôles principaux, l’actrice française Adèle Haenel.

Il a également mis en scène en 2008 Fidélio, l’unique opéra de Ludwig von Beethoven. Enfin, Chris Kraus est, en Allemagne, aussi une personnalité reconnue dans le monde des livres. Ainsi, à ce jour, il a écrit quatre romans, dont  La Fabrique des salauds  ( Das kalte Blut ), dix ans de recherches et une année d’écriture, publié en 2017 en Allemagne et en août 2019 en France et également aux Etats-Unis, en Belgique, Russie, Lettonie et Grande-Bretagne… Évoquant cette  Fabrique des salauds, il confié : « Mon livre est un champ de mines. On n'accepte pas que je traite l'Holocauste comme un thriller, avec une pointe d'humour noir. La vérité, c'est que je voulais bousculer l'opinion publique, c'est à cela que sert le romancier ».

Commentaires

Martet.marie paule
sam 27/06/2020 - 10:13

Livre excellent’ au style clair’ limpide, à la fois un peu policier et historique.Il démontre comment des hommes de tendance humaniste sont entraînés par le cours de l’ histoire à commettre des actes ignobles.
Ces hommes sont ils condamnables ? Sont _ ils responsables?,

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