LA FIN DE L’AMOUR

Quand Tinder, grand centre commercial de rencontres, détrône la cour amoureuse
De
EVA ILLOUZ
SEUIL
411 pages. 22,90€
Notre recommandation
3/5

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Thème

A l’ère de la liberté personnelle, le non-amour semble s’installer au sein de la vie affective. Conséquence de la libération sexuelle des années 70, puis de l’apparition d’internet et des applications de rencontres, le sexe sans engagement, je prends-je jette, est devenu la règle. L’incertitude hante désormais les relations émotionnelles, laissant dans le désarroi, le plus souvent les femmes davantage tournées vers l’affectif. Eva Illouz met au jour ce que le « casual sex » sans lendemain- dû aux effets du capitalisme- induit sur le terrain sociologique, à savoir la natalité, l’économie ou l’identité. 

Elle conclut qu’au croisement du capitalisme, de ces nouveaux rapports entre les sexes et de la technologie, est en train de naître une nouvelle forme de non-sociabilité et de souffrance. 

Points forts

* L’essai met en exergue le malaise ambiant des relations amoureuses actuelles : non engagement et ruptures brutales sans explications « le ghosting », favorisés par les sites de rencontres

* L’auteur insiste sur le « non choix » ou le choix de ne pas choisir qui est revendiqué par chacun comme une liberté mais qui aboutit à une épidémie de solitude. 

* Les références littéraires citées illustrent parfaitement l’évolution des comportements amoureux au fil du temps, avec, en apothéose, l’univers au scalpel de Houellebecq et sa description des « Incel », célibataires involontaires et dépressifs générés par ces nouveaux modes de communication et de culture consumériste. 

* Les néophytes apprendront que certaines pratiques ayant récemment défrayé la chronique font partie de ces nouveaux comportements désincarnés : on ne badine plus, on montre ses organes sexuels par sexto. Il s’agit des « dick pic » abréviation de « dick picture », où en réalité, les hommes croient faire la démonstration de leur masculinité qui ne relève que du narcissisme et dissociant l’identité du corps.   

Quelques réserves

Malgré les 92 interviews qui illustrent les analyses, l’ouvrage est souvent hermétique. L’auteur pêche par l’emploi de phrases sophistiquées pour décrire des choses simples alors que le problème de société dont il est question est immense. Son analyse, certes pertinente, rend ainsi son message moins audible pour le commun des mortels et les nouvelles générations concernées qui ne lisent pas des essais sociologiques de 400 pages. 

Il reviendra donc à la presse, de relayer les propos et de les vulgariser.  

Encore un mot...

Peut-on encore tomber amoureux ? A l’heure de l’utilisation massive des réseaux sociaux et de la banalisation des rencontres virtuelles régies par Internet, la question se pose avec acuité. Face à cette incertitude généralisée et au désarroi généré chez les victimes ou les réfractaires à ces nouveaux modes de rencontres, on ne peut qu’être perplexes. 

Des valeurs telles que la loyauté ou l’engagement à long terme disparaissent, laissant place à la confusion et la solitude. 

Un cri d’alarme et un plaidoyer pour le retour de la cour amoureuse et des sentiments.  

Une phrase

« Le sexe sans lendemain crée une incertitude parce qu’il manque d’un noyau normatif interne clair, parce que la structure institutionnelle qui le sous-tend se déploie dans un marché de consommation dispersé, fondé sur l’éphémère et l’obsolescence, et parce qu’il s’appuie sur des scénarios de relationnalité genrée différents et divergents. Alors que dans les relations prémodernes, les rôles propres à chaque genre étaient subsumés sous la définition du mariage et de la moralité, l’intrication du sexe et du marché de consommation fait ressortir les différences et les identités de genre. Le sexe sans lendemain est donc un scénario social inversé, un scénario de non-relation ». Page 124

L'auteur

La sociologue franco-israélienne Eva Illouz mène des recherches depuis plus de vingt ans sur la transformation de la vie amoureuse par le capitalisme. Elle est directrice d’études à l’école des hautes études en sciences sociales, et a publié notamment  Les sentiments du capitalisme  2006,  Pourquoi l’amour fait mal  2012.

Commentaires

Chalfine Gilbert
ven 25/09/2020 - 11:14

Bonjour,
Merci de votre critique majoritairement positive; les aspects négatifs me paraissent un peu discutables car le seul reproche qui m'est apparu, " chemin faisant", c'est la longueur de ce livre car il y a pas mal de répétitions .
Il me semble qu'en 200 à 250 pages , on aurait pu aboutir à un résultat aussi nourrissant mais un peu plus digeste pour le commun des mortels.
J'ai toutefois pris le temps de le lire complètement avec un très vif intérêt !

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