
Le jardin anglais
Parution le 26 mars 2025
236 pages
19,90 €
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Thème
Charles Wright se déclare en panne d’inspiration après son magistral Le chemin des estives et décide d’entreprendre un voyage en Angleterre qui va, contre toute attente, lui fournir la matière du récit qui lui fait défaut. Pourquoi l’Angleterre ? Pour une raison simple, Albion, perfide ou pas, est le pays de son père, Tom Wright, un homme banal au nom banal qui a quitté son île après la guerre pour se marier en France avec une corrézienne, le même jour que la Reine Elizabeth ; parti sans se retourner ! Ainsi Charles, le fils, propose-t-il à Tom, le père, « d’aller voir de l’autre côté de la Manche, de s’enfoncer avec lui dans ce jardin anglais, à la recherche inquiète et joyeuse de leurs origines ». Ils vont ainsi découvrir les lieux habités par Eric et Banga, les parents de Tom, Lill, la sœur fantasque de Banga, Richard Burbrook, le joaillier de Mayfair, fondateur de la dynastie, visiter le Suffolk, le Sussex, le Hampshire, les Cotswolds, une campagne sublime et hors du temps, des villes balnéaires au lustre fané, des alignements de petites maisons de brique sans fard, sinon le petit jardin qui se dissimule à l’arrière et pousse à l’abri des regards, des pierres tombales qui jonchent les cimetières engazonnés aux tombes resserrées autour des églises très catholiques, fussent-elles en rupture avec Rome depuis cinq siècles.
Une balade s’engage donc dans l’espace, un espace unique façonné par un peuple unique, une balade dans le temps menée par Tom, ce père effacé et si banal qui va vite trouver dans l’aventure rétrospective le rythme inspiré par le retour aux sources, pour donner le ton à cette itinérance, celui du Magical Mystery Tour, le road-movie fantasque et inspiré des Beatles qui avaient pris le même chemin symbolique en composant Penny Lane, la rue de Paul à Liverpool qui reste à jamais In my ears and in my eyes ; une balade comme une quête de souvenirs associant les lieux et les hommes qui ressuscitent au fil du parcours. Harriet, la sœur de Tom, est du voyage, les parents proches et éloignés, les amis de la famille, mais aussi Lennon et Mc McCartney, Shakespeare et Hamlet, D.H. Lawrence et Lady Chatterley, Dickens et David Copperfield.
Mais la plus belle découverte est encore celle du père par son fils, un père dont le fils a toujours voulu faire un héros pour se résoudre à vivre avec un employé sans relief, rompu aux seuls tableaux Excel, un père qui va se révéler dans cette épopée, dévoiler sa vraie nature, celle d’un homme qui s’exprime par ellipses, dans une économie de mots qui cache une intelligence et une sensibilité jusque-là insoupçonnées, un anglais à l’opposé du français plein de faconde. En parcourant l’Angleterre, c’est avant tout de son père que l’auteur fait la connaissance.
Points forts
Une plume sensible, subtile, fluide et riche de références, lieux et personnages confondus, au service d’une balade émouvante, entre retour aux sources pour le père et voyage initiatique pour le fils.
Une association très heureuse entre les membres de la famille de l’auteur, ceux d’aujourd’hui et ceux d’hier, le père au centre du récit, et tout cet aréopage so english qui, des Beatles à Shakespeare, participe de ce peuple inclassable.
Quelques réserves
Aucune ! En tournant la dernière page, on a plutôt envie de revenir à la première et de chanter à l’unisson avec Paul, John, George et Ringo Yesterday, so I believe in yesterday.
Encore un mot...
Les fils qui parviennent à l’âge mûr sans avoir rien compris de leur père sont légion et la réconciliation survient souvent post mortem. Voilà un ouvrage qui devrait les convaincre qu’il ne faut jamais désespérer ! Avec un peu de générosité et autant d’intuition, la découverte du père mal aimé est possible et avec ce voyage, quelque chose se dessine qui oscille entre la grille de lecture et le modus operandi. Quant à la balade anglaise qui en est à la fois la cause, l’explication et l’effet, elle surpasse tous les guides de tourisme.
On pense à Philippe Forest et à son évocation magistrale de la quête du père dans Le Siècle des nuages pour comprendre à travers lui le XXème siècle dont il était issu, quand il est question ici et pour Charles Wright, à front renversé, d’appréhender l’Angleterre, l’âme anglaise et les années d’après-guerre pour mieux comprendre son géniteur ; Albion reste la clef d’accès sans laquelle la porte serait restée fermée.
Et bien sûr, en demi-teinte, le livre appréhende aussi la force du passé, la nostalgie qu’elle implique, le goût des traditions, la transmission essentielle et fondatrice. Symboliquement, l’auteur s’attarde sur les cimetières, comme Philippe de Villiers dans Mémoricide pour leur valeur mémorielle. L’analogie s’arrête là !
Une phrase
« L’Angleterre est le pays des patiences solitaires et des plaisirs minuscules. Rien n’est plus britannique que la contemplation solitaire d’une fleur, d’un bout de champ, d’une parcelle de gazon. Comme Bachelard, les compatriotes de mon père savent d’instinct que dans les petites choses aussi, il y a un monde, et que le minuscule est une porte étroite qui ouvre sur des continents. » Page 172
L'auteur
Charles Wright est ou fut à la fois historien, journaliste, éditeur et auteur. Il vit presque en ermite, cherche la concentration et pratique la prière en Ardèche, au pied d’un monastère cistercien. Son livre Le chemin des estives (Flammarion, 2021) l’a rendu célèbre, une célébrité qu’il craint et qu’il tient à distance. A ne pas confondre avec une cohorte d’homonymes, du botaniste américain au joueur de cricket anglais en passant par l’homme politique guinéen du même nom.
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