La Panthère des neiges

Le prix Renaudot 2019 vient de récompenser ce très beau et rafraichissant vagabondage philosophique sur le toit du monde
De
Sylvain Tesson
Editions NRF Gallimard Septembre 2019
168 pages
18 €
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Thème

Février 2018 : le romancier Sylvain Tesson accompagne son ami Vincent Munier, photographe animalier, pour traquer la mythique - car rare - panthère des neiges sur les hauts plateaux du Tibet. Avec deux autres compagnons, vidéaste et technicien, il prend la route des bivouacs et des cols et raconte ses rencontres. Le froid, les animaux sauvages, leur indifférence et leurs craintes, ses compagnons de pistes, les éleveurs qui les accueillent, sa relation avec Munier, son instinct de chasseur d'image, ses intuitions, et LA rencontre avec la panthère espérée, mais pas promise.

Points forts

1. une très belle écriture, simple dans la narration, expressive, et "soutenue" aussi,  qui vous transporte dans des cieux limpides, des névés poussiéreux, des chemins cahotants,  des grottes glaciales, l'éternité des cimes, l'indifférence de la faune qui les peuplent.

2. De la poésie, de l'humour (un peu), du recul (beaucoup) par rapport à la folie du temps qui court dans nos villes capitales, un temps suspendu à l'improbable rencontre, si bien peuplé de mots  sur le rapport de l'homme à la vie sauvage.

3. Quelques détours par la philosophie, inspirée par ces cimes, le Tao, Confucius, le panthéon indou - et grec aussi. Une harmonie de pensées tamisées par la roche et le vent, pour le plus grand bonheur de celles et ceux qui aiment prendre du recul.

Quelques réserves

Il faut aimer les grands espaces et avoir envie de lire 168 pages pour rencontrer une panthère des neiges … ou pas ! Je vous rassure, ils la rencontrent et la mitraillent (en mégapixels), pour le bonheur des amateurs qui en découvriront les images (et les poèmes de Sylvain Tesson) dans le très beau livre que publie en novembre, aux éditions Kobalann, Vincent Munier - Tibet minéral animal.

Encore un mot...

Pour ceux qui connaissent Sylvain Tesson, romancier acrobate et victime de ses défis (une partie du visage paralysé après la chute d'un toit), cette histoire est prétexte à raconter la quête de la plus simple des beautés, celle des espaces vierges et de la vie sauvage, celle qui rappelle à l'homme ses devoirs par rapport à la faune et aux ressources naturelles, celle qui font aussi percevoir son immense et absurde pouvoir de prédation. 

Tesson, c'est la limpidité des cimes par grand froid, la clarté de la pensée essentielle, la rencontre de la philosophie et de la géographie, comme il le fit si bien avec son roman "Dans les Forêts de Sibérie" publié en 2011. Un roman ?  Une réflexion rapportée du toit du monde, sur la dimension mystique de l'attente, la révélation de la rencontre avec l'éternel "animal", la folie destructrice de l'homme. En deux mots : simple et remarquable.

Une phrase

"Avec Munier, je commençais à saisir que la contemplation des bêtes vous projette dans votre reflet inversé. Les animaux incarnent la volupté, la liberté, l'autonomie : ce à quoi nous avons renoncé". P 64

"[…] rêvassant sur une terrasse parisienne […] hésitant entre l'arrêt et le mouvement, soumis à l'oscillation, j'enviais les yacks, monstres cadenassés dans leur déterminisme et par là même, dotés du contentement d'être ce qu'ils étaient, postés là où ils pouvaient survivre". P 71

"Elle levait la tête, humait l'air. Elle portait l'héraldique du paysage tibétain. Son pelage, marqueterie d'or et de bronze, appartenait au jour, à la nuit, au ciel et à la terre. Elle avait pris les crêtes, les névés, les ombres de la gorge et le cristal du ciel, l'automne des versants et la neige éternelle, les épines des pentes et les buissons d'armoise, le secret des orages et des nuées d'argent, l'or des steppes et le linceul des glaces, l'agonie des mouflons et le sang des chamois". P 107

"Ici, dans le canyon, nous scrutions le paysage sans garantie de moissons. On attendait une ombre, en silence, face au vide". P 110

"Je croyais depuis longtemps que les paysages déterminent les croyances. Les déserts appellent un Dieu sévère, les îles grecques font pétiller les présences, les villes poussent au seul amour de soi, les jungles abritent les esprits". P 149

L'auteur

Sylvain Tesson est un aventurier romancier, à moins que ce ne soit l'inverse, passeur de mondes - sauvages, marins, alpins, un (grand) brin philosophe et "stégophile" - ce qui signifie qu'il a fait de l'escalade des façades, des toits et des flèches (d'églises), une passion féroce, mise en sommeil depuis un grave accident en 2014. Géographe de formation, il parcourt le monde, plus à pied qu'en avion, passion incessante qui le conduit à écrire en 1996 son premier récit. Il en écrira beaucoup d'autres, distingués du Prix Jeune de l'Institut de Géographie Nationale aux prix Médicis (Dans les forêts de Sibérie, catégorie essais) et Goncourt (Une vie à coucher dehors, pour les nouvelles), des récits, des nouvelles, des albums photographiques (sur ses voyages en Asie centrale), et aussi des films, à vocation documentaire.

Commentaires

Henri Lévêque
dim 10/11/2019 - 18:06

Déçu, très voir top déçu

je ne connaissais pas Sylvain Tesson, je m'imaginais un ôde patiente à la nature. Tenter l'impossible entre la vie sauvage et l'anthropomorphisme. Je m'imaginais simplement une histoire naturelle. Et je n'ai eu que le fil d'une diatribe misanthropique, l'étalage d'un savoir des livres et des idées, un nombrilisme vain trop teinté des salons de promotion. L'écho des montagnes s'est englouti dans l'écho médiatique.

Peu me chaut, Pline l'ancien, Drieu la Rochelle, Nietzsche et consorts, j'aimais la robe furtive et l'élégance élusive du Jalbars.

Lisez plutôt "Le Léopard des neiges" de Tchinguiz Aïtmatov, et vous aurez la même tension entre l'univers du sauvage et la vie des hommes, mais avec une bonne histoire en plus ...

Henri Lévêque
qui parfois parcourt les montagnes célestes dans la quête de l'impossible hommage.

Rendez-vous dans le Jangart...

Jacqueline Jou…
dim 17/11/2019 - 21:37

Quel commentaire vaniteux que le vôtre .Qui vous empêche d'écrire sur l'affût et le silence panthère ou pas dont on se fout finalement ce livre est une esthétique du silence du recul comm une nostalgie c'est un éloignement du mal tel votre commentaire .

Merci à Henri Levêque pour ce joli commentaire et votre suggestion, qui enrichira nos lecteurs d'autres belles découvertes !

Quant au second commentaire, il n'est peut être pas indispensable de considérer l'auteur de la chronique comme vaniteux, pour dire simplement que l'on ne partage son avis - pour autant que j'en ai comppris le sens.

B.Devevey

Je partage entièrement ce commentaires . Ce monsieur nous donnerait envie de fuir nos semblables .

Annie BRUNERIE
dim 26/01/2020 - 12:14

J'ai beaucoup aimé le livre surtout les pages qui décrivent l'attente, les espaces glaçants et l'apparition majestueuse de la panthère que Sylvain Tesson a décrit avec beaucoup de poésie (page 106 "son pelage, marqueterie d'or et de bronze...") Ne serait-ce que pour ce passage, le livre mérite vraiment son succès. Mais j'aurais souhaité moins d'emphase dans l'écriture et moins de pessimisme quant au comportement humain. Ce livre aurait pour moi gagné en émotion et en pouvoir de représentation du lieu, de l'animal, des hommes. Peut-être Sylvain Tesson aurait-il pu s'effacer un peu devant la beauté de l'évènement.

dubenet
sam 08/02/2020 - 09:56

Partage les commentaires d'Henri Leveque - Livre ennuyeux - aux nombreux clichés, sans intérêt. On est loin des livres de Jack London.

Gaspard Meric
lun 17/02/2020 - 23:39

Je partage aussi le commentaire d’Henri Leveque.
Étalage de connaissances. Chapitre sur son Amour dans les Landes inutile.
Il nous endors avec ses mots “savants”.
Un Jack London nous fait bien plus rêver.

Bourrut
mar 17/03/2020 - 13:05

Pas trop aimé, voire pas du tout.Sentiment de phrases ajoutées sans intrêt sauf à faire le volume. Quelques jolies tournures quand même.
Une précision entre cent autres âneries du même genre. Il n'y a rien de "magique" quand l'héroïne montre son "immense savoir" car tout le monde apprend dès l'école maternelle, souvent avant avec ses parents, que les arraignées tuent et mangent les moustiques.

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