La vraie vie de Vinteuil

Une petite musique au goût de madeleine
De
Jérôme Bastianelli
Editions Grasset 268 pages 20,90 €
Notre recommandation
3/5

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Thème

Quel est le plus méconnu des compositeurs célèbres ? Vinteuil, et sa sonate,  bien sûr, dont  la  fameuse « petite phrase » émouvait tant Swann et que Proust évoque près de 170 fois dans la Recherche : La gloire ! Mais l’on ne sait pratiquement rien de l’homme… C’est pourquoi Jérôme  Bastianelli, critique musical et  spécialiste de Proust, imagine la  vie parfaitement crédible et soigneusement datée de ce musicien  un peu falot et rigoureusement conservateur dont l’œuvre novatrice surprend et annonce les débuts du XXe siècle.

Points forts

 - La crédibilité du personnage :
Né le 10 décembre 1817, mort le 13 février 1895, professeur de piano et organiste, marié sur le tard avec une « diva repentie » (parce que devenue aphone), Georges Vinteuil ne vit que pour son art,  sans chercher la reconnaissance autrement que dans les salons musicaux  où il côtoie les plus grands compositeurs du XIXe. S’il n’a pas laissé de traces tangibles, c’est du fait de sa discrétion, de sa timidité  et de son humeur casanière ; de  la malchance aussi : la révolution de 48 l’empêche d’être le témoin de César Franck à son mariage,  son buste sculpté par Rodin est volé par on ne sait qui …
Avec une précision digne d’un Borges, Bastianelli multiplie les sources incontrôlables comme « les mémoires de mon père » de Pauline Vinteuil, le premier prix de Rome refusé en juillet 1834, les échanges dûment datés  de lettres disparues des archives, les partitions non éditées,  les amitiés non vérifiables avec des  méconnus bien réels comme Mel Bonis ou Ernest Fanelli… C’est du grand art.

- La crédibilité de l’œuvre

Si le biographe  dresse le portrait d’un homme, le musicologue  créé une œuvre complète grâce aux  arrangements, reprises et transcriptions diverses qui sont l’apanage du monde musical. En plus de  la fameuse sonate pour piano et violon chère à Proust, sont évoquées  plus de  quarante œuvres, pour piano, orgue, musique de chambre ou orchestre,  plus ou moins achevées, plus ou moins jouées ; des cantates, des  mélodies, des variations, des oratorios, des septuors, et même un invraisemblable « Mikado »(1894)  pour timbales, caisse claire, deux xylophones, tambour, triangle et gong japonais. 

Quelques réserves

Pour faire vivre ces œuvres fictives, Bastianelli analyse les influences croisées de Litz, Chopin, Wagner,  Beethoven, César Frank, Berlioz, Gounod, Bizet, Saint-Saëns et bien d’autres, en bref,  de tous les grands contemporains dont Vinteuil aurait pu s’inspirer (ou qui auraient pu le piller). Le lecteur moyen, ou le simple mélomane dont la culture musicale est loin d’atteindre les sommets du musicologue averti qu’est Bastianelli, décroche complètement sous l’accumulation des termes techniques de la composition.

On sent que cette « vraie vie de Vinteuil » qui ne manque pourtant  pas d’humour, a été écrite  très sérieusement -trop sérieusement ?

Encore un mot...

Ce qui aurait pu être un canular éblouissant se lit comme une honnête biographie. Dommage…

Une phrase

p.  103 A propos de la création du « quatuor avec piano », en septembre 1863 :

"La partition plut beaucoup dans le petit cercle d’initiés que Vinteuil avait réuni chez lui ; César Franck y vit notamment « la nouvelle démonstration du monde fascinant qu’entrevoit Vinteuil et dans lequel il nous guide prudemment ». Georges renonça cependant à la faire publier ; à ses yeux il s’agissait d’un cadeau pour Amélie, c'est-à-dire d’un document intime qui, comme « les Vocalises », n’avait pas vocation à affronter le concert public".

L'auteur

Né en 1970, Jérôme Bastianelli, est un haut-fonctionnaire français doublé d’un critique musical et d’un biographe. Polytechnicien, il commence par travailler au ministère des Transports avant de rejoindre le secteur culturel, comme directeur général délégué du Musée du quai Branly à Paris.

Auteur de quatre biographies de compositeurs (Bizet, Tchaïkovski, Mendelssohn, Mompou) et président de la « Sociétéì des amis de Marcel Proust » il s’est intéressé tout naturellement à l'influence du critique d'art John Ruskin sur Marcel Proust. Il collabore également au magazine Diapason.

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