L’HÉRITAGE DES LUMIÈRES - Ambivalences de la modernité

Les Lumières, plus qu’un slogan...un essai magistral
De
Antoine Lilti
Hautes Etudes, EHESS Gallimard Seuil,
410 p.
25€
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

Souvent invoquées de nos jours contre l’obscurantisme djihadiste sous forme de slogans frappants mais rarement comprises dans leur véritable pluralité, les Lumières ouvrent l’époque moderne et posent un certain nombre de questions qui taraudent une bonne partie de la pensée occidentale encore aujourd’hui : l’universalité des valeurs est-elle possible sans écraser les diversités culturelles ? Qu’est-ce qu’être moderne ? Peut-on éclairer le « peuple » ?

C’est à partir de ces trois grandes problématiques qu’est articulée la réflexion de cet ouvrage.

Points forts

* Le livre devient vraiment passionnant à partir de l’analyse des notions de crédit et de publicité, notions fondamentales, essentielles à partir du XVIIIème siècle et qui marquent évidemment profondément nos existences d’acteurs économiques et d’utilisateurs de réseaux sociaux. Puis, le livre finit magistralement sur le « revirement » réel ou supposé de Michel Foucault face aux Lumières à la fin de sa vie, exemple historique et philosophique plus que significatif, qui montre bien que ce mouvement de pensées reste incontournable et que nous pensons toujours dans le cadre problématique et réflexif qu’il a posé depuis la naissance de la modernité dont il est contemporain. 

* Le règlement de comptes en règles de l’auteur avec Jonathan Israel à propos du problème des Lumières dites « radicales », matérialistes et démocratiques, qui seraient le « véritable foyer de la modernité » est assez croustillant, surtout lorsque Lilti démonte complètement la thèse de son adversaire qui voit en Spinoza le précurseur d’un tel mouvement.

Quelques réserves

La première partie qui confronte les Lumières face aux critiques du post-colonialisme se conclut sur une sorte d’absence de réponse quant à savoir si les Lumières ont justifié ou non la domination européenne et les colonies. C’est compréhensible, dans une certaine mesure, puisque le livre défend l’idée que les Lumières sont plurielles mais on a quand même une impression d’inachevé.

Encore un mot...

Les Lumières sont à notre image car nous sommes à la leur. Elles sont, d’une certaine manière, le corpus canonique de notre modernité occidentale, tradition philosophique complexe et diverse qu’il est important de lire et de relire en ne la figeant pas dans les clichés scolaires, et ceci, dans le but de toujours mieux nous connaître nous-mêmes et nous positionner face à l’obscurantisme actuel, sans occulter nos propres tendances à la domination et à la négation de l’altérité qui existent déjà, ici et là, dans les textes de cette époque inaugurale.

Une phrase

« L’Aufklarung (Les Lumières en Allemand) n’a pas abusé des pouvoirs, il en a usé. La raison n’est plus condamnée, elle est ambivalente : elle peut offrir le pire, le despotisme, comme le meilleur, la lumière. »

L'auteur

Antoine Lilti, ancien élève de l'Ecole normale supérieure, agrégé et docteur en histoire, a dirigé la revue Annales, Histoire sciences sociales de 2006 à 2011.

Ses travaux portent sur les Lumières et leurs héritages, sur l'histoire sociale et culturelle du XVIIIème  siècle, sur les formes de la réputation et de la célébrité dans les sociétés modernes et sur l'histoire de l'historiographie.

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Ils viennent de sortir

Essais
Suite orphique
De
François Cheng, de l’Académie française postface de Daniel-Henri Pageaux