Pierre de Nolhac, Journal 1891-1898 (Inédit)

Sept années de la vie d’un érudit poète
Claire Bonnotte Khelil et Martine de La Forest Divonne
Les Belles Lettres/Château de Versailles
Parution le 23 mai 2025
319 pages, 25,50 euros
Notre recommandation
4/5

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Thème

Recueillis dans les archives familiales, les écrits intimes (novembre 1891 - décembre 1898) de Pierre de Nolhac (1859-1936), personnalité en vue du monde littéraire et artistique à cheval sur les années fin-de-siècle et les quatre premières décennies du siècle dernier. Membre de l’Ecole française de Rome, spécialiste de l’histoire littéraire italienne (Pétrarque) et de la Renaissance française, nommé à l’Ecole des Hautes études, devenu à 35 ans conservateur du Musée national du château de Versailles, ce savant et cet écrivain, poète comme on ne l’est plus, riche de dons et grand travailleur, revit dans ces pages et fait revivre avec lui, comme témoin et comme acteur, tout un pan de la vie intellectuelle française à l’approche de 1900. 

Points forts

On voit passer, saisis par une plume agréable, Anatole France, Alphonse et Léon Daudet, Frédéric Masson, Gabriel Monod, Leconte de Lisle, Edmond de Goncourt, Gaston Paris, le jeune Maurras… Ceux que passionne cette époque découvrent ce journal avec le même intérêt que les Cahiers inédits d’Henri de Régnier, parus chez Pygmalion en 2002, ou, d’une écriture bien moins artiste, les 9 volumes, parfois arides, il est vrai, des Carnets du cardinal Baudrillart, parus au Cerf de 1994 à 2003. 

Le roman personnel de Nolhac, celui de ses ambitions et de ses angoisses, de ses doutes et de ses mélancolies, donne un accent prenant à ce fragment de journal, bien supérieur, en richesse et en originalité, à ce que pouvait faire présager le carnet secret d’un littérateur de salon, haut fonctionnaire bien noté et docteur à lunettes. Transcrites avec une finesse de notation caractéristique de l’époque, des confessions de sombre nihilisme bien dans la note des années où rayonne Paul Bourget et monte l’astre de Maurice Barrès.

Les pages « professionnelles » sont  instructives. Les différends entre notre conservateur-historien-poète et Marcel Lambert, l’architecte du palais, illustrent une opposition de points de vue qui est restée d’actualité !

Le cahier central d’illustrations est remarquable, tant par les sujets que par la qualité de la reproduction. A noter un magnifique portrait d’Alphonse Daudet, que Nolhac a fréquenté dans ses dernières années, gravement malade mais encore tout frémissant de vie, et tendrement assisté par son fils Léon.

Quelques réserves

L’apparat critique pourrait sembler un peu léger, si deux précieux index, des lieux et des personnes, ne venaient compléter  les notes en bas de page.

Dans cet accompagnement, quelques peccadilles : « Goncourt » au lieu de « Goncourt (de) », « université des lettres » au lieu de « faculté » à propos de Léon-Gabriel Pélissier etc. Dans le texte lui-même, un usage du soulignage, en concurrence avec l’italique et les guillemets, qui déconcerte un peu.

On aurait aimé qu’un défaut d’impression ne rende pas difficile la lecture d’une dizaine de pages…

Encore un mot...

Ce journal ne porte que sur une tranche assez brève d’une assez longue existence. Mais d’abondantes annexes, outre l’iconographie, arbre généalogique, biographie, bibliographie (25 pages !) élargissent le cadre de l’ouvrage, dont elles contribuent à faire une sorte de « tombeau » pieusement élevé à la mémoire du grand défenseur de Versailles.

Au sujet de ces fonctions, la préface de Laurent Salomé, actuel directeur du Musée des châteaux de Versailles et de Trianon, intéresse par le regard jeté sur cet aspect de l’activité de Nolhac par son lointain successeur, pour qui cette nouvelle publication complète les Souvenirs d’un conservateur, parus en 1937 et réédités par Perrin en 2002, présentés et annotés par Christophe Pincemaille, avec une préface d’Olivier de Rohan. 

Une phrase

  • « Dans douze heures, demain matin, Alix (Madame Pierre de Nolhac) sera ici. Je l’attends ardemment – et elle, plus encore, est impatiente. Ses dernières lettres sont fiévreuses, haletantes, pleines d’une nature d’amour que je ne lui connaissais pas si violente, et qui est toute de jalousie. » (p. 113)

  • (Mort de Leconte de Lisle, juillet 1894) « Je l’ai vu, le pauvre maître, à Louveciennes, sur son lit de mort, le visage rétréci par l’agonie, qui fut douloureuse, et recouvert de la gaze blanche qui avait servi au moulage. » (p. 151)

  • « Cette fois, je ne prie plus du tout et c’est une souffrance noire, sans espoir - avec le sentiment que la vie passe - et que rien, rien, ni en ce monde, ni dans l’autre, ne compensera les luttes et les sacrifices de santé et de légitime joie naturelle, que je fais, sans foi et sans illusion, à je ne sais quel idéal qui n’a jamais été le mien. » (p. 201)

L'auteur

Pierre Girauld de Nolhac, né le 15 décembre 1859 à Ambert (Puy-de-Dôme) et mort le 31 janvier 1936 à Paris, est un historien et poète parnassien français[2].

Il fut le conservateur du musée du château de Versailles de 1892 à 1920.

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