Quand l'Enchanteur vint au monde
novembre 2025
192 pages7
18.5 €
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Thème
L'Enchanteur, c'est François René de Chateaubriand, Vicomte de son état. L'enchanté, c'est Jean d'Ormesson, Comte pour sa part. En cette année 1958 où il jette son dévolu et anime sa plume pour cet auteur tant admiré, il est encore loin des bancs de l'Académie Française. Il n'a publié qu'un roman, écrit et remisé cette biographie pleine de complicités malicieuses, dans un placard dont elle ne sera exhumée qu'en juillet 2025, 7 ans après son décès. Cela mérite d'être évoquée car cet essai sur Chateaubriand est un inédit de "Jean d'O", un des écrivains les plus féconds et les plus appréciés de ces 70 dernières années. Dans ces pages souriantes et graves, Jean retrace la vie de François René, qui s'éveille "Vers la fin du mois d'aout 1768, [après qu'] une tempête ravagea la cote Atlantique […] le 4 septembre […] naquit presque mort quand il vint au jour […] : François René. C'était Chateaubriand."
Ce ton et ce style donnés dès les premières pages seront chaine et trame d'une exploration érudite et très documentée de la vie de cet écrivain pour lequel Jean d'Ormesson ne peut cacher son admiration. Grandeurs et servitudes, ombres et lumières, fidélités et renoncements, amours et honneurs, toute la vie de Chateaubriand défile dans ces pages finement émaillées de larges extraits de ses œuvres, en soutien des propos et analyses de Jean d'Ormesson. Cet essai, bien que non publié de son vivant, ne se voulait certainement pas une œuvre de biographe, mais bien plutôt une dialogue "amoureux" entrepris par un jeune apprenti écrivain à l'un de ses maitres en littérature, si ce n'est son père spirituel.
Points forts
S'il en fallait une seule paire : l'érudition gourmande et la plume souriante de Jean d'Ormesson pourraient suffire au charme et à l'intérêt de cette vie projetée aux cotés de Chateaubriand.
Pour être un peu plus complet, il y a d'abord la préface de sa fille Héloïse, qui présente le contexte de la découverte, dans l'été 2025, de ce manuscrit inconnu et enfoui au fond d'un placard.
Il y a ensuite le récit, vivant, complice, émaillé d'extraits des œuvres de ses contemporains, de ses maitresses, des grands écrivains et biographes qui lui rendirent hommage.
Il y a la gourmandise communicative qui sera un des traits de l'Académicien (Jean), et qui vous nourrit au fil des pages sans vous lasser.
Il y a la (re)découverte de la vie étonnante de ce géant de la littérature, entre mélancolie et romantisme, fidélités monarchistes et idées libérales qui ne voulaient pas s'avouer républicaines, poète, diplomate, ministre, auteur de chefs d'œuvres et apôtre du christianisme au crépuscule de la Révolution…
Il y a la post face de Charles Eloy Vial, conservateur du "fonds" Jean d'Ormesson à la Bibliothèque Nationale de France, qui souligne à raison ce que le lecteur d'aujourd'hui pourrait percevoir sans le définir : cet essai résonne comme un portrait croisé, ce que le jeune auteur ne peut soupçonner à l'aube de sa carrière.
Il y a enfin les rabats de couverture. Qui va les ouvrir ? Faites le, car chez Culture-Tops, on n'omet aucun détail. Ils cachent la reproduction de la première et de la dernière page de ce manuscrit. Belle et émouvante surprise.
Quelques réserves
Pas de réserve pour cet ouvrage qui offre, en coïncidence avec la centenaire de la naissance de Jean d'Ormesson, l'occasion de (re)découvrir l'œuvre de Chateaubriand. S'il comporte des erreurs - bien peu apparemment - celles-ci sont mentionnées et corrigées dans les hors textes, préface et post face.
Encore un mot...
Déjà d'Ormesson perçait sous Jean et du jeune érudit, déjà par maint endroit, le front de l'Académicien brisait le masque étroit. Ce siècle avait 58 ans et l'écrivain 33. Ce plagiat de Victor Hugo, qui rendit à François René des hommages vibrants et tristes, résume assez bien les sentiments que la lecture de cet essai peut faire naitre en vous. D'Ormesson, en l'écrivant, ne pouvait soupçonner ni sa carrière ni son itinéraire lumineux. Mais il sentait vibrer en lui les passions et la grandeur d'âme de ce géant de la littérature que fut L'Enchanteur. Cet essai délivre une lecture bien entendu partisane de sa vie, mais bien plus "une introduction à ce chef d'œuvre [que sont Les mémoires d'outre tombe, …] qui reste l'un des plus beaux livres de la littérature française". Sous la plume de "l'écrivain du bonheur", le voyage s'achève par une assez courte analyse rétrospective de la vie et de l'œuvre de Chateaubriand, des pages 163 à 167, qu'il ne faudra pas manquer.
Une phrase
"J'imagine Chateaubriand au col du mont Cenis, dans ces instants qu'il aimait où quelque chose finit a où quelque chose commence. « L'Italie à mes pieds et devant moi le monde. » Après « les vieilles forêts de l'Amérique », c'étaient les vieilles cités d'Europe, après l'exil et la tristesse, c'étaient l'amitié des grands et les rôles officiels. Il devait penser à Delphine et à Pauline, à sa fidélité aux Bourbons et au Premier consul, le moins possible à sa femme, avec attendrissement peut-être ou avec un secret plaisir aux incroyables contradictions de sa carrière et de son cœur." P 60
"Il faut [...] tenir [François René de Chateaubriand] moins pour un rayon de bibliothèque que pour un grand vivant. » C'est cette éclatante formule qu'applique à Chateaubriand le plus intelligent des critiques, Albert Thibaudet, que je me suis proposé d'illustrer. Je n'avais pas l'intention en commençant ces quelques pages d'alourdir de nouveaux commentaires la vie et l'œuvre du vicomte de Chateaubriand. J'aurais atteint mon but si l'envie prenait quelques-uns de mes lecteurs de relire quelques pages de Chateaubriand. Non Les Martyrs ni Le Génie du christianisme, ni même l'Essai sur les révolutions, mais La Vie de Rancé peut-être - et surtout les Mémoires d'outre-tombe. P 163
L'auteur
Jean d'Ormesson, est né le 13 novembre 1925 et décédé en décembre 2017. Il est tout à la fois fils d’un ambassadeur de France proche de Léon Blum, issu par sa mère d'une famille aristocratique, normalien agrégé de philosophie, gendre d’un magnat de l’industrie et de la presse et ancien directeur général du Figaro, éditorialiste, écrivain et membre de l’Académie Française depuis 1973. Il fut même acteur de cinéma, rôle dans lequel il joua François Mitterrand dans « Les Saveurs du palais », film de Christian Vincent, en 2012.
En 1956, il publie son premier roman L’amour est un plaisir. Son premier succès arrive en 1971 avec La gloire de l'Empire pour lequel il reçoit le Grand prix du roman de l'Académie française. Depuis 1977, il s’éloigne progressivement du journalisme pour se consacrer à l’écriture de livres, entre récits et essais, où s’entrecroisent anecdotes souvent autobiographiques (Au plaisir de Dieu publié en 1974, porte le titre de la devise de sa famille et raconte l'évolution de la vie d'une famille aristocratique au cours du 20ème siècle), humour et érudition. Ses ouvrages, dont Et moi, je vis toujours et Un hosanna sans fin, parus en 2018, sont ses textes posthumes, constituent une méditation récurrente sur la condition humaine et plus spécifiquement sur le temps, une ode au simple au bonheur d’exister.
Inédit de son vivant, Quand l'Enchanteur vint au monde est publié à l'occasion du centenaire de sa naissance.
Son charme, son érudition et sa verve lui ont valu d’être familier des plateaux télévisés et de connaître une grande popularité tant chez ses lecteurs que dans le grand public.
Sur Culture-Tops.fr, de nombreux articles et chroniques évoquent son œuvre. Parmi eux, et pour ne citer que les romans :
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