SANS LA LIBERTÉ

La liberté a déjà disparu
De
François Sureau
Editions Gallimard, Collection Tracts
56 pages
3,90 €
Notre recommandation
5/5

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Thème

Sécurité ou liberté ?
Pourquoi et comment, depuis quelques décennies, nous sacrifions les libertés publiques sur l'autel de la sécurité individuelle. Ce sacrifice mené par l'État répond à la demande de la population apeurée. Nous en sommes les complices, collectivement. 
En effet, notre démocratie moderne  a oublié que « sans la liberté, il n'y a rien au monde ». 
Cette déclaration de Chateaubriand exprime que « sans la liberté », il n'y a pas de société politique.
Nous avons oublié aussi que la liberté a un prix, elle n'existe pas sans risques, incivilités et désordres.
La liberté de vivre, d'aller et venir, de penser, d'écrire, de désobéir, de haïr, suppose que cette liberté -réserve faite de la provocation à la haine raciale et au meurtre- puisse blesser, déranger, conduire à l'émeute, à la guerre civile, à la révolution.

Notre devoir de citoyens est de donner à notre incertitude ontologique, notre doute sur la meilleure forme politique possible, un mouvement qui, grâce à l'aliment de la liberté, nous permette de progresser dans l'Histoire. Tout ce qui conduit à brider, à arrêter ce mouvement -même pour les meilleurs motifs qui soient- est dangereux pour le principe de la liberté. 
Si le peuple réclame plus de sécurité au détriment de la liberté, nous disposons de garanties pour maintenir le principe de liberté comme, par exemple, la Constitution et le contrôle constitutionnel effectué par des citoyens libres politiquement. Ce ne sont pas des élus de la nation.

Certes il faut réprimer pénalement les actes blâmables, mais sans pour autant sortir de l'espace de la démocratie  qui, au nom de la fraternité politique, a le souci de la liberté d'autrui.
On peut s’étonner que les valeurs des libertés fondamentales offertes par la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen en 1789, la Déclaration universelle des droits de l'homme en 1948 et par  notre Constitution de la Vème République, s'estompent alors que, sauf en ce qui concerne les attentats de 2015, nous sommes dans une période plus calme que les précédentes.
Il est, évidemment, légitime de s'opposer au terrorisme sur notre territoire.  Mais la France n'est-elle pas capable de se défendre hors de l'état d'urgence et de l'épanouissement du parquet, du corps préfectoral et de la gendarmerie ?

Pourquoi ce glissement vers une société de la peur au détriment d'une société de l'aventure et de la confiance ?
Pour François Sureau, la raison la plus profonde est d'ordre métaphysique, nous ne supportons plus le mal depuis « la mort de Dieu » et des religions séculières politiques.
Privée de la théorie du salut collectif dans le divin, notre société déspiritualisée ne croit plus à la rédemption. Ainsi, n’espérant plus le rachat, la guérison du mal, nous ne voulons plus accepter l’existence du mal. Seuls des cultes païens, la nature, l'écologie et la vie, sont capables de nous rassembler. Nous rêvons de la perfection individuelle ici-bas. Et ce rêve, inaccessible, génère une société de la peur.  D'où le retour de la censure de la pensée.

De nos jours, les juges ont qualité pour décider des opinions à censurer et il n'est plus nécessaire de passer à l'acte pour être condamnable mais seulement d'en avoir l'idée. 
François Sureau pointe, entre autres exemples, deux interdictions récentes : il est interdit de haïr et interdit aussi de manifester, sauf à être contrôlé auparavant par la police ou le parquet. Des reculs de la liberté qu'il faut dénoncer car l'Histoire, sans cesse en mouvement, nous a montré que la peur et la censure n'ont pas d'avenir heureux. Si François Sureau estime que la liberté a déjà disparu, il sait, bien sûr, que nous ne sommes pas dans un État totalitaire. La liberté continue d'affleurer et il ne désespère pas qu'avec un peu de souffle et de patience nous parvenions à la réanimer. 

Points forts

Un manifeste d'une densité rare, brillant par son écriture, sa culture et son humanisme.

Quelques réserves

Je n'en vois aucun

Encore un mot...

Un souhait : que la sincérité, la témérité et la hauteur de vue de cette sorte de plaidoirie de François Sureau apportent un supplément d'âme  à notre société  !

Mais, il est vrai que sa position de gardien des principes, aussi noble soit-elle, est plus facile à tenir que celle des décideurs qui, eux, affrontent les réalités politiques.

Une phrase

«  Personne d'autre que le citoyen libre n'a qualité pour juger de l'emploi qu'il fait de sa liberté, sauf à voir celle-ci disparaître. Ainsi la loi ne peut-elle permettre à l'État de restreindre abusivement la liberté d'aller et venir, de manifester, de faire connaître une opinion, de s'informer, de penser pour finir ».

« L'État de droit, dans ses principes et dans ses organes, a été conçu pour que ni les désirs du gouvernement ni les craintes des peuples n'emportent sur leur passage les fondements politiques de l'ordre politique, et d'abord de la liberté. C'est cette conception même que, de propagande sécuritaire en renoncements parlementaires, nous voyons depuis vingt ans s'effacer de nos mémoires sans que personne ou presque ne semble s'en affliger ».

« Je tiens pour accablant que face aux attentats terroristes, la seule réponse de l'État ait été d'écarter ce système [notre système de droits pour qu'il n'y ait pas à choisir entre sécurité et liberté] pour s'en remettre à la police agissant aux ordres du corps préfectoral ».

« Un jour viendra peut-être où nous pourrons recommander sans nous trahir de remplacer le blanc au milieu de drapeau tricolore par un beau gris préfectoral ».

L'auteur

François Sureau est avocat et écrivain, auteur de romans, essais et recueils de poèmes et de nouvelles. Ses principales plaidoiries au Conseil Constitutionnel ont été publiées en 2017 sous le titre Pour la liberté.

Il participe au réseau d'avocats de l'association Pierre Claver, fondée par son épouse Ayyam Sureau, association qui soutient les réfugiés demandeurs d'asile.

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