Un bref instant de splendeur

Un livre dur et décevant. De rares belles pages...dommage!
De
Ocean Vuong
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Marguerite Capelle -
Gallimard, décembre 2020 -
289 pages -
22 €
Notre recommandation
2/5

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Thème

Le héros de ce livre autobiographique présenté sous la forme d’une lettre écrite par le fils à sa mère, propose un parcours erratique entre le pays perdu, le Vietnam, la guerre effroyable qui l’a anéanti et l’exil américain qui va ruiner toute perspective d’espoir d’une vie meilleure. Little Dog est né à la fin des années 80 à Hô-Chi-Minh Ville, ancienne Saïgon, d’une mère métissée et d’une père peint en ombre chinoise, absent et évanescent. Rose sa mère est elle-même issue d’une relation improbable, celle de Lan, une paysanne qui a fui son village et sa famille pour échapper au joug d’un mari imposé, et de Paul, un GI américain aussi brave que primaire, relation improbable au point que Paul révèle un jour à son petit-fils qu’il n’a fait qu’endosser les œuvres d’un tiers, un autre GI, client de Lan qui survivait grâce à la prostitution.

L’aéropage ainsi composé de Lan, la grand-mère schizophrène dont l’âme, l’esprit et le corps détruits par les bombes et le napalm sont restés au bord du Mékong, de Rose sa fille, analphabète et ignorante de la langue de son pays de substitution et de Paul qui va vite les abandonner pour retourner dans sa Virginie natale, n’aura qu’un seul héritier, Little Dog, blanc et jaune, paria dans une société américaine brutale et raciste, lui-même soumis à son tour à toutes les servitudes, physiques et morales, ainsi celle de Trevor, un jeune américain consumé par la drogue qui l’initiera au plaisir et à la soumission qu’il implique. 

Points forts

- Le récit, fort, brutal, sans le fracas des bombes, mais lourd d’une grande souffrance subie et accumulée, condition de l’impuissance à deux générations de distance.

- Le décor de l‘Amérique perdue, déshéritée, sale et violente.

- Le titre, très beau et prometteur.

Quelques réserves

- Un discours décousu et incompréhensible parfois, voire dépourvu de sens, de qualité littéraire inégale et au bout du compte, l’accumulation de quelques poncifs.

- Une insistance inutile sur l’initiation amoureuse du héros éloignant l’auteur de la poésie qu’on lui prête et du sujet qu’il traite, sauf à considérer que cet amour-là, triste et brutal, est le seul possible dans ce monde perdu.

Encore un mot...

La  guerre et l’exil, le métissage et le racisme, la pauvreté et l’ignorance sont le terreau de ce livre dur qui ne devraient laisser aucune chance au héros qui paradoxalement, confondu avec l’auteur, semble jouir aujourd’hui aux États-Unis d’une audience énorme alors que son roman autobiographique a été célébré par le Washington-Post comme le meilleur livre de l’année 2019 et couronné par un succès commercial considérable.

Mais si le thème est fort, la force littéraire et suggestive du roman reste relative, la langue inégale et la pertinence aléatoire. Quelques très belles pages révélatrices d’un vrai talent sont curieusement anéanties par d’autres, absconses et presque illisibles. Il y a loin de ce « bref instant de splendeur » à toutes les dénonciations pertinentes du vice américain, du racisme et du déclassement, du déracinement et de la guerre, de Steinbeck à Toni Morrison, de Boyle à Selby…

Ce succès commercial et l’emphase de la critique ne sourdent-ils pas une petite complaisance à l’égard de l’auteur, chantre du LGBT, qui consacre des pages abondantes à ses ébats amoureux sans qu’ils ajoutent pourtant au roman, l’intérêt supposé de celui-ci restant celui des « dommages de guerre » à deux générations et quelques milliers de kilomètres de distance.

Une phrase

- “Du vent, j’ai appris une syntaxe de l’audace, une façon d’avancer entre les obstacles en m’entourant autour d’eux. Ainsi, on parvient jusque chez soi. Crois-moi, on peut faire trembler les blés et rester aussi anonyme que de la poussière de coke sur la peau tendre du poing d’un garçon de ferme”.

- “Je m’étais réveillé brutalement et, encore ahuri de sommeil, j’avais pris la lumière de l’aube qui frappait les pétales pour la luminescence émise par les fleurs elles-mêmes. Je me suis traîné vers les calices rougeoyants, croyant voir un miracle, mon buisson ardent à moi. Mais comme je m’approchais, ma tête a fait obstacle aux rayons et les tulipes se sont éteintes. Ça non plus ça ne veut rien dire (NB- on ne le lui fait pas dire), je sais. Mais il y a des riens qui changent tout après eux”.

- “Tes mains sont affreuses et je déteste tout ce qui les a rendues ainsi. Je déteste qu’elles incarnent le naufrage et le solde d’un rêve”.

L'auteur

Ocean Vuong, poète, essayiste et aujourd’hui romancier, américain, est né en 1988 dans l’ex Saigon, Hô-Chi Minh-Ville. Réfugié aux États Unis avec sa mère , il écrit et publie jeune, ainsi en 2016 un recueil de poésie  Night Sky with Exit Wounds  qui lui vaudra deux prix, le Whiting et le T.S Eliot.

Avec ce beau titre, Un bref instant de splendeur, il est crédité par le Washington Post du statut du Meilleur Livre de l’année 2019.

La critique est très élogieuse aux États-Unis mais aussi en France (La Croix, Le Masque et la Plume, Le Figaro Littéraire, Le Point etc…)

Le clin d'œil d'un libraire

LIBRAIRIE SAINT PAUL. A PARIS.

« On sait maintenant à quel saint se vouer »

A condition d’avoir la passion des livres. Et cette passion, les six libraires de la librairie Saint Paul, sise rue de Châteaudun, à mi-chemin entre l’Eglise de la Trinité et celle de Notre Dame de Lorette, l’ont chevillée au corps. Son directeur Christophe Aveline, tout laïc qu’il est, se consacre corps et âme à la propagation de la spiritualité chrétienne et catholique mais aussi de toute croyancequi élève l’esprit, toutes religions confondues. C’est en 1936 qu’un ordre religieux italien, les Pauliniens, crée en France la première librairie à l’enseigne de Saint Paul (c’était rue Dufour). Il en reste deux en France, les librairies Saint Paul ayant surtout essaimé au Québec.« Notre librairie appartient toujours à cette congrégation dont la vocation est donc l’évangélisation par le livre. Mais nous marchons sur nos deux jambes avec 60% de nos ventes réalisées avec des ouvrages spirituels et 40% en littérature générale » résume Christophe Aveline «Nous sommes ouverts sur le monde, nous portons le regard chrétien sur le monde. »

« Nous recommandons évidemment des romans porteurs de certaines valeurs morales et humanistes :

Par exemple Pierre Adrian, avec « les Ames simples », mais aussi « Ames brisées » chez Gallimard, écrit en français par un jeune japonais et aussi « Bach, maître spirituel » une autre manière d’écouter la musique par le pasteur Alain Joly ou encore Brahms par Olivier Bellamy(« L’automne avec Brahms ») connu pour ses émissions sur Radio classique, qui vient souvent tendre l’oreille dans ce lieu un peu sacré ! La peinture n’est pas oubliée : le philosophe Michaël de Saint Chéron présentait ici il y a un mois son « Soulage, d’une rive à l’autre ».

Les libraires de Saint Paul, comme l’horloger, ont ce rare talent de faire des « ponts » entre les arts, la lecture… et la passion.C’est la foi, « l’espérance » qui a sauvé la librairie Saint Paul pendant la très rude période de fermeture et le premier confinement, affirme son directeur. Les colloques, les conférences, les rendez- vous cultuels et culturels, les fameux 19-20 mensuels de la librairie Saint Paul ont été mis entre parenthèses au grand dam de ses fidèles pendant 2 mois. Heureusement, chaque jour, Aveline publiait sur son site ses réflexions, impressions, critiques pour maintenir la flamme. Bref, ce fut un rare et minuscule moment de grâce que votre serviteur a eu la chance de passer le jour de la Saint Valentin, à l’écoute de Christophe Aveline avec, pour finir, ce petit clin d’oeil que nous devons à Christiane Rancé, habituée des lieux qui vient de publier « Le dictionnaire amoureux des saints.»

LIBRAIRIE SAINT PAUL. 28 rue de Châteaudun 75009 PARIS Tel01 45 48 33 00

Texte et interview réalisés par Rodolphe de Saint-Hilaire pour la rédaction de Culture-Tops.

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