Une bête au Paradis

Le destin sublime et tragique d’une lignée de femmes enracinées au Paradis, leur domaine familial
De
Cécile Coulon
Editeur : L’Iconoclaste
352 pages
Notre recommandation
5/5

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Thème

 Le roman s’ouvre sur un drôle de tableau : dans une nature automnale dont les couleurs donnent l’impression que la «terre aurait saigné toute la nuit», une vieille femme dépose un petit bouquet au centre d’une arène, l’ancienne fosse aux cochons. Scène suivante, pour perdre sa virginité, une très jeune femme choisit le jour où on saigne le cochon afin que les beuglements couvrent ses ébats. Même arrière-plan, même femme, Blanche — dont l’auteure s’apprête à raconter comment elle est devenue cette femme cassée qui, chaque matin, se recueille dans l’arène, et se souvient de tout. La bête au Paradis, c’est elle. Qu’est-ce que le Paradis ? On s’en doute, le contraire de ce que ce nom promet. En fait, un domaine et une ferme où, au milieu des bêtes, ou plutôt avec elles, vont se jouer le drame d’une lignée de femmes enracinées dans leur terre et une tragédie de l’amour passion.

Points forts

- La force du roman réside essentiellement dans les portraits de femmes. Blanche et sa grand-mère Emilienne sont les gardiennes admirables de leurs terres. Humaines, mais acceptant leur destin, elles s’offrent en sacrifice à cette enclave coupée du monde où leurs corps et leur désir sont aliénés par le travail et la nécessité.

- L’histoire de Blanche prend aux tripes : la pureté de sa passion pour Alexandre émeut car on pressent l’effondrement à venir, face à ce garçon assez sottement ambitieux qui, au fond, n’a pour lui que sa jolie gueule. Au point qu’on s’interroge : comment Blanche, si déterminée, peut-elle faire preuve d’un tel aveuglement ? Se révéler si fragile ?

- Le ressort du destin est bandé dès le début. Passion féminine, lâcheté masculine, violence charnelle, vengeance sanglante — le Paradis est une machine à broyer mais aussi à ériger des figures sublimes. Ce n’est pas très original. Mais ce qui est intéressant, et très bien fait, c’est le chemin qu’emprunte Cécile Coulon pour emmener son lecteur jusqu’à une résolution annoncée (qu’on ne dévoilera pas), et le surprendre par sa mise en scène et sa cruauté.

-  Comment dire le lien indéfectible des êtres humains avec les bêtes, la terre, la nature ? En évoquant les uns et les autres dans les mêmes termes. C’est la singularité et l’excellence du style de Cécile Coulon. Des exemples : «Les ordures nourrissent les porcs et les rendent plus forts. Les deuils répétés avaient fait d’elle une puissance humaine » ; elle était « agrippée au Paradis comme un écureuil affamé » ; «Son cœur battait au rythme des pattes de l’araignée ».

Quelques réserves

- Cécile Coulon est une auteure qui décrit les sentiments plus qu’elle ne les montre. Certains lecteurs s’en agaceront.

- La mise en place est lente. C’est un parti-pris mais, comme dans «Trois saisons d’orage », on peut en être gêné.

- Le premier amour, le retour du premier amour quinze ans plus tard… Deux motifs vus et revus.

Encore un mot...

Je restais un peu perplexe devant l’admiration suscitée par les précédentes publications de cette auteure certes prometteuse mais encore très jeune et qui se cherchait à bien des égards dans une production prolifique. Avec «Une bête au Paradis» (et en rejoignant L’Iconoclaste ?), Cécile Coulon prend une nouvelle dimension littéraire. Pas étonnant que, de son propre aveu, ce livre soit celui de ses ouvrages qui lui a pris le plus de temps. On lui reprochait ses métaphores parfois bancales et son manque d’émotion ? Son style a désormais un statut de signature et ses personnages ont des viscères. Et un cœur qui bat violemment.

Une phrase

« Emilienne était solide mais cassée, elle avait collecté les morceaux de sa propre vie, se levant chaque matin à l’aube, se couchant chaque soir après Gabriel, Blanche et Louis, consciente que l’un d’eux devrait un jour lui succéder. Tenir les bords du Paradis comme une portée de chatons dans un torchon humide. »

« Blanche avait été heureuse avec Alexandre. Jamais tranquille, jamais rassasiée mais heureuse (…) quelques mois puis, des années plus tard, quelques semaines. A présent, elle payait ce bonheur d’une vie entière, de son propre corps qu’elle martyrisait (…).

L'auteur

Née à Clermont-Ferrand en 1990, Cécile Coulon a suivi des études littéraires. Auteure précoce, elle a publié à 16 ans son premier roman,  Le voleur de vie  (Editions Revoir), puis de nombreux autres ouvrages dont Méfiez-vous des enfants sages  (chez Viviane Halmy) qui a reçu le Prix Mauvais genres décerné par France Culture-Le Nouvel observateur, et plus récemment Trois saisons d’orage  (Viviane Halmy) sélectionné pour le Prix du Livre Inter et couronné par le Prix des Libraires. Cécile Coulon est également nouvelliste, poète et auteure de jeunesse.  Née à Clermont-Ferrand en 1990, Cécile Coulon a suivi des études littéraires. Auteure précoce, elle a publié à 16 ans son premier roman,  Le voleur de vie  (Editions Revoir), puis de nombreux autres ouvrages dont Méfiez-vous des enfants sages  (chez Viviane Halmy) qui a reçu le Prix Mauvais genres décerné par France Culture-Le Nouvel observateur, et plus récemment Trois saisons d’orage  (Viviane Halmy) sélectionné pour le Prix du Livre Inter et couronné par le Prix des Libraires. Cécile Coulon est également nouvelliste, poète et auteure de jeunesse.

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