Une Légende du maquis, Georges Guingouin, du mythe à l’histoire

Quand l’Histoire, au-delà des thuriféraires ou des calomniateurs, rétablit les faits sur le “préfet du maquis”
De
Fabrice Grenard
Texto, Tallandier, 725 pages, 12.90 €
Notre recommandation
3/5

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Thème

La biographie de Georges Guingouin, le légendaire et très controversé «préfet du maquis».

Points forts

« Quand la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende », faisait dire John Ford à un journaliste dans son film L’Homme qui tua Liberty Valance …Fabrice Grenard fait œuvre d’historien en faisant le choix de la réalité, fut-elle décevante.

Guingouin n’est ni un avatar de Makhno, le cosaque de l’anarchie défiant les armées blanches et rouges en Ukraine entre 1918 et 1921, ni un nouveau Robin des bois. Mais il n’est pas non plus le grand épurateur faisant régner la terreur rouge sur son territoire, calomnieusement décrit par certains.

Grenard suit pas à pas cet instituteur communiste, ce militant stalinien ferme partisan du pacte germano-soviétique jusqu’en 1941, qui s’en va créer en avril 1943 son petit maquis autonome avec une poignée de camarades. Progressivement, son importance croît : le STO aidant, ils sont 150 un an plus tard, puis 800 après le débarquement du 6 juin 1944, 2 500 en juillet, 8 000 à la libération de Limoges en août, après la fusion, sous son commandement et sous la bannière FFI, de son maquis avec ceux de l’Armée Secrète et des FTP.

Les pages consacrées aux faits d’armes (embuscades, sabotages, combats du mont Gargan etc.) côtoient à juste titre celles consacrées à la vie quotidienne du maquis, c’est-à-dire la difficulté à vivre dans les abris rudimentaires de la forêt, à régler les problèmes d’intendance, à gérer le désoeuvrement des jours sans combats, à maintenir la discipline, toutes choses où Guingouin montre ses qualités de chef charismatique.

La finesse du stratège militaire est aussi bien décrite que l’aveuglement et la naïveté dont il fait preuve en matière politique, croyant en l’infaillibilité de Staline comme en celle de Thorez et persistant contre vents et marées à faire l’éloge du régime soviétique jusque dans les années 1970.

Avec objectivité, Grenard sait aussi pointer la mégalomanie du personnage qui n’hésite pas à faire remplacer le nom de Lénine par le sien lorsque « ses » maquisards entonnent le dernier couplet de La Jeune Garde …

Quelques réserves

Guingouin méritait-il une telle biographie ? Le costume n’est-il pas trop large pour ses épaules ? C’est la question que l’on se pose après avoir lu l’ouvrage. Guingouin n’a jamais été le chef du maquis limousin, il n’a été que le principal chef du maquis de la Haute-Vienne dont l’action militaire présentée par lui-même comme «déterminante pour le sort du monde» a été en réalité «largement surestimée». Du coup, le mythe se dégonfle et la dimension historique du personnage sombre dans le registre de l’anecdote.

 Grenard a eu la volonté de laver Guingouin des accusations dont il a été l’objet, concernant les exactions qui auraient été commises par son maquis, tant sous l’Occupation qu’à la Libération. En limitant les exécutions sommaires directement liées à l’action de Guingouin à «environ» une quinzaine, l’auteur a peut-être eu tendance à en minorer la gravité. C’est faire apparemment bon marché de certains jugements sommaires prononcés sous sa responsabilité, et notamment ces 75 condamnations à mort prononcées en six semaines par un tribunal militaire improvisé à Limoges après la libération de la ville.

Encore un mot...

Une intéressante biographie … qui passionnera surtout les Limousins …

Une phrase

«Le Tour cycliste de la Haute-Vienne, qui a lieu chaque année au printemps, doit subir «la loi du maquis» : le 4 juin 1944, une équipe de maquisards stoppe l’épreuve lors de son passage en bordure de Châteauneuf, afin de s’emparer des vélos des concurrents. L’officier du maquis présent a rassemblé dans un pré l’ensemble des participants à l’épreuve (coureurs et organisateurs) pour leur tenir le discours suivant : ‘’L’heure n’est plus au sport, mais à la lutte pour la libération. Vos vélos sont réquisitionnés par ordre du colonel Guingouin pour nos agents de liaison. Vous êtes libres de venir combattre à nos côtés ou de regagner Limoges dans le camion-balai’’.

A Limoges, les spectateurs réunis à l’arrivée de l’épreuve aperçoivent à leur grande surprise que le ‘’camion-balai’’ censé fermer la marche avec à son bord les coureurs qui ont abandonné, arrive le premier, transportant l’ensemble des participants : aucun ne semble avoir répondu à la proposition de s’engager dans le maquis. L'événement a un retentissement considérable : on découvre que les rumeurs sur la puissance du maquis étaient fondées».

L'auteur

Fabrice Grenard est directeur historique de la Fondation de la Résistance (Paris XVe). Sa biographie de Guingouin avait reçu le prix Philippe Vianney en 2014. Elle est aujourd’hui publiée en format poche dans une nouvelle édition revue et augmentée.

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