
Nemanja Radulovic & Double Sens - Bach
Warner Classics
CD, LP et Digital
15,99 € (CD); 22,99 € (Vinyle album)
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Thème
En hommage à Bach qu’il pratique depuis son plus jeune âge, Nemanja Radulovic vient d’enregistrer un album pour lequel il a convié ses amis de l’orchestre de chambre Double Sens dans le but d’entreprendre avec eux un voyage au long cours, vaste traversée au pays de l’immense compositeur qui fit dire à Cioran, penseur du désespoir dans la lignée de Kierkegaard, que Dieu devait beaucoup à Jean-Sébastien Bach, boutade au demeurant profonde sur l’artiste comme médium capable d’exprimer la divinité. Certaines des partitions abordées comptent parmi les sommets du compositeur auxquels on ne s’attaque généralement pas en début de carrière.
Mais la fougue du violoniste franco-serbe n’a eu que faire de ce genre de prudence, autre nom de la sagesse des timorés dont la seule vertu aurait été de ne s’autoriser à ne prendre aucun risque. Bien piètre sagesse en l’occurrence qu’il a eu le bon goût de ne pas suivre. Et force est de reconnaître que les résultats de haute tenue sont au rendez-vous : ainsi du Concerto pour hautbois et violon BWV 1060 dans lequel Radulovic manifeste une énergie qui, jamais mécanique, est toujours habitée, de même que chez le hautboïste, ou dans le Concerto pour violon BWV 1042 dont les allegros, enlevés mais pas précipités comme c’est souvent le cas, transmettent une allégresse communicative, ou encore avec l’Aria Erbarme dich (Prends pitié), extrait de La Passion selon Saint-Matthieu, incomparable fleur mystique autour de la voix implorante que Philippe Jaroussky prête à l’apôtre Pierre, désespéré d’avoir renié le Christ, dans lequel le violon consolateur se fait extraordinairement empathique.
Et que dire du Concerto pour violon BWV 1052 dont les deux allégros permettent au violoniste de déployer l’étendue de ses possibilités techniques si ce n’est que la virtuosité, à l’opposé de toute démonstration gratuite, est mobilisée au service de l’exaltation.
Points forts
Il faut entendre le bien nommé Double Sens , nom de l’orchestre de chambre partenaire du soliste, dans son acception première : le refus du sens unique par lequel nous nous trouverions en position de simples récepteurs d’ondes sonores puissamment expressives, auditeurs de partitions dont nous serions réduits à n’être que les témoins passifs ; double sens donc qui nous renvoie par la force et la puissance souveraine de l’archet de Nemanja Radulovic, à une expérience musicale rare.
Nous nous sentons grandis de l’avoir écouté activement et nous lui savons gré de nous avoir permis d’aller à la rencontre de l’univers incommensurable de Bach tel que Radulovic lui-même a bien voulu nous le proposer, à savoir un monde rehaussé par une interprétation qui a suffisamment de force pour nous entraîner en haute mer et grâce à laquelle nous faisons route, heureux et captivés, vers le Kantor de Leipzig.
Double sens qui se fortifie de l’écoute fiévreuse à laquelle nous sommes conviés et qui emporte immédiatement notre adhésion tant la vigueur et l’exubérance avec lesquelles Radulovic s’empare des partitions de Bach forcent plus que le respect, tout simplement l’admiration. Double sens, et sans esprit de retour possible car une fois embarqués avec lui, nous ne saurions plus nous soustraire à ses interprétations faites à la fois de fougue et de précision, d’allant et de retenue, d’explosives échappées et de pudique quant à soi.
L’embarquement pour la nouvelle Cythère n'a d’autre finalité que de nous porter toujours plus haut et plus loin. Car avec Bach, nous respirons large : il aspire la vie à pleins poumons et nous la restitue sous forme d’éblouissantes partitions, et c’est à cet éblouissement aux antipodes de l’austérité que l’on prête parfois au Maître, que nous sommes conviés en une émotion esthétique, pour ne pas dire métaphysique au plein sens grec du terme : au-delà de l’univers physique, dans les ciels immatériels de la plus haute expérience musicale où l’on comprend que le fervent luthérien écrivit en effet sa musique à la gloire de Dieu.
Quelques réserves
On émettra quelques réserves, infimes au regard de la réussite exceptionnelle de l’ensemble, sur la Badinerie finale de la Deuxième Suite pour orchestre dont le tempo exagérément galopant la fait se terminer sur un feu d’artifice un peu trop explosif.
Encore un mot...
L’orchestre de chambre Double Sens, fondé il y a quelques années avec des amis dont la claveciniste Stéphanie Fontanarosa et le hautboïste Sébastien Giot, joue de sa parfaite entente musicale avec le violoniste pour nous faire accéder d’autant plus à l’air raréfié des cimes.
L'auteur
Né en 1985 en Serbie, Nemanja Radulovic commence l’étude du violon à Belgrade et la poursuit en Allemagne puis en France où il s’installe à l’âge de 14 ans, se perfectionnant dans la classe de Patrice Fontanarosa au CNSMDP. Depuis 2006, il se produit comme soliste international et en formation avec les deux ensembles de chambre qu’il a fondés : Les Trilles du Diable et Double Sens. Lauréat de nombreux prix, il est invité par les salles de concerts les plus prestigieuses (Carnegie Hall à New York, Philharmonie de Berlin, Théâtre des Champs Elysées à Paris, Konzerthaus de Vienne, Suntory Hall à Tokyo, etc…).
Son abondante discographie pour de grands labels (Transart Live, Decca, Deutsche Grammophon et Warner Classics) lui a permis d’explorer un répertoire extrêmement vaste (Bach, Vivaldi, Mendelssohn, Paganini, Beethoven, Tchaïkovski, etc…)
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