Ballet impérial – Who cares ?

Entre virtuosité et légèreté, le Ballet de l’Opéra de Paris sur les pas de Balanchine
Chorégraphie : George Balanchine
Musique : Piotr Ilyitch Tchaïkovski et George Gershwin
Durée : 1h45 avec 1 entracte
Avec
Les Étoiles, les Premières Danseuses, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet de l’Opéra.
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Palais Garnier – Opéra National de Paris
Place de l’Opéra
75009
Paris
01 71 25 24 23
Du 6 février au 10 mars 2023

Thème

Déjà riche d’une trentaine d’œuvres de George Balanchine (1904-1983), le Ballet de l’Opéra de Paris ajoute à son répertoire deux nouveaux ballets du chorégraphe russo-américain. Créé en 1941 avec l’American Ballet Caravan, Ballet impérial se présente comme une ode à la virtuosité technique et à l’élégance du style académique, en hommage au maître de ballet et chorégraphe français Marius Petipa (1818-1910) et à la Russie impériale. Près de 30 ans plus tard, désormais à la tête du New York City Ballet, George Balanchine s’inspire du monde de Broadway pour réaliser Who Cares ?, un défilé de danses festives et jazzy, sur un medley de célèbres chansons de George Gershwin. Deux pièces réunies sur la scène du Palais Garnier, pour une traversée de la carrière du chorégraphe.

Points forts

C’est sur Ballet impérial que s’ouvre le rideau du Palais Garnier. Composée de trois mouvements sur le Concerto pour piano n°2 en sol majeur de Tchaïkovski, cette création se veut un hommage au grand maître et chorégraphe des Théâtres Impériaux russes, Marius Petipa. Exaltant un style académique synonyme de virtuosité et d’épuration du mouvement, elle déploie des chorégraphies à la géométrie complexe, en résonance profonde avec la partition musicale. Sans autre décor que leurs tutus plateaux ivoire, leurs diadèmes étincelants et leurs pourpoints saillants, danseuses et danseurs se livrent aux arabesques et aux grands sauts, dans un entrelacs de lignes symétriques et de cercles concentriques.

Structurellement, Balanchine fait quelques emprunts aux conventions du ballet de la fin du XIXème siècle : les couples se saluent à l’ouverture de la danse, puis le corps de ballet – à majorité féminine – se fige en un écrin somptueux pour sublimer les variations des solistes, parmi lesquels s’impose une ballerine, à la technique raffinée et à l’élégance souveraine, soutenue par un partenaire masculin en retrait. Mais ces canons sont revisités par le chorégraphe, qui se plaît à infléchir les lignes, arrondir les angles, et composer des trios. Un défi de taille donc, mais un exercice taillé pour les danseurs de l’Opéra de Paris, qui n’en sont pas à leur premier contact avec les œuvres de Balanchine : le couple principal formé par Ludmila Pagliero et Paul Marque a ainsi sublimé l’exigence technique avec des pas de deux majestueux, tandis que Silvia Saint-Martin dévoilait une danse solennelle, peut-être un brin trop sérieuse. La diversité des distributions permettra d’apprécier d’autres visages de ce ballet, également incarné par Héloïse Bourdon et Audric Bezard ou Valentine Colasante et Pablo Legasa, accompagnés d’Hannah O’Neill ou de Bianca Scudamore.

Changement de décor et d’ambiance pour la deuxième partie du programme : dans Who Cares ?, les interprètes sont en robes courtes roses et mauves et en vestons anthracites, tandis que les gratte-ciels newyorkais se dressent en fond de scène. Le ballet en deux actes créé en 1970 explore l’univers du music-hall façon Broadway, bien moins familier de l’Opéra de Paris. Sur les chansons de George Gershwin – qui tenait une place toute particulière dans le cœur de Balanchine – les seize tableaux mettent à l’honneur une danse festive et frivole, dont se dégage une joie délicieusement communicative. Le vocabulaire du ballet s’y conjugue avec un style plus « jazzy » : les danseuses sur pointes frappent le sol à la manière des claquettes tandis que les interprètes masculins paradent sur scène d’un air badin et décontracté.

Si elle rassemble une vingtaine d’artistes à l’ouverture et au final, la pièce est encore majoritairement féminine. Mais elle donner davantage d’occasions aux danseurs – moins nombreux que dans Ballet impérial – de mettre en avant leurs qualités techniques. De même, elle fait à nouveau la part belle aux solistes, où trois femmes dansent tour à tour avec un seul homme et réalisent une variation seule, avant l’apothéose qui réunit tout le corps de ballet sur scène. Là encore, c’est la distribution qui donne le ton du spectacle : Léonore Baulac, Valentine Colasante et Hannah O’Neill ont joué la carte de la séductrice ingénue, rêveuse et malicieuse, dans leurs pas de deux acrobatiques avec Germain Louvet. Lui brille surtout dans son solo, où l’exigence chorégraphique d’habileté et de vélocité s’estompe derrière son air charmeur et plein d’entrain. Les autres distributions d’Etoiles, Premières Danseuses, Premiers Danseurs et artistes du Corps de Ballet transposeront peut-être l’œuvre de Balanchine dans un registre plus pétillant et espiègle.

Quelques réserves

Je ne saurais énoncer une réserve à la beauté et la virtuosité de spectacle.

Encore un mot...

35ème et 36ème créations de George Balanchine à entrer au répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris, Ballet impérial et Who Cares ? font sensation, chacun dans leur registre. De la solennité brillante du style académique à l’ambiance festive et guillerette du music-hall, c’est la carrière du chorégraphe dans toute sa richesse qui est ici mise à l’honneur.

Une phrase

« Dans tout ce que j’ai entrepris sur la musique de Tchaïkovski, j’ai senti qu’il m’assistait. Il ne s’agissait pas, bien sûr, d’une vraie conversation. Mais lorsque je travaillais et que je sentais quelque chose émerger de mon effort, j’avais l’impression que c’était Tchaïkovski qui m’avait aidé, ou encore, qu’il m’interrompait si la piste était mauvaise ! » -in Salomon Volkov, Conversation avec George Balanchine, l’Arche, 1997.

« J’ai eu la chance de connaître Gershwin. Il m’a invité à Hollywood pour régler les parties chorégraphiques de Goldwyn Follies (1938). Le compositeur m’a donné un recueil de ses chansons, dans l’ordre où il les jouait en concert. Un jour, au piano, j’ai trouvé cela merveilleux, et je me suis dit : « J’en ferais bien un pas de deux ». En continuant à jouer, j’ai encore dit, « tiens ! une variation ! » Et ainsi de suite… » - George Balanchine

L'auteur

George Balanchine naît en 1904 à Saint-Pétersbourg, dans une famille passionnée de musique savante et de ballet. Initié à la danse dès ses 9 ans, Balanchine manifeste au départ un intérêt limité pour cet art. Diplômé en 1921 de l'École des Ballets Impériaux, il entre au Conservatoire de Petrograd et travaille dans le corps de ballet du Théâtre Mariinski. Mais ses premières expérimentations chorégraphiques sont jugées trop subversives par le régime soviétique. Lors d’une tournée en Allemagne en 1924, il fuit à Paris avec une poignée d’autres danseurs et rejoint les Ballets Russes de Serge Diaghilev. Sa rencontre avec le compositeur Igor Stravinsky, avec lequel il collaborera sur plus de trente ballets, marque son engagement dans la modernité.

Après la mort de Diaghilev et la dissolution des Ballets Russes en 1929, Balanchine navigue entre Londres, Copenhague, Paris et Monte-Carlo, en tant que chorégraphe et maître de ballet. En 1933, il part pour les Etats-Unis et fonde la School of American Ballet à New York l’année suivante – où il développe sa propre technique de danse classique, la « méthode Balanchine » - ainsi que la compagnie American Ballet. En 1948, il crée une seconde compagnie, Ballet Society, qui s’installe rapidement au New York City Center et prend le nom de New York City Ballet. Plusieurs de ses chorégraphies ont été créées spécialement pour le Ballet de l’Opéra de Paris, dont Le Palais de cristal (renommé Symphony in C, 1947). Il vient régulièrement diriger les répétitions de ses œuvres pour leur entrée au répertoire (Le Fils prodigue, 1973 : Agon, Capriccio, Orpheus, 1974 ; La Valse, Le Tombeau de Couperin, Tzigane, Sonatine, 1975). Après sa mort en 1983, ses chorégraphies ont continué à être transmises à la compagnie française, à l’image de Ballet impérial (1941) et Who Cares ? (1970) aujourd’hui.

 

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