Portrait

L’esprit de famille au chœur de la danse
Chorégraphie : Medhi Kerkouche
Musique : Lucie Antunes
Lumières : Judith Leray
Costumes : Guillaume Boulez
Avec 9 danseurs
Durée : 1h
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Chaillot – Théâtre National de la danse
1 place du Trocadéro
75116
Paris
Du 18 au 21 janvier 2023. Dates des tournées 2023 : 03/02 : L’Avant Seine – Colombes 07/02 – 08/02 : Théâtre Sénart, Scène Nationale – Lieusaint 10/02 : Espace Sarah Bernhardt – Goussainville 24/03 : Visages du Monde – Cergy 20/04 : Espace Diamant - Ajac

Thème

Après avoir ouvert le 31ème festival Suresnes Cité Danse au début du mois, Medhi Kerouche et les danseurs de sa compagnie EMKA investissent le Théâtre de Chaillot avec la pièce PORTRAIT. Cette troisième création est l’occasion pour le jeune chorégraphe d’explorer la complexité des relations intrafamiliales, à travers les gestes dansés de neuf interprètes d’âges et d’horizons très divers. Le cadre imposé – matérialisé au sol par un rectangle noir – crée un espace à investir autant qu’à franchir, tandis que les langages chorégraphiques se croisent, se heurtent et se font écho. Tourbillon de corps tantôt soudés, tantôt dispersés, cette réunion de famille sous haute tension exacerbe l’instabilité et l’ambivalence des liens organiques et affectifs qui connectent les générations, par-delà les sensibilités et les tempéraments.

Points forts

Il faut de tout pour faire un monde… et pour faire une famille. Dans ce Portrait intergénérationnel, Mehdi Kerkouche rassemble huit jeunes danseurs survoltés, venus du contemporain et du hip-hop, autour d’un dénominateur commun incarné par Amy Swanson, artiste sexagénaire pétrie de la danse moderne d’Isadora Duncan (1877-1927). A la croisée des langages chorégraphiques et du paysage sonore électro – œuvre de Lucie Antunes – leurs corps déclinent la notion de filiation et de cadre familial : vagues humaines hypnotiques, alternent avec des mouvements d’engrenages, cadencés avec une précision horlogère, se figeant parfois pour prendre la pose, le temps d’un cliché. Les tableaux vivants se succèdent et explorent une multitude de possibles cinétiques, où le clan se raconte sur le mode de la bande dessinée – qui finit en « bande décimée » - ou du court-métrage – jouant de contrastes lumineux, de champ/hors champ et « d’arrêt sur image ».

Mais derrière la neutralité apparente des interprètes – tous vêtus de nuances de gris – c’est l’affirmation des singularités qui est en jeu. Atomes instables plus que crochus, les membres de la fratrie se confrontent à l’ambivalence de leurs rapports, tandis qu’une réunion de famille vire à la foire d’empoigne, que les duos se transforment en duels, et les gestes d’affection en accès de violence. Chœur qui bat et qui se bat, qui étouffe et qui apaise, il atteint des sommets d’émotion lorsque Matteo Gheza, qui se rêve électron libre, s’élance dans un tourbillon sur lui-même effréné, avant d’être enveloppé par le reste du groupe dans une étreinte protectrice. Captivante et communicative, l’énergie des danseurs traverse la pièce du début à la fin, sans cesse renouvelée par les variations chorégraphiques, musicales et narratives imaginées par Mehdi Kerkouche.

Quelques réserves

Si l’enthousiasme débordant du chorégraphe irradie ses créations et galvanise ses publics, certaines propositions sont cependant maladroites. Ainsi de la structure narrative de Portrait, qui souffre de transitions un peu abruptes, notamment dans le basculement vers la dernière partie : en un claquement de doigts, les danseurs troquent leurs uniformes monochromes et leur part d’ombre contre des tenues aux reflets disco et une ambiance festive et burlesque rythmée par la chanson Curtains d’Elton John. Virage à 180°C qui plonge la pièce dans les années 1960, sous prétexte d’incarner quelques tranches de vie de jeune fille de sa doyenne, Amy Swanson. Un défaut de cohérence qui jette une ombre de perplexité sur le final pétillant de cette fresque familiale.  

Encore un mot...

Désormais à la tête du Centre chorégraphique national de Créteil, Mehdi Kerkouche a conquis des publics très divers à la faveur du Covid, autour de créations aussi éclectiques qu’imaginatives. Avec Portrait, sa troisième création pour la compagnie EMKA, il décline un cadre familial mouvant et émouvant, où chacun peut à la fois se perdre et se retrouver.

Une phrase

« Dans PORTRAIT, je souhaite continuer mes recherches sur le collectif, d’abord en explorant les liens qu’on nous impose puis l’image du cadre. La filiation est ce que l’on ne choisit pas et qui, malgré les différences, cherche à co-exister, co-habiter ensemble. Ici, chaque individu doit trouver sa place alors que les langages sont différents. Comment survit-on si ce lien de filiation, qui pourrait sembler acquis, est coupé ? Peut-on survivre sans ces modèles avec lesquels nous nous sommes construits ? La séparation inévitable pour certains protagonistes conduira à la libération de leur identité, personnalité, précédemment enfouie, refoulée, désincarnée pour se diriger vers une libération du mouvement et du corps, emprisonné par un cadre trop défini ». Mehdi Kerkouche, extrait de la note d’intention de Portrait (2023).

L'auteur

Danseur, chorégraphe et metteur en scène, Mehdi Kerkouche déploie son univers artistique dans espaces et des contextes variés et inattendus. Des émissions de télévision au cinéma, des défilés à la publicité, il collabore avec les artistes et assure la direction artistique de grands évènements culturels. Avec sa compagnie EMKA, créée en 2017, ses créations touchent très vite un large public : sa première pièce, DABKEH, revisite la danse puissante et festive du Moyen-Orient, tandis que son solo MUTE est « Coup de cœur du jury » du défilé chorégraphique du Festival Karavel en 2018. En mars 2020, grâce au succès de ses « vidéos confinées », il lance le festival numérique « On danse chez vous », destiné à venir en aide aux soignants pendant la crise sanitaire.

Lors des éditions 2021 et 2022, qui mettent en avant les danseurs mobilisés dans les lieux culturels fermés partout en France, l’événement permet de récolter 25 000 euros avec la Fondation de France pour les étudiants en situation de précarité. Mehdi Kerkouche enseigne également à l’Académie Internationale de Danse – où il s’est formé – ainsi que dans des studios parisiens. En 2020, il est invité par Aurélie Dupont à chorégraphier pour les danseurs du Ballet de l’Opéra de Paris, ET SI, sur une musique de Guillaume Alric, pièce présentée en direct sur Facebook puis sur France 5. Nommé Chevalier de l’Ordre du Mérite en janvier 2021, Mehdi Kerkouche vient tout juste de prendre la suite de Mourad Merzouki à la direction du Centre Chorégraphique National de Créteil et du Val-de-Marne.

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