Les Forêts natales – Arts d’Afrique équatoriale atlantique.

Les arts du Gabon: une terre sourcière et multiple
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Musée du Quai Branly – Jacques Chirac
37 quai Branly
75007
Paris
01.56.61.71.72
Jusqu’au 21 janvier

Thème

L’exposition rend compte de l’extrême diversité des objets gabonais tout en proposant une nouvelle lecture de leur naissance. Il ne s’agit pas d’assimiler un style à une ethnie, mais bien de proposer une approche tout à fait nouvelle sur la formation des œuvres, issues d’influences réciproques entre les différentes communautés qui peuplent le territoire gabonais et le nord du Congo.

Points forts

- La qualité de la scénographie permet à l’amateur d’art classique africain d’apprécier toutes les variantes d’un même objet. Derrière cela, on peut louer la volonté de replacer les pièces dans le corpus où elles ont été produites. Il n’est pas question de présenter un seul reliquaire Kota idéalisé comme chef d’œuvre en fonction des influences qu’il aura pu susciter sur les artistes modernes européens comme on le voit trop souvent. Explorer la diversité stylistique d’un même objet, c’est aussi voir les variantes dans ses usages au sein d’une région.

- Le nombre de pièces présentées et la nature des prêts consentis au Quai Branly permettent de  proposer un panorama exhaustif des arts du Gabon au public français. Le commissaire a réuni des objets venant des collections publiques françaises, des musées américains, et surtout, un grand nombre de pièces venant de collections privées.

- L’exposition propose au visiteur une histoire sociale des masques et statues gabonaises. Il s’agit plus profondément de démontrer qu’un style n’est pas un canon une fois pour toute défini comme tel mais qu’il change en fonction de variantes spatio-temporelles. En effet, les pièces sont replacées dans l’histoire des sociétés qui les ont produites, sur le temps long, ce qui permet d’apprécier les changements éventuels de fonctions au fil du temps. Pour présenter les fameux masques blancs des populations Punu, qui ont tant impressionné les artistes et grands marchands européens, comme Picasso et Paul Guillaume, le parti a été pris, dans le catalogue d’exposition, de proposer une approche monographique qui vise à considérer ces pièces en fonction d’une histoire sociale des styles capillaires dont Charlotte Grand Dufay restitue quelques éléments.  

- Le catalogue faisant suite à l’exposition est remarquable. L’équilibre est trouvé entre les photographies et des études par aires géographiques qui permettent de réunir là les connaissances des meilleurs spécialistes des arts du Gabon et du Congo, comme Louis Perrois et Charlotte Grand Dufay. 

Le recours aux entretiens ou aux encarts concernant une personnalité forte ayant œuvré - par sa vie - à la connaissance des arts du Gabon est particulièrement appréciable. Donner à voir le parcours de l’administrateur Aristide Courtois permet aux auteurs de restituer les circuits matériels par lesquels les objets sont arrivés en Europe. Cela permet de voir qu’une histoire des arts classiques africains n’est pas seulement celle de collectionneurs prestigieux et de grands marchands mais qu’elle est aussi celle des hommes de terrain qui collectèrent les pièces. L’entretien d’Yves Le Fur, le commissaire de l’exposition, réalisé avec le docteur Jean Claude Andrault permet définitivement de comprendre qu’une ethnie ne définit pas un style. Au contraire, on comprend que le même style peut se retrouver dans des régions différentes. Cet entretien permet donc de considérer les migrations stylistiques de certains objets, qui furent utilisés en dehors des sociétés qui les ont produits. Ce raisonnement, pourrait être généralisable à d'autres contextes, ce qui ouvre des pistes de recherches très fécondes.

Quelques réserves

- Le titre s’attache à donner une image qui laisse à supposer que le spectateur est invité à plonger dans l’univers sauvage des forêts primaires gabonaises. Or, les peuples producteurs des œuvres, si la plupart l’habitent et y réalisent leurs cultes, ne sont pas seulement des peuples de la forêt. Leurs productions, sont à la jonction entre des imaginaires nourris par les fôrets gabonaises, mais aussi par le fleuve. Les Apindji, sont des rameurs et pagayeurs infatigables, quand la pirogue est un moyen de transport pour les Duma sur l’Ogoué, le grand fleuve gabonais, ce qui alimente leurs imaginaires.

 - Cette exposition rencontre le problème de l’utilisation du vocabulaire de la critique d’art occidentale pour qualifier des productions des artistes africains. Il est question d’un maître de la Sébé pour qualifier certaines productions mais on peut douter que l’artiste qui ait réalisé l’objet se soit pensé comme tel.  

- L’effet d’exhaustivité, qui ravira l’amateur d’art classique africain, pourra contribuer à perdre l’œil de celui qui veut découvrir les arts gabonais. L’exposition a là le défaut de ses qualités indéniables. La richesse des prêts contribue à en faire une réalisation qui fera date mais devant laquelle les spectateurs peuvent se trouver quelques peu démunis, en l’absence d’attrait préalable pour les arts du Gabon.

Encore un mot...

- Le premier, sur la démarche suivie:

« La connaissance générale de l’articulation des grands styles – fang, kota, kwele, mbede, tsogo, punu- est donc indispensable pour appréhender ensuite le détail des variates de transition, celles-ci étant subsidiairement les indices de la transformation progressive des styles, induites par une dynamique historique sous-jacente, que seuls les traditions orales et les symboles formels permettent de détecter ici et là », Louis Perrois, p. 39 du catalogue, résume là la démarche adoptée dans toute l’exposition, qui vise par les migrations stylistiques à proposer une position nouvelle sur le concept d’ethnie en art.

- Le second, sur le Commissaire de cette expo:

Yves Le Fur est conservateur général du patrimoine et directeur du Patrimoine et des Collections du Musée du Quai Branly Jacques Chirac. Il a notamment été à l’origine d’importantes expositions comme celle consacrée aux similitudes dans les représentations de la mort en Europe et dans le monde, La mort n’en saura rien, au Grand Palais, en 1999. 

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