Les aventures de Thomas More : Les enfants perdus
Parution le 3 avril 2025
154 pages
19 euros
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Thème
Après la débâcle de Sedan qui scelle la fin de la Guerre de 1870, ce qui reste de l’armée française est constitué de blessés et de prisonniers qui survivent dans un sentiment de gâchis horrible, dans une atmosphère noire et pluvieuse, de fin de règne et de chaos. Thomas More, qui “porte le nom d’un grand ministre anglais qui a mal fini”, commandant de l’armée française défaite, anciennement responsable de la sûreté impériale, homme solitaire, taciturne et fumant la pipe, alors retenu prisonnier dans la presqu'île d’Iges, est chargé par le roi de Prusse d’enquêter sur la mort mystérieuse d’une jeune femme habillée en religieuse. Son enquête va bientôt le mener à d'autres crimes à élucider. Au-delà des événements militaires qui marquent le début de l’histoire, de nombreux faits divers sombres s’enchaînent et ne résistent pas à l'œil acéré du détective.
Points forts
- Le texte est riche, bien écrit, parfois drôle (on appréciera les descriptions des personnages taillées à la serpe, comme celle du militaire prussien Braunstein, portant “une belle tête régulière sur un corps de cochon d’Inde”), et fourmille de références littéraires, faisant notamment allusion à Alexandre Dumas, Alfred de Musset, Victor Hugo, ou Heinrich Heine. Impossible de ne pas être charmé par ce foisonnement de clins d'œil à des écrivains, connus ou parfois plus confidentiels.
- Le personnage de Thomas More, assisté de son fidèle Seligman, relève d’une sorte de figure archétypale du détective; on pense notamment à Sherlock Holmes, peut-être aussi à Hercule Poirot. Mais il évoque aussi certains personnages de bandes dessinées, comme Blake et Mortimer. On sent une sorte de second degré permanent dans cette histoire, de rire sous cape qui accompagne ce héros presque caricatural qu’est Thomas More, loup solitaire à la pensée vive et à la parole rare. En ce sens, le roman ressemble à la vie rêvée d’un adolescent en quête d’aventures, ce qui lui donne un charme régressif incontestable.
- L’histoire est particulièrement bien documentée, et l’on apprend ou redécouvre, au cours de sa lecture, et quasiment à chaque page, des détails historiques, politiques, architecturaux, géographiques, religieux, scientifiques ou littéraires particulièrement curieux et stimulants. On ressort de ce livre avec davantage de connaissances et une envie d’en savoir plus sur un nombre impressionnant de sujets divers et variés.
Quelques réserves
Ce que l’on pourrait reprocher au livre, parfois, est peut-être son côté très, peut-être trop riche en références, circonvolutions, fourmillements de détails qui attisent la curiosité mais parasitent parfois un peu le suivi de l’intrigue. Toutefois, ce côté baroque en fait un roman inédit et marquant.
Encore un mot...
Un roman policier peut-être imparfait mais farouchement original, et qui parvient à tenir le lecteur en haleine.
Une phrase
“Il ne restait à peu près rien de ce qui avait été une ferme avant la guerre. Des toiles de tente bouchaient les interstices du toit. Mais une sorte d’ordre régnait : les effets d’une demi-douzaine d’hommes étaient bien rangés sur la paille, le long des murs noircis. Deux d’entre eux étaient assis près d’une fenêtre crevée, autour d’une table en bois. Le premier, gras, les yeux rieurs, l’air de ne s’étonner de rien, portait le costume des intendants militaires, mais déchiré, et complété par des accessoires pris ici ou là, un gilet de laine brute et de drôles de guêtres rouges. Le second, surtout, attirait le regard. C’était celui que Martineau avait appelé « le commandant More ». Il était plutôt grand, mince, un visage régulier mais marqué, cinquante ans peut-être ; tempes dégarnies, des cheveux blonds et frisés lui faisaient autour de la tête une sorte d’auréole. On dirait un vieil ange, pensa Martineau. Le regard de ses yeux d’un vert virant au gris ne se laissait pas saisir. Les mouvements rares, à la fois nerveux et contrôlés, il avait l’allure coupante mais ne dégageait aucune impression de sévérité. Son costume était des plus étranges. On aurait dit celui d’un trappeur, jusqu’au bonnet d’astrakan rejeté vers l’arrière du crâne. Les cinq galons de son grade brillaient sur la manche gauche d’une veste de l’infanterie..”. (p. 15)
L'auteur
François Sureau, écrivain né en 1957, a été haut fonctionnaire, puis avocat. Il est également officier de réserve dans l’armée de terre, et actuellement membre de l'Académie française où il occupe le fauteuil 24 depuis son élection en 2020. Il a étudié au lycée Saint-Louis-de-Gonzague, à l'Institut d'études politiques de Paris (Sciences Po) puis à l’École nationale d’administration (ENA). Il est ensuite devenu auditeur puis maître des requêtes au Conseil d'État, avant de poursuivre une carrière d’avocat au Barreau de Paris et, plus tard, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Il a également enseigné à Sciences Po et a été chroniqueur littéraire dans plusieurs médias français. Il a publié de nombreux romans, essais et recueils de poésie principalement chez Gallimard, avec des titres célèbres comme L’Infortune (Grand prix du roman de l'Académie française en 1991), La Corruption du siècle (Gallimard, 1988), Sans la liberté, L’Or du temps ou encore Ma vie avec Apollinaire.
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