Joie

La plénitude poétique du milieu, dans les histoires d'amour
De
Clara Magnani
Editions Sabine Wespieser
Notre recommandation
4/5

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Thème

Rome, 2014, fin de l’été. Alors qu’il lisait sur sa terrasse ensoleillée, le cœur de Giangiacomo – dit Gigi – s’est arrêté. Une mort rapide, sans douleur, comme il l’avait toujours souhaitée, se souvient sa fille Elvira, appelée en urgence.

Quelques jours plus tard, la jeune femme tombe sur un manuscrit inachevé. Elle pense à la trame d’un film – Gigi était cinéaste –, mais découvre l’histoire d’amour que son père vivait depuis plus de quatre ans avec une journaliste belge, Clara. Le récit de Gigi correspond à sa partie d’un livre qu’ils avaient décidé d’écrire ensemble. Il la lui enverrait une fois terminée. Puis elle y répondrait.

Depuis sa rencontre avec Clara, venue à Rome l’interviewer à l’occasion de la sortie de son film sur Gramsci, Gigi connait une nouvelle jeunesse. Ses pages évoquent le surgissement inattendu de leur mature love, une expression devenue entre eux un code pour se joindre et qui désigne cet amour à l’âge mûr que tous deux vivent de façon parallèle. Clara est mariée, elle aussi, et mère de deux garçons. Le bonheur des retrouvailles, l’abandon des corps, les rires, les films vus et revus ensemble : telle est la matière précieuse de leur complicité. Clara et Gigi parlent beaucoup : il aime la faire rire avec d’invraisemblables anecdotes, elle veut tout savoir de son passé. La politique et la révolution sont au cœur du travail de Gigi, hanté par la mort de son père, tué en 1945 dans les rangs des partigiani.

Clara écrira à son tour sa version de l’histoire. Les souvenirs des jours lumineux sur la Méditerranée, des désaccords aussi – ne considérait-elle pas le militantisme de Gigi comme un combat d’arrière-garde ? – la plongent dans un flot d’émotions. Elle entame alors un « journal d’absence » dans lequel elle s’adresse d’abord à Gigi puis, peu à peu, à Elvira. À la jeune fille au seuil de sa vie sentimentale, elle confie, avec pudeur et tendresse, la plénitude de cet amour caché qui coexistait si bien avec sa vie – pourtant heureuse – au grand jour.

Points forts

. Ce court roman possède un charme : Il flotte dans ces pages un parfum d'optimisme, de liberté et de volupté rare. "Joie" relate magnifiquement la plénitude amoureuse. Plénitude due à la maturité des amants bien sûr, illustration que « L'amour s'impose à tous les âges, mais aussi à leur confiance mutuelle, avant tout respectueuse des vies de chacun.

. Le thème de l'adultère y est décrit d'une façon très originale et très saine, qui se résumerait à aimer sans blesser. L'adultère façon « mature love » tel que décrit dans « Joie » est une vision profondément humaine de la trahison amoureuse doublée d'une analyse profonde sur la façon de respecter ses envies et d'assouvir ses désirs tout en préservant et respectant l'amoureux officiel.

. On retrouve chez Clara, une certaine dose de féminisme, ce droit à être pleinement femme, à vivre sa vie passionnément et à refuser d'étouffer ses sentiments personnels par devoir pour son mari. Toutefois, on ressent aussi ce besoin de ne pas faire de mal, de préserver le secret et surtout d'accepter l'idée que ce qu'elle fait, son mari le fait peut-être aussi et que leurs histoires extra-conjugales seraient peut-être le ciment de leur couple, ce qui les pousserait à être plus attentifs l'un à l'autre.

Quelques réserves

. Le texte fait de nombreuses références à la politique, à l'histoire, à la musique classique, au cinéma...  Ces références  brouillent la lecture, et ressemble à une  accumulation assez encyclopédique de tout ce que l'Italie recèle comme artistes célèbres. Sans compter sur les mots écrits en italien, ou en anglais.

. Le personnage de Clara m'est apparu moins poétique, plus tiède que celui de Gigi. Ecrit avec plus de recul et plus cérébral que l’émotion palpable de Gigi, presque enfantin.

. Insouciance mais pas joie ; je n’ai pas ressenti suffisamment de la joie, juste une sorte de légèreté.  

Encore un mot...

L’adultère façon « mature love » tel que décrit dans « Joie » est une vision profondément humaine de la trahison amoureuse, doublée d’une analyse profonde sur la façon de respecter ses envies et d’assouvir ses désirs tout en préservant et respectant l’amoureux officiel.

Dans une histoire d’amour, le manque se moque de nos dates de naissance. Ne rien attendre, ne rien espérer. Être dans le présent et le savourer.

Une phrase

- "L’amour et la vie étaient entortillés comme des sarments de vigne" (page 84)

- "Alors je pétrissais la chaire soyeuse de ses cuisses, j’enfouissais  ma tète dans les plis mous de son abdomen …… .Je posais mes valises. J’étais arrivée quelque part" (page 132)

- "Nous sirotions notre cannonau comme nous savourions notre histoire. A petites gorgées" (page 146)

- "Les histoires d'amour, on en parle au début et à la fin. Mais on ne raconte jamais le milieu. C'est pourtant très beau, cette poésie du milieu. Ce sentiment de plein. Tout est là. Tout va bien" (page 148)

L'auteur

Ce n’est pas Clara Magnani comme il figure sur la couverture. Nous apprenons qu’il s’agit d’un nom d’emprunt à l’héroïne du roman. Sabine Wespierser nous explique dans un communiqué qu’elle n’a jamais rencontré l’auteur et toujours correspondu par messagerie. Est-ce une anonyme qui confie une liaison secrète sans vouloir compromettre sa vie de couple ou est-ce un(e) auteur (e) connu (e) qui se cache derrière ce roman ? Le mystère plane... 

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