LE DERNIER ÉTÉ EN VILLE

Une superbe errance dans la Rome des années 60
De
Gianfranco Calligarich
Traducteur : Laura Brignon (traduit de l'italien) -
Editions Gallimard, 4 février 2021 -
231 pages -
19 €
Notre recommandation
5/5

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Thème

Le soir de ses trente ans, Leo Gazzarra rencontre Arianna, une beauté évanescente au corps trop frêle et aux yeux trop grands. 

Leo est un lettré sans ambition qui vit, quand il y pense, de petits boulots d’édition dans une Rome somptueuse et décadente où il traîne sa « vie à la manque » au milieu d’amis superficiels et fiers d’eux, drôles de gens qui « passent leur temps à essayer de se quitter, terrorisés à l’idée d’y parvenir ».

Les amours de Leo et Arianna vont durer un an, un an de baisers légers et d’actes manqués, de rires partagés et de déceptions surmontées, de virées burlesques et de cuites massives, un an de mélancolie lumineuse et de désenchantement désinvolte avant ce « dernier été en ville » qui fera prendre conscience à Leo qu’il est temps de « mettre les voiles ».

Points forts

Le personnage de Leo qui ne revendique rien sinon son impuissance à vivre dans un monde en déliquescence auquel il ne peut opposer que son humour et son amour des livres (dont le poids le lestera à l’heure inévitable).

 Une superbe errance dans la Rome des années 60 parmi « les escaliers éblouissants, les fontaines tapageuses, les temples en ruine et le silence nocturne des dieux révoqués ».

Le tableau d’une génération hystérique et fantasque, vautrée dans une médiocrité dorée, qui traîne son mal-être de bar en bar en citant Proust ou Tchekhov entre deux whiskies, tout en restant vaguement attentive à ses proches, à son clan, comme Arianna qui donne à Leo l’impression de lui faire une faveur en lui demandant de l’aide.

L’amitié sincère qui lie les « derniers des Mohicans » Leo et Graziano, conscients qu’ils appartiennent à une espèce disparue. Graziano, époux accidentel d’une riche américaine (voulez-vous vous financer avec moi ?) et alcoolique fanatique se sait déjà surnuméraire :

« On est des rescapés. Voilà ce qu’on est (…) Qui étaient nos pères ? Des gens qui s’étaient massacrés sur le front de patries qui n’existaient plus (…) et tout ce qu’on pouvait faire, c’était nous contenter des restes ».

Le besoin de « mettre les voiles » revient tout au long du texte comme un désir d’échapper à la modernité agressive qui enlaidit jardins et monuments et de fuir la civilisation déclinante d’une belle Europe évanouie.

L’humour qui préside à beaucoup de descriptions, par exemple : « C’était une adaptation particulièrement brancale des Trois sœurs, rendue passionnante par les efforts désespérés du metteur en scène et des comédiens pour massacrer le texte et par la merveilleuse résistance ironique de ce dernier ».

La traduction : Tout est « brancal » dans ce livre, les personnages, les situations. Un mélange de bancal de branquignol et de bancroche ? Il faudrait connaître le mot employé en italien. En tout cas, une trouvaille, due sans doute à l’excellente traductrice, Laura Brignon.

Quelques réserves

On aurait aimé dire que ce roman insolite n’a d’autre référence que lui-même. Ce n’est pas tout à fait le cas : Leo s’apparente, en plus cultivé et plus profond, au Marcello de la Dolce Vita, de même que la construction du roman en épisodes mal liés renvoie au film de Fellini. Mais, ce livre-là, même s’il peut parfois évoquer un scénario, présente une dimension littéraire et poétique qui en fait un grand texte.

Encore un mot...

Un petit chef d’œuvre de pudeur et de désinvolture à la fois déjanté et poétique, qui ignore le ressentiment.

Une phrase

“Je ne prie pas. Au mieux je demande s’il vous plaît.”

L'auteur

Gianfranco Calligarich, né en 1947 à Asmara, en Ethiopie, est un écrivain italien. Comme son héros Leo, il a grandi à Milan avant de s’installer à Rome en tant que journaliste et scénariste.

 Le dernier été en ville est son premier roman, écrit à 25 ans. Edité en 1973 grâce à Natalia Ginzburg, mais non  réédité, il a survécu chez les bouquinistes par le bouche à oreille. Son récent rachat par Gallimard, entraînant sa traduction dans vingt autres pays dont les États-Unis, l’Angleterre, la Hollande, l’Espagne, la Grèce et Israël, a été pour Galligarich, et selon ses propres termes, un conte de fées dans sa vie.

Commentaires

Marc Buffard
sam 01/05/2021 - 13:24

Je partage votre enthousiasme pour ce roman qui est beaucoup plus grand qu’il n’en a l’air.
Il faut absolument le lire jusqu’à la fin : elle donne envie de recommencer au début .
On a l’impression d’un bon scénario de la Comédie italienne des grandes années mais sans le spectaculaire, le jubilatoire. Et avec une émotion contenue par l’étrangeté des personnages faisant, par moments, plus penser à un Boris Vian qui aurait oublié d’être poète.
Le personnage principal se détruit parce qu’il n’adhère pas à sa vie que ce soit dans l’amour, dans l’amitié ou à son travail. Il ne possède rien ni personne.
Les autres, surtout les femmes, lui trouvent un charme fou parce qu’il est différent.
Voilà, en définitive, une lecture dérangeante , troublante et finalement très attachante.

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