Le secret de Sybil

L’analyse intelligente et sensible de la rupture incompréhensible d’une amitié d’enfance
De
Laurence Cossé
Gallimard
Parution le 5 janvier 2023
140 pages
16 euros.
Notre recommandation
4/5

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Lu / Vu par

Thème

L’histoire d’une amitié en trois temps : celui du bonheur absolu, celui du détachement et celui de l’écriture.

Laurence et Sybil se rencontrent à l’école à l’âge de dix ans et deviennent vite inséparables. 

Leur amitié heureuse et complice durera cinq ans : elles ne sont bien qu’ensemble, elles parlent indéfiniment, elles se comprennent. Elles éprouvent la même passion dévorante pour les livres. Douées pour les études, elles s’amusent à être les deux meilleures élèves de leur classe. Laurence découvre une autre famille, moderne, sûre d’elle et ambitieuse, alors que règnent chez elle une fantaisie, un goût du bonheur, une liberté proche de l’insouciance, tout en incarnant le chic, la distinction et le respect de la tradition.

Puis vient l’âge des transformations de l’adolescence, la beauté et l’élégance de Sybil la rendent euphorique et plus sensible au regard  des autres ; Laurence, complexée par ses rondeurs, se sent quelque peu délaissée, elle n’est plus la seule et unique amie. 

Leurs parents les inscrivent dans des lycées différents, l’un élitiste pour Sybil, qui se noie dans le travail, l’autre peu éloigné de chez elle pour Laurence, qui domine ses études sans effort. Elles ne choisiront pas non plus les mêmes études et se perdront de vue.

La fin tragique de Sybil incite la narratrice à écrire, bien des années après, un livre sur elle. Pour répondre à ses nombreuses interrogations, elle rencontrera deux de ses condisciples et sa mère. A jamais meurtrie par cet abandon incompréhensible, parviendra-t-elle à percer les mystères de la personnalité impénétrable de Sybil.

Points forts

  • La ferveur d’une amitié intime, exclusive et lumineuse, fondée sur le bonheur de se voir, de se parler, de s’écouter : elle insiste sur l’entente de leurs esprits et la définit par le mot grec la philia, ni fusionnelle, ni « conflictuelle, mais sereine, confiante … sage. »
  • Laurence admire son amie en tout, elle idéalise sa beauté, son intelligence, sa prestance. 
  • Elle est fascinée par cette famille, par son train de vie, et surtout par la recherche du « meilleur » pour leurs enfants. Elle, qui vit dans le joyeux désordre et le partage obligatoire d’une famille nombreuse, n’ose pas inviter Sybil chez elle. Mais, aveuglée par ces apparences brillantes, elle n’entrevoit rien de leurs tourments cachés annonciateurs du drame final.
  • En essayant de comprendre pourquoi une distance entre elles s’est creusée, pourquoi l’amitié s’est délitée, pourquoi un lien si fort s’est brisé, Laurence Cossé se livre à une analyse subtile de l’adolescence et de ses tourments : son mal-être, sa solitude, ses complexes d’infériorité sont décrits avec une grande justesse et une rare authenticité.  
  • Deux fils conducteurs dans ce récit très personnel : le refuge dans les livres, qui nous vaut des passages magnifiques sur la naissance de sa vocation d’écrivain, et l’aveu d’un manque, car elle ne peut se confier à personne dans sa famille. C’est peut-être la raison pour laquelle elle a tellement aimé parler avec Sybil.

Quelques réserves

Un contraste parfois trop appuyé entre son amie parée de toutes les qualités et elle-même, par souci de modestie sans doute, systématiquement rabaissée, renvoyée à sa laideur ou à l’absurdité de ses méthodes de travail, alors qu’elle est tête de classe.

Encore un mot...

Laurence Cossé a su, dès la disparition tragique de Sybil, qu’elle écrirait sur elle. Elle a attendu des années avant de se lancer dans ce magnifique récit autobiographique. Elle se souvient de ses cinq années de bonheur intense, vécues « comme un privilège, une grâce », dans une « sécurité affective … absolue », qu’elle n’a connue ni avant, ni après. Comment accepter alors un abandon, évoqué comme une rupture amoureuse, de la part d’une amie si mystérieuse ? Un livre intelligent, délicat et profond, écrit avec élégance.

Une phrase

  • « Pour moi, c’était une évidence, lire était mon nom, mon lieu de naissance, ma vocation, mon destin. » p.16
  • « Les D. étaient bien plus sérieux que mes parents dans l’éducation de leurs enfants, plus ambitieux, plus élitistes …  Il est vrai que, pour mes parents, l’ambition principale était le bonheur. » p.30 et 35
  • « De dix à quatorze ans, j‘ai vécu dans la joie que donne l’amour… pendant cinq ans, Sybil a été mon soleil. » p. 106

L'auteur

Née en 1950, Laurence Cossé a écrit de nombreux romans, dont Le Coin du voile (1996), La femme du premier ministre (1998), Le mobilier national (2001), La Grande Arche (2016), Nuit sur la neige (2018). En 2015, le Grand Prix de littérature de l’Académie française lui a été décerné pour l’ensemble de son œuvre.

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