L’enragé

1934, Belle-Île en mer. L‘histoire révoltante et bouleversante des enfants bagnards
De
Sorj Chalandon
Grasset
Parution le 16 août 2023
416 pages
22,50 €
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

L’histoire révoltante et bouleversante de Jules Bonneau, dit « la Teigne », qui a survécu au bagne pour enfants de Belle-Ile- en-Mer, France, en 1934.

1934, le centre d’éducation surveillée de Haute-Boulogne à Belle-Île en Mer : pour avoir volé quelques poules dans un jardin, pour une bagarre de rue de trop ou parce qu’ils sont abandonnés ou orphelins, des dizaines d’enfants de 12 à 21 ans sont enfermés dans cette colonie pénitentiaire pour enfants ouverte en 1880 - elle fermera en 1977. Ils vivent l’enfer entre travail harassant, brimades, humiliations, violence physique et psychique quotidiennes, avec la menace constante d’être envoyés dans un centre de détention plus dur encore. 

S’appuyant sur l’histoire vraie du jeune Jules Bonneau dont il fait son narrateur, l’auteur a choisi de nous conter l’histoire de ces enfants bagnards qui défrayèrent la chronique à cette époque à la suite d’une mutinerie. 

Sorj Chalandon poursuit avec ce nouveau recueil, son combat contre l’inacceptable, qu’il définissait ainsi en 2021 à l’occasion de la sortie de son précédent livre « Enfant de salaud » : « La désobéissance est indispensable dès que la vie dépasse les limites que l’on s’est fixées. Je m’interdis d’avoir des limites dès que l’irrespect est franchi… Je combats contre tout ce qui détruit l’humain dans l’autre, ce qui lui ôte sa dignité. "

Points forts

Ce livre est un cri de douleur, de révolte, son écriture est âpre, sèche, heurtée, brute. Ça sent la rage, la sueur, les jointures des doigts qui blanchissent, les poings et les mâchoires qui se serrent, les coups, les blessures béantes sur le corps et dans le cœur avant l’explosion inexorable. Jules, pour survivre, se transforme en fauve et devient «la Teigne». 

Rien d’inventé dans les sévices ni de mélodramatique dans les parcours des personnages, on peut compter sur la longue carrière de l’auteur comme journaliste pour le sérieux de la recherche documentaire qui sous-tend le récit. 

Comme une plaie ouverte, la réalité évoquée interroge sur la banalité du mal mise en avant par la philosophe Hannah Arendt ; c’est tout un système social, politique et judiciaire qui transparaît et au-delà du contexte historique, la face sombre du genre humain avec son cortège de bassesses, de lâchetés, de peurs, apparaît en pleine lumière.  

Et puis il y a l’île, et la mer, à la fois prison à ciel ouvert et force d’union pour les pêcheurs.

Des histoires de fraternité, d’engagement, de générosité aussi.

Et une immense pudeur, une infinie délicatesse des sentiments qui bouleverse.

Grâce à une écriture puissante très cinématographique, le visage de Bonneau nous hante encore longtemps une fois le livre refermé.

Quelques réserves

Aucune. Un livre très émouvant à lire à la fois pour mieux connaître l’histoire de la France moderne et rendre hommage aux victimes et aux rares mains qui leur ont été tendues.

Une phrase

« Jamais de ma vie je n’avais pensé au mot ami.  Jamais je ne l’avais employé pour personne. Je suis né sans proches, ni parents ni amis. Ni les baisers d’une mère, ni les ordres d’un père. Pas non plus d’enfant à mes côtés, de copain à l’école, de camarade de jeux. A peine un voleur de pelle, un compagnon de fugue, un incendiaire, quelques garçons rendus mauvais. A la colonie je me suis isolé. Je n’ai voulu aucun autre que moi dans mes pas. Seul, Bonneau. Seule, la Teigne. Encaisser les coups, les rendre, tenir jusqu’à demain. Et surtout, ne pas se mêler de la souffrance des autres. Ne pas la provoquer, ne pas l’apaiser non plus. Regarder ailleurs.»

L'auteur

Né en 1952 à Tunis, Sorj Chalandon est un journaliste et écrivain français. 

Il participe en 1973 à la création du journal Libération, dans lequel il travaille jusqu’en 2007, en tant que chroniqueur judiciaire, grand reporter, puis rédacteur en chef adjoint. Il reçoit le prix Albert Londres en 1988 pour ses chroniques sur le procès de Klaus Barbie et son reportage sur le conflit en Irlande du Nord.

Depuis 1977, il est membre du comité de rédaction du Canard enchaîné. 

Parallèlement, il publie son premier roman en 2005. De nombreux prix littéraires lui sont décernés depuis pour ses œuvres littéraires, dont le Prix Médicis pour Une promesse en 2006, le Grand prix du roman de l'Académie française pour Retour à Killybegs en 2011, le Prix Goncourt des lycéens pour Le quatrième mur en 2013.

Commentaires

Anonyme
mar 03/10/2023 - 19:47

Ce roman n’est certes pas le premier ni le seul à dénoncer l’enfance maltraitée et révoltée. La difficulté, dans ce cas, est de saisir le motif avec force et originalité . Selon moi, Chalandon est trop descriptif pour frapper fort et toucher vraiment. Où est l’intérêt romanesque et littéraire de répertorier sur des pages et des pages les sévices faits aux enfants ? C’est répétitif et poussif.

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