Une amitié

Deux adolescentes que tout sépare. A l’aube d’Internet et des réseaux sociaux, une amitié “ à la vie, à la mort”
De
Silvia Avallone
Liana Levi
Parution 13 janvier 2022
Traduit de l'italien par Françoise Brun
525 pages
23 Euros
Notre recommandation
3/5

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Thème

 Tout en analysant sa vie actuelle, Elisa, la narratrice, se remémore, par des retours en arrière, son amitié avec Bea, son amitié dans les années 2000, son amitié alors que leurs milieux, leurs éducations semblent les opposer.

Elisa, plutôt timide, vit d’abord à Biella dans le Piémont  avec sa mère, aimante, fantasque, sans gros revenus, et un frère, fumeur de haschich ; elle lit beaucoup, se rêve écrivaine, se soucie peu de son apparence. Sa mère décide de renouer avec son ex-mari, père de ses enfants, moments éphémères mais qui laisseront Elisa, pour une vie plus raisonnable, chez son père, universitaire, homme attentionné, passionné d’Internet. Elle intègre alors un lycée dans la ville de T.

Bea Rossetti, d’un milieu bourgeois qui s’avérera de façade, est la plus jolie fille du lycée. Poussée par sa mère, elle se maquille, court les castings et rêve de faire carrière dans la mode. Elle est admirée par tous dans le lycée de T.

Un jean volé va sceller l’amitié entre les deux adolescentes. Elisa ne trouvant pas sa place dans le lycée, suivra aveuglément Bea. La narratrice revient longuement sur cette amitié fusionnelle avec ses joies, ses disputes. Elles braveront les interdits, tomberont amoureuses, mèneront une vie plutôt libre. Paolo, ce père qu’Elisa repoussera au début, les initiera à Internet, aux réseaux sociaux. Bea apprendra très vite. Elle s’en servira pour créer un blog et se mettre en avant ; Elisa reste plongée dans ses livres. Alors que les deux amies sont devenues étudiantes à Bologne,  leurs divergences apparaissent et cela aboutira à la rupture brutale entre Elisa et Bea, mais aussi avec Lorenzo le grand amour d’Elisa.

La narratrice décrit aussi la vie 13 ans après cette rupture : elle-même, assistante-professeur à l’Université de Bologne, mère d’un garçon de 13 ans, une vie bien rangée et terne. Bea devenue « La Rossetti »  est une influenceuse admirée, regardée dans le monde entier grâce aux réseaux sociaux. Elle est dans tous les journaux, sa vie sans cesse scrutée, étalée.  Mais que recherche Elisa en écrivant ce livre sur elles deux ?

Points forts

 - La narratrice sait rendre la force de cette amitié malgré la différence familiale qui les oppose, les mystères des relations humaines. Elisa , la discrète, peu sûre d’elle, sinon dans son goût des livres. Bea l’exubérante qui aime le devant de la scène. Cela donne une amitié toxique par la dominance de l’une sur l’autre. Elisa se pose la question sur l’être et le paraître dans ce livre rédigé pour tenter de se retrouver tant elle est blessée par la perte de son amie, et de son grand amour. 

Elisa dont les idoles sont Moravia et Morante… Bea produit de son époque en tant que « reine de l’internet » grâce à son blog : comment  alors, concilier leurs différences dans l’amitié ? C’est toute la difficulté de devenir adulte.

- Les personnages secondaires intéressants, bien positionnés dans l’histoire. Les deux mères qui aiment à leur façon leurs filles… Paolo le père qui se révèle l’élément stable des deux adolescentes. .. « La Marchi » professeur de lettres au lycée … Lorenzo, Gabriele, les amoureux ...

Quelques réserves

- Marquée par les trahisons, Elisa me paraît bien amère, s’apitoyant sur sa vie si morne. Des longueurs dans le déroulement de cette histoire de leurs années lycée jusqu’à leurs 18 ans. 

- Une incompréhension qui se dessine trop facilement. Alors qu’elle vit mal la trahison, pourquoi la narratrice est-elle persuadée qu’elle est la seule à connaître vraiment cette « Rossetti » véritable idole ?

Encore un mot...

Histoire de deux adolescentes que tout oppose : pouvoir de l’une sur l’autre. Pouvoir des mots, des Lettres ou Pouvoir des Maths, des réseaux sociaux ? Le rapprochement entre Une amitié et La fille parfaite de Nathalie Azoulai semble tentant. Mais chez Nathalie Azoulai, l’amitié de Rachel et Adèle, deux jeunes filles brillantes, nous interpelle sur l’opposition entre les Sciences et l’Art/la Littérature ; Rachel semble attendre la reconnaissance d’Adèle dont le suicide laisse des questions en suspens. Et pourtant leur amitié semblait faite pour associer deux univers : elles voulaient être complémentaires. Chez Silvia Avallone, c’est une amitié toxique dès le début de l’histoire ; il y a une certaine violence dans la relation des deux adolescentes ; chacune a ses fêlures mais Bea prendra l’ascendant jusqu’à la rupture dont Elisa se remettra difficilement.

Si dans La fille parfaite de Nathalie Azoulay, Rachel se sentira sans doute soulagée par la mort de son amie « Sa mort me laisse donc la possibilité de ne plus me comparer…. ». Ici, dans Une amitié, Elisa aura besoin de raconter leur histoire pour lui permettre de se construire.

Une phrase

-  «  Je n’ai jamais manqué au vœu de secret que j’ai posé sur notre amitié. Et si je m’en dégage maintenant, c’est pour mieux me comprendre moi-même ». (p18)

- « Grandir, c’est trahir, oui ». (p.493)

- « .. Beatrice n’est plus ma meilleure amie, mais pas non plus la Rossetti…… je me suis sentie une autre. Légère comme venant de renaître. Ou comme quelqu’un qui a grandi et accepte les limites, les manques. Tout ce que nous avions vécu jusqu’ici était seulement une des amitiés possibles »…. (p. 524)

L'auteur

Poétesse et auteure, Silvia Avallone est née en 1984 à Biella et vit à Bologne.  Ses romans sont orientés vers les relations humaines et la jeunesse. Son premier roman D'acier (Liana Levi, 2010) qui raconte l'histoire de deux adolescentes dans la Toscane ouvrière a remporté le prix Campiello Opera Prima et est adapté à l’écran par Stefano Mordini.

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