Varlam

A la découverte de Varlam Chalamov et de ses Récits de la Kolyma. Un témoignage hallucinant des goulags staliniens
De
Michaël Prazan
Payot-Rivages
Parution le 1er mars 2023
263 pages
21 €
Notre recommandation
4/5

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Thème

Un réalisateur de documentaires et son équipe s'engagent sur la Route de la Kolyma en Sibérie Orientale à travers la Iakoutie où règne un froid pouvant atteindre -60°. Il a décidé de partir à la découverte de Varlam Chalamov, poète et écrivain, qui passa dix-sept ans dans différents goulags de cette région maudite et en tira les Récits de la Kolyma, témoignage hallucinant de ce que furent les camps de rééducation de l’ère stalinienne. En chemin, il recueille un chaton pratiquement mourant qu’il baptise Varlam, en hommage au dissident qui a motivé son périple, et qu’il ramènera à Paris.

Points forts

Cette longue virée glaciale de Iakoutsk à Magadan sur la « route des ossements » en référence aux innombrables squelettes de “Zeks”  (détenus-esclaves) qui la jalonnent,  est particulièrement bien rendue : l’encombrement du matériel de tournage dans les petits hôtels minables, le froid  sibérien qui mérite vraiment son qualificatif,  les rencontres de survivants ou de témoins fiers de présenter leur petit musée perso à des journalistes français…

La découverte du peuple animiste des Evenks, éleveurs de rennes qui pratiquent le matriarcat et refusent toujours la civilisation mais ne dédaignent pas de traquer les fuyards du Goulag à raison de trois roubles par paire d’oreilles rapportées au chef de camp.

« La Kolyma n'est pas un enfer. C'est une entreprise soviétique, une usine qui fournit au pays de l'or, du charbon, du plomb, de l'uranium, nourrissant la terre de cadavres. »  écrit Varlam Chalamov. 

C’est tout l’intérêt de ce récit de bien déterminer ce que l’URSS aurait voulu faire du Goulag :  une entreprise d’expansion économique suivie d’une colonie de peuplement avant même d’être un instrument de répression (ce qu’il fut dans les années 1937/38, celles de la Grande Terreur stalinienne). Résultat de ces bonnes intentions inaugurées avec le camp des Solovki en 1923 : 28 millions de morts en 6 décennies.

Quelques réserves

Si les descriptions et les interviews qui jalonnent le récit en Sibérie sont intéressantes et originales, les derniers chapitres du livre portant sur l’accoutumance du chaton à la vie parisienne sont, à mon avis, d’un intérêt plus mitigé.

Encore un mot...

Le documentaire Goulags, dont la réalisation fait l’objet du livre Varlam, est visible sur You Tube. A voir absolument pour apprécier l’écrit à sa juste valeur.

Une phrase

“Le Goulag était pire que le camp nazi parce qu’il concernait tout un chacun sans distinction de classe, de religion ou d’opinion. Quand on était juif sous le nazisme, on savait à quoi s’en tenir. On avait automatiquement une cible dans le dos et on était condamné à une mort certaine si on se faisait attraper. Alors que le Goulag pouvait frapper et faire disparaître n’importe qui, du jour au lendemain. Que vous soyez un communiste convaincu et même un proche de Staline n’était en rien une garantie.” P 236

L'auteur

Né en 1970 à Paris, Michaël Prazan est écrivain et réalisateur, auteur d’une quinzaine d’essais  et romans dont La Passeuse ((Grasset, 2017) et  Souvenirs du rivage des morts (Rivages, 2021) et d’une vingtaine de documentaires dont Hitler-Staline, le choc des tyrans (France 3, diffusion en 2022) et Racisé.e.s ; une histoire franco-américaine (LCP, diffusion 2022).

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