Alphonse

… dans le tas
De
Nicolas Bedos
mini-série en six épisodes d’environ ¾ d’heure chaque.
Sur Amazon Video Prime
Avec
Pierre Arditi, Marie-Christine Barrault, Jean Dujardin, Charlotte Gainsbourg, Nicole Garcia, Louka Meliava.
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

  • Alphonse Bisson est bien parti pour rater sa vie : en couple avec Margot, qui n’a guère de considération pour lui, il se fait virer d’un improbable boulot de vendeur de montres de luxe.
  • Il ignore que son père Jacques fait le gigolo - et ce depuis le départ traumatisant de la mère d’Alphonse - pour des femmes qui monnayent ses charmes et sa capacité à entrer dans leurs fantasmes. Alphonse ne l’apprend qu’au moment où son géniteur réchappe de peu à un AVC.
  • Poussé par le besoin - Margot et lui ayant contracté un emprunt immobilier - Alphonse doit tout à la fois s’occuper d’un père qui ne s’est guère soucié de son fils et prendre la relève du paternel dans ses activités lucratives… Bref, chez les Bisson, on est pas travailleur du sexe, on le devient, et de père en fils s’il vous plait !

Points forts

  • La série prend soin de construire les fantasmes des clientes d’Alphonse et de son père. Il ne s’agit pas ici de simples “passes“, mais d’une mise en scène de situations aboutissant - ou pas - à l’acte sexuel, qui n’est pas posé comme une donnée majeure de la relation tarifée. 
  • Une réelle sensibilité - oui oui -  dans les moments où une complicité se tisse entre un père longtemps focalisé par son entrejambe et un fils délaissé. Alphonse, qui cultive un rapport singulier au temps et aux montres, est un individu plus complexe qu’il n’y paraît, doublement marqué à vie et à vif, par le départ de sa mère quand il était enfant puis par le défilé des femmes dans la chambre de son père, pour des raisons incompréhensibles alors. 
  • Bien des personnages, au travers de leurs fantasmes, montrent des failles émouvantes, ainsi Marie-Christine Barrault en veuve toujours amoureuse de son mari mort, pour qui le temps s’égrène au son de La tendresse, chanté par Daniel Guichard. De même, il est judicieux de montrer l’authentique attachement qu’Alphonse témoigne envers certaines de ses clientes, comme sa voisine ou la richissime excentrique Adèle de Monchicourt, qui ne lui ménagent pas ses surprises…
  • Et en même temps, des répliques façon Audiard, qui claquent et donnent du rythme à la plupart des scènes (voir plus bas la rubrique « Un extrait »). Il faut avoir vu Jean Dujardin grimé en Georges Brassens chanter Gare au gorille à une cliente prenant son bain et son pied … Du reste, la bande originale de la série recèle des classiques bienvenus et de petites pépites, perdues d’ouïe au fil des décennies, et qu’on retrouve avec un plaisir consommé.
  • Outre les prestations impeccables et jubilatoires des têtes d’affiche de cette mini-série, il faut noter la remarquable prestation de Louka Meliava en petite gouape pleine de fêlures, portée sur la violence et avide de l’héritage de sa richissime grand-mère, Adèle, par ailleurs cliente régulière de Jacques, puis d’Alphonse. Un talent à suivre…

Quelques réserves

  • Certains des fantasmes prêtés à des personnages féminins semblent tout droit surgis d’un cerveau masculin… Ils sont assortis de quelques vulgarités parfaitement dispensables.
  • Un gros passage à vide lors de l’avant-dernier épisode. Le parcours de Margot est totalement prévisible, alors que d’autres personnages se prêtent à des évolutions plutôt inattendues et souvent réjouissantes.
  • Une fin ouverte et métaphorique, pas des plus subtiles.

Encore un mot...

  • Alphonse a été reçu froidement par bien des critiques de grands (ou ex-grands) titres de la presse française. L’étrillage en règle semble trop général pour ne pas être suspect, le “politiquement correct“ étant à la mode chez ceux qui, de tout temps, préfèrent hurler avec les loups. 
  • En effet, Nicolas Bedos traîne des casseroles (harcèlement, gestes déplacés dont il s’est entre temps excusé) propices à un procès en sexisme et misogynie et “masculinisme“ exacerbés. Dès lors, Alphonse, mini-série assez raide en son genre (une véritable muleta), offre l’occasion rêvée pour une exécution médiatique en règle.
  • Peut-être Nicolas Bedos a-t-il attrapé ou toujours eu “le melon, peut-être qu’il n’est pas sympathique… Je n’en sais strictement rien, et du reste, quelle importance ? Mais je note que ce genre d’instruction à décharge témoigne d’un niveau (on ne parle ici même pas de capacité) chez la plupart des critiques qui nous renvoie à des analyses “à la Sainte-Beuve“ (sa vie, donc son œuvre). Or, l’on ne voit pas toujours bien ce qui le justifie dans la proposition sérielle qui nous occupe. 
  • On peut même soutenir qu’Alphonse démontre à l’envi la grande supériorité des femmes sur les hommes :
    • le rapport tarifé (et même de pouvoir : « Elles payent, donc elles décident » dixit Jacques) est à l’avantage des premières ;
    • les seconds doivent composer avec leurs fantasmes (ni plus ni moins risibles ou touchants que ceux des hommes) ;
    • les principaux personnages masculins, certes parfois drôles, restent parfaitement désolants (un vieux beau acariâtre, son fils incapable de s’affirmer, une petite frappe vicieuse et cupide) au regard des “femmes puissantes“ qui leur sont opposées. 
      Au total, on est quand même bien loin des sorties d’un Houellebecq sur les “rombières“ dans La possibilité d’une île
  • S’il faut à présent incriminer le fait de porter à l’écran la question de la prostitution sur le ton de la comédie (ou le droit de mettre en scène les fantasmes d’un autre sexe), alors nous n’avons pas fini de purger les séries télévisées et les films (d’Hôtel du Nord à Pretty Woman) des écrans …

Une phrase

[Alphonse, qui commence à suppléer son père Jacques, revient chez ce dernier en uniforme de colonel, après un premier rendez-vous peu convaincant avec sa cliente Françoise, qui exigeait une séance d’humiliation.] 
Jacques [raccrochant le combiné] : « Voilà comment on passe à côté de 400 balles !
Alphonse [étonné] : Pourtant, j’ai fait le boulot !
Jacques : On est jamais assez odieux avec Françoise ! C’est le cauchemar des féministes ! Qu’est-ce qui t’a pris d’arriver avec un bouquet d’fleurs ? J’t’ai jamais parlé d’un rendez-vous galant ! […] Passque, figure-toi, le colonel en question, il a vraiment existé ! Il a libéré trois villages, et à lui seul, il a abattu une quarantaine de Chleus, donc j’suis pas sûr qu’il ait eu le temps de cueillir des violettes…
Alphonse [penaud] : excuse-moi, j’avais pas compris qu’il fallait que je sois un enc…
Jacques : C’est pas un enc…., c’est un type à l’ancienne ! … Pourquoi tu l’as remerciée ? Non, mais t’es con ou quoi ? T’as déjà vu un colonel débarrasser la table ? T’as donné l’coup d’éponge aussi ?
Alphonse [accablé] : Oui…
Jacques : Si t’as envie d’faire des ménages, tu passes un tablier… mais c’est payé moins cher. [devant la mine déconfite d’Alphonse] Bah oui, mon pt’it vieux, il va falloir t’y faire, passque dans cette génération-là, y a pas qu’des Simone de Beauvoir ! »
[Extrait de l’épisode 2]

Jacques : « Il s’agit de solitude, de détresse, de tendresse… Ces femmes, elles comptent pour moi. »
[Extrait de l’épisode 5]

L'auteur

  • Nicolas Bedos, né le 21 avril 1979, fut un temps chroniqueur pour Ouï FM (2010), l’hebdomadaire Marianne, puis membre de l’équipe constituée autour de Laurent Ruquier dans On est pas couché en 2013.
  • Auteur et dramaturge, il signe ses quatre premières pièces (Sortie de scène, Eva, Le voyage de monsieur Victor, adapté de son livre, et Promenade de santé) entre 2004 et 2010. 
  • Nicolas Bedos scénarise, réalise et interprète ensuite son premier film, Monsieur et madame Adelman en 2017, suivi de La Belle époque (2019), OSS 117. Alerte rouge en Afrique noire (2021) puis Mascarade en 2022. 
  • Alphonse est sa première incursion dans le domaine des séries télévisées, après qu’il se soit essayé entre 2009 et 2013 à l’écriture de téléfilms (Folie douce, Ni reprise ni échangée, Bouquet final) réalisés par Josée Dayan. 
  • Bref, le jeune cancre patenté du lycée Pasteur a, depuis, mis les bouchées doubles.

 

Commentaires

Rabastens Marie
lun 05/02/2024 - 17:36

Une série à ne pas manquer, époustouflante de sensibilité, de véracité, gracieuse, inventive mais si réelle lorsque l on admet ses fantasmes, elle nous tient en haleine, bref jouissive en tout bien tout honneur!

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