Ivan Morane : La Chute

Camus au sommet
Adaptation: Catherine Camus et François Chaumette, Collaboration artistique: Bénédicte Nécaille, Son: Dominique Bataille
Mise en scène
Ivan Morane
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Théâtre des Mathurins
36 rue des Mathurins, 75008 Paris
01 42 65 90 00
Jusqu' au 29 juin. Du mardi au samedi à 21h. Durée: 1h15
Tarifs
28 euros

Thème

C'est le dernier roman d'Albert Camus, publié en 1956. IL devait d'abord être appelé « Le Cri », il devait être intégré à « "L'Exil et le Royaume", publié en 1957. C'est un long monologue qui correspond à la troisième phase de l'évolution de Camus: après le temps de l'absurde, illustré par « L'Étranger", vient celui de la révolte, illustré par « La Peste », puis celui de la désillusion, du cynisme, du désespoir, et de l'humanisme,  plus difficile à qualifier que les deux temps précédents qui, eux, sont explicités par des pièces de théâtre et un ouvrage philosophique. Sa mort dans un accident d'auto en 1960 l'a sans doute empêché de donner plus de précisions.
Dans un bar d'Amsterdam, Jean-Baptiste Clamence s'adresse à un interlocuteur invisible pour l'aider dans ses explications avec le barman. Il lui explique comment, ancien avocat à Paris, il est devenu « juge-pénitent » à Amsterdam. D'abord plein d'assurance, il se découvre peu à peu, la faille apparaît, il avoue sa lâcheté lorsqu'il a laissé une femme se noyer dans la Seine plutôt que de lui venir en aide. A partir de ce moment, le personnage se craquèle et toute sa fragilité apparaît avant qu'il se reconstruise.

Points forts

  • C'est d'abord une extraordinaire performance d'acteur: ce monologue difficile d'une heure quinze non seulement ne lasse pas le spectateur, mais Ivan Morane éclaire le texte, il le rythme et le rend plus compréhensible qu'à la lecture.
  • L'adaptation, faite par Catherine Camus, la fille d'Albert Camus, et François Chaumette, est remarquable: elle préserve les six parties du roman et elle raccourcit le texte sans rien lui enlever de sa logique et de son sens symbolique.
  • La mise en scène est simple mais évocatrice: Ivan Morane alterne les positions debout et assise, il tourne autour d'un fauteuil, et l'intérieur et l'extérieur apparaissent clairement dans ce cadre dépouillé.
  • Le vêtement d'Ivan Morane  parle lui aussi: costume strict avec une cravate, imperméable pour l'extérieur, sans veste et sans cravate un peu avant la fin...Ces variations symbolisent l'état d'esprit du personnage, plus ou moins dépouillé de son apparence.
  • La musique accompagne très justement les différentes phases que traverse le héros.

Quelques réserves

  • Je vois bien peu de points faibles dans ce très beau spectacle. J'ai juste été un peu surprise par les bruits qui ne correspondent pas toujours à la réalité qu'on imagine: un rire, la chute d'un corps dans l'eau, un cri, puis le bruit sur le paquebot.

Encore un mot...

C'est un spectacle remarquable, un festival d'intelligence dans une atmosphère très sombre.
Il est difficile de le comparer aux « Carnets » qui datent d'époques différentes et mettent en scène Albert Camus lui-même; alors qu'ici, c'est son personnage qui est au coeur du spectacle, prenant  une certaine distance avec lui-même.

Une phrase

Ou plutôt deux:
« Du jour où je fus alerté, la lucidité me vint. Je reçus toutes les blessures en même temps et je perdis mes forces d'un seul coup. »
«  Mais bien vite, la frivolité du sérieux lui-même m'apparaissait et je continuais seulement de jouer mon rôle aussi bien que je pouvais. »

 

L'auteur

Albert Camus est né en Algérie en 1913. Il a écrit de nombreuses oeuvres, romans, pièces de théâtre et essais philosophiques qui traversent les différente étapes de sa pensée: l'absurde, la révolte et une troisième phase, d'humanisme sans illusion, le temps lui ayant manqué pour mieux définir cet humanisme. Ses textes les plus célèbres sont: « L'Étranger », « La Peste », « La Chute », mais aussi « Caligula », « Les Justes », « Le Mythe de Sisyphe » et « L'Homme révolté »
Il a reçu le prix Nobel de littérature en 1957 et il est mort dans un accident de voiture, avec son éditeur, Gallimard, en 1960.

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