La Nostalgie des Blattes

Un thème costaud et deux grandes comédiennes
De
Pierre Notte
Mise en scène
Pierre Notte
Avec
Catherine Hiegel et Tania Torrens
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre du Rond-Point
2 bis, Avenue Franklin Roosevelt
75008
Paris
01 44 95 98 21
Jusqu' au 8 octobre à 21h; Dimanche à 15h30

Thème

Dans un espace étrange, dans le temps futuriste d’un monde aseptisé et inquiétant, deux femmes, deux vieilles, sont assises côte à côte sur deux chaises. On apprend très vite qu’elles ont le point commun d’avoir renoncé à toute intervention susceptible de les faire rajeunir. Ainsi sont-elles devenues des raretés, dans une foire, dans un musée, ou ailleurs ? Ce que l’on sait c’est qu’il n’y a plus personne pour venir les observer. Deux solitudes, deux personnalités vont ainsi s’affronter dans le dialogue aigu de Pierre Notte.

Points forts

1- Catherine Hiegel et Tania Torrens emportent tout. La pièce, sur une idée de Catherine Hiegel, a été semble-t-il conçue sur mesure, répartissant les caractères selon les deux tempéraments différents des comédiennes.

2- C’est un duel que Pierre Notte met en scène, deux monstres, deux natures que tout sépare, condamnées à cette promiscuité forcée. Des objets volants s’écrasent régulièrement, rythmant les séquences de leur combat. Chaque passage effrayant de ces objets - sont-ce des drones ? - fait monter la tension, tandis que la crainte d’une brigade de surveillance leur apporte le sentiment d’un danger qui semble, peu à peu, les rapprocher.

3 – Que faire dans un monde parfait, ou l’on apprend que des miliciens dominateurs ont abattu tout le monde, sauf peut-être de rares dissidents ? Que ressentir dans cet univers extérieur hostile ? Comment vivre dans un monde sans poussière, aseptisé au maximum, sinon plonger dans les souvenirs et regretter la nourriture, la mousse des bois ; finir par voir un moucheron avec plaisir ou, tout au moins, y croire. Catherine avoue « avoir parfois la nostalgie des blattes ». Elles rêvent toutes deux de fromage, de vin. Tania conserve dans son petit sac de quoi rouler deux cigarettes qui tiendront un grand rôle dans leur mutuelle relation. Chacune la savoure, la respire, à sa façon, dans un bonheur indicible.

4 – Leur cheminement est fait de combat, de violence, de chicanerie, d’insultes ; la calme Tania finit par se laisser prendre par la violence de Catherine, difficilement contenue comme un moteur à explosion. L’incompréhension entre deux tempéraments, la chaste Tania, la sexuelle Catherine, les comédies qu’elles se jouent et que je ne veux pas dévoiler ici pour en laisser la surprise aux spectateurs, sont inénarrables et drôles. L’antipathie du départ finira-t-elle, dans ce huis clos, par se transmuter en une forme de tendresse ?

Quelques réserves

Je n’ai pas trouvé très utile l’idée de la filiation de Tania, laquelle est pour le moins surprenante, même si elle a des effets comiques sur le public, …mais, elle paraît permettre d’envisager la présence d’un dissident, potentiellement salvateur.

Encore un mot...

On ne peut que saluer la prestation de ces deux comédiennes. Elles déploient une énergie sans borne, une finesse de jeu, une complicité subtile en dépit de l’affrontement ; le propos est divertissant car Pierre Notte joue avec les ruptures violentes, les surprises de cette étrange situation qui pourrait presque s’avérer métaphysique. Elles sont assises et opposées, mais peut-être parviendront-elles, ensemble, à autre chose.

Une phrase

« Catherine : Vous ne me piquerez pas ma place.

Tania : Elle n’est pas à vous cette place.

Catherine : Elle n’est pas à moi cette place ?

Tania : Vous n’êtes pas propriétaire que je sache. »

L'auteur

Auteur, compositeur, metteur en scène, comédien, Pierre Notte a été animateur dans un centre de loisirs, journaliste, et secrétaire général de la Comédie-Française. Il est depuis 2009 auteur associé et rédacteur en chef au Théâtre du Rond-Point, où il a écrit et mis en scène plusieurs pièces : J’existe foutez-moi la paix)(2009) ; Sortir de sa mère et La Chair des tristes culs (2013) ; Perdues dans Stockholm(2014) et C’est Noël tant pis (2015). Il est l’auteur entre autres, de Moi aussi je suis Catherine Deneuve et Journalistes (mise en scène de Jean-Claude Cotillard) ; Deux petites dames vers le Nord (mise en scène Patrice Kerbrat).

Ses pièces ont été présentées en France, en Allemagne, en Italie, en Grèce, en Autriche, en Angleterre, au Japon, en Bulgarie, aux États-Unis, au Liban ou en Russie.

Il est l’auteur de romans; et de pièces radiophoniques pour France Culture. 

 Il a été nommé à trois reprises dans la catégorie « auteur » aux Molières, il a reçu le prix jeune talent de la SACD et le prix Émile Augier de l’Académie Française.

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