Les témoins

Que se passe-t-il quand on s’attaque à la liberté de la presse ? Une pièce choc sur une réalité qui n’est pas si lointaine !
De
Yann Reuzeau
Mise en scène
Yann Reuzeau
Avec
Tewfik Bensnoussi, Catherine Griffoni, Clara Leduc ou Marjorie Ciccone, Morgan Perez ou Romain Sandère, Yann Reuzeau et Sophie Vonlanthem
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

La Manufacture des Abbesses
7, rue Véron
75018
Paris
01 42 33 42 03
Jusqu’ au 30 janvier. Jeudis et vendredis à 21h

Thème

  • La pièce se situe dans la continuité de Chute d’une nation, constat impitoyable sur l’état de notre démocratie, qui se terminait par l’élection à la Présidence de la République d’un candidat d’extrême droite, Thomas Mérindien. Mais nul besoin d’avoir vu Chute d’une nation pour comprendre et apprécier Les témoins.

  • Les Témoins est un journal d’information, dont l’intégrité et le professionnalisme ne font pas débat. Mais alors que Thomas Mérendien vient d’être élu, la salle de rédaction du journal est en ébullition. Les journalistes de la rédaction sentent le vent tourner : ils sont devenus l’ennemi à abattre.

  • Faut-il continuer d’informer ou entrer en résistance ? A partir de ce scénario de politique fiction, Yann Rezeau construit une intrigue sur la liberté de la presse, l’avenir d’un journal, le rapport de chaque journaliste avec son métier, sans faire abstraction de leur vie privée.

  • Du rédacteur en chef à la stagiaire, chacun devra se positionner et réagir dans un tourbillon qui menace de les emporter tous.

Points forts

  • L’auteur / metteur en scène a effectué des recherches approfondies sur le métier de journaliste, et notamment sur la hiérarchie qui existe à l’intérieur d’une rédaction, ses rapport de force et ses tensions. On sent que cette dynamique a beaucoup influencé son écriture, hyper-réaliste, qui rend parfaitement l’ambiance surchauffée d’une salle de rédaction.

  • Le spectacle s’organise autour de deux éléments de scénographie : l’écran où s’affichent en temps réel les articles et les brèves publiés par le journal, et la salle de rédaction, lieu où s’élabore le journal, et où le rédacteur en chef, les chefs de rubrique et les journalistes se retrouvent, échangent, s’affrontent …

  • Au cataclysme que représente le résultat de l’élection répond la déflagration qui menace de faire exploser le journal. On passe de la surprise à l’anxiété, puis à l’angoisse face à ce monde en train de se désagréger. Mais l’auteur ajoute une multitude d’événements connexes qui viennent enrichir l’histoire et lui apporter une complexité, là où on aurait pu craindre des raccourcis simplificateurs et caricaturaux.

  • La mise en scène est à l’unisson, tendue, nerveuse, brutale. Les rapports humains volent en éclat, les amours et les amitiés sont laminés au rythme impitoyable de l’info et de la répression. Les acteurs, magnifiquement dirigés, apportent leurs fragilités et leurs forces, aussi bien par la densité de leur présence physique que dans la restitution des dialogues qui illustrent la scénario diabolique dont ils sont les jouets.

  • Alors qu’aujourd’hui semble se dessiner un fossé de plus en plus infranchissable entre des médias d’information et des médias d’opinion qui se lancent des anathèmes, la perspective d’une société sans presse libre serait insupportable. Le théâtre est aussi un acte politique (n’est-ce pas Brecht, Sartre … ?) et celui de Yann Reuzeau frappe fort et juste.

Quelques réserves

  • Pas de réserve, mais le climat de tension permanente pendant plus de deux heures sans temps mort, s’il est captivant, a forcément un côté un peu anxiogène.

Encore un mot...

  • Ce sont deux spectacles de Yann Reuzeau qui se jouent en ce moment à la Manufacture. Je vous invite donc à lire également la chronique d’Anne-Claude Ambroise-Rendu sur l’autre pièce, Des ombres et des armes, qui se joue en alternance. Nul doute que vous aurez très envie de faire un joli doublé.

Une phrase

  • CATHERINE [Cheffe de rubrique] : « Tu
sais
Romain,
quand
JE
t’ai
engagé
(…)
Je
t’ai
dit
qu’il
fallait
que
tu
aies
conscience
que
Les
Témoins
s’était
construit
sur
un
rejet du
journalisme
d’opinion…
qui
avait pris
trop
de
place
à
nos
yeux.
Et
je
t’ai
dit
d’y réfléchir,
parce
que
pour
toi,
ça
n’était
pas
évident.
Et
je
t’ai
dit
aussi
que
Les
Témoins
ne
servira
aucune
idéologie,
jamais.
Que
nous
ne
serons
pas
contre,
que nous
ne
travaillerons
jamais
dans
le
seul but
de
discréditer
un
gouvernement, quel qu’il
soit.
    - ROMAIN [ journaliste] : Vous
 êtes
fous.
 Vous…
 Ok,
le
journalisme
 est
 un
 contre pouvoir
 et
 dans
 une
 démocratie,
 ça
 veut
 dire,
 pour
 nous
 tous,
 regarder,
 analyser,
enquêter,
 questionner,
 sans
 prendre
 parti,
en
 toute
indépendance,
 blablabla…
Mais
là
!
On
est
plus…
On
est
dans
une
zone
grise
!
On
a
commencé
à glisser
vers…
 
    - ÉRIC [Rédacteur en chef] : Non. [un
temps] Je
ne
suis
pas
d’accord.
Un
nouveau
Président
a
été
élu.
Point. »

L'auteur

  • Auteur et metteur en scène prolifique, Yann Reuzeau a donné de nombreuses pièces depuis 2000, touchant toutes à des sujets de société (prostitution, pouvoir, place de l’argent dans la société, vie et métamorphose d’une entreprise, affaire Jacqueline Sauvage, liberté de la presse, adolescence). 

  • Son œuvre la plus célèbre est Chute d’une nation, créée en 2011, reprise au théâtre du Soleil en 2015, et lauréate du Prix Beaumarchais- Le Figaro du Meilleur auteur en 2012. Il a aussi réalisé un court-métrage, La Traque en 2021. 

  • Plusieurs de ses pièces ont été publiées aux éditions Acte Sud : Criminel (2017), De l’Ambition (2015), Chute d’une Nation (2015), La Secte / Les Débutantes (2013). 

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