Des ombres et des armes

Un thriller politique qui commémore les attentats du 13 novembre 2015 d’une manière originale, intelligente et digne
De
Yann Reuzeau
Mise en scène
Yann Reuzeau
Avec
Charif Ethan Al Ramlat, Aurélie Cuvelier Favier, Matěj Hofmann, Melki Izzouzi, Romain Julliand, Morgan Perez, Sophie Vonlanthen
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Manufacture des abbesses
7, rue Véron
75018
Paris
01 42 33 42 03
Jusqu’au 1er février 2026. Le samedi à 21h. Le dimanche à 17h. - Relâche du 20 au 28 Décembre

Thème

  • Tandis que de la radio s’écoule le flot brûlant de l’actualité, un homme et une femme, Niels et Katia, échangent des propos amers sur l’avenir de leur couple. Membres de la DGSI, ils traquent les terroristes djihadistes, et n’ont pas exactement la même façon de concevoir la manière de s’y prendre. 

  • Une intervention chaotique du groupe mené par Katia, permet d’éviter un nouvel attentat, mais se solde par un incident absurde, et n’empêche pas le principal suspect de s’enfuir. Niels et Katia s’affrontent alors sur la stratégie à suivre pour retrouver cet homme dangereux.

  • Obsédé par Abdel, un revenant, qui malgré son séjour en Syrie semble mener désormais une vie paisible, Niels s’isole de son groupe et transgresse bientôt toutes les règles. Dans le même temps, la menace d’une action d’un groupuscule d’extrême droite suprémaciste auquel Katia n’est pas étrangère, s’appesantit...

Points forts

  • Très architecturé, le texte est rythmé par un enchaînement implacable faisant de cette pièce une véritable tragédie politique. 

  • L’approche de ce sujet délicat est très réussie, car il n’est jamais question, dans ces dialogues à la fois simples et percutants, d’inviter le spectateur à prendre un parti. Au contraire, la complexité et l’ambivalence des positions de chacun, leur évolution, les dilemmes qui sont les leurs, tout ceci est montré sans lourdeur, sans didactisme, ni manichéisme. 

  • C’est que Yann Reuzeau réussit à camper des caractères forts et convaincants : 

    • Niels le flic dévoré par l’urgence, et Katia qui défend les règles, c’est-à-dire les conditions démocratiques du maintien de l’ordre mais est, à bien des égards, pétrie d’ambiguïté ;

    • les deux suspects, Sofiane et Abdel, tour à tour inquiétants et touchants ;

    • Nourr le flic déchiré entre deux loyautés, ou encore Gabriel le survivant fracassé par le traumatisme consécutif aux quelques secondes de cauchemar qu’il a vécues et qu’il revit sans trève, complètent le cortège de tous ces êtres écartelés entre noirceur et lumière.

  • On est toujours impressionnés de voir des comédiens jouer avec un brio égal autant de personnages contrastés : une mention spéciale aux remarquables Charif-Ethan Al Ramlat, Aurélie Cuvelier Favier et Matěj Hofmann.

Quelques réserves

  • Le choix a visiblement été fait d’un jeu d’acteurs très nerveux. On peut le regretter, tant il confine parfois à l’hystérie braillarde. D’abord, parce que le volume sonore des échanges nuit à l’articulation, ensuite parce que l’extrême tension de l’action se suffit à elle-même, n’exigeant pas tant de cris, de bruit et de fureur qui survoltent inutilement le plateau d’une fièvre artificielle et surjouée.  

  • Dans le même registre de l’agitation inutile, le déplacement incessant des colonnes mobiles montées sur roulettes servant de décor, perturbe plus qu’il n’enrichit le déroulement de l’action. C’est un peu dommage, sans être rédhibitoire évidemment. 

Encore un mot...

  • En montrant comment le destin déjà écrit d’une population exclue et “racisée“ - et donc soupçonnée - fait d’elle la proie des engagements les plus fous, le spectacle subvertit la tragédie.

  • Il n’y a pas de fatalité ni de déterminisme culturel, il n’y a qu’une société déchirée par des injustices que les policiers censés nous protéger sont impuissants à colmater. Alors, ils se muent en vengeurs fous.

Une phrase

  • Katia : « J’ai jamais vu un terroriste avec un PEL…
    - Nourr : C’est pas tout noir ou tout blanc. Toi comme moi, y’a des choses chez l’ennemi qu’on aime bien. »

L'auteur

• Auteur et metteur en scène prolifique, Yann Reuzeau a donné de nombreuses pièces depuis 2000, touchant toutes à des sujets de société (prostitution, pouvoir, place de l’argent dans la société, vie et métamorphose d’une entreprise, affaire Jacqueline Sauvage, liberté de la presse, adolescence). 

• Son œuvre la plus célèbre est Chute d’une nation, créée en 2011, reprise au théâtre du Soleil en 2015, et lauréate du Prix Beaumarchais- Le Figaro du Meilleur auteur en 2012. Il a aussi réalisé un court-métrage, La Traque en 2021. 

• Plusieurs de ses pièces ont été publiées aux éditions Acte Sud : Criminel (2017), De l’Ambition (2015), Chute d’une Nation (2015), La Secte / Les Débutantes (2013). 

Ajouter un commentaire

Votre adresse email est uniquement visible par Culture-Tops pour vous répondre en privé si vous le souhaitez.

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Toujours à l'affiche