Le Réformateur

De
Thomas Bernhard
Mise en scène
André Engel
Avec
Serge Merlin, Ruth Orthmann, Gilles Kneusé
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre de l'Oeuvre
55, rue de Clichy
75009
Paris
0144538888
ATTENTION: dernière représentation, le 11 octobre
Vu
par Culture-Tops

Thème

Un philosophe hypocondriaque, qui ne cesse de tyranniser sa femme, attend, cloîtré dans sa chambre, la visite du Recteur de l’Université qui vient lui remettre son diplôme de docteur Honoris Causa en hommage à son « chef d’œuvre » intitulé Traité de la réforme du monde.

Son traité, il l’évoque à maintes reprises, prône la destruction totale du monde : « le monde entier est un cloaque qui doit être vidangé »… Cela donne le ton ! 

Le personnage pourrait sortir du théâtre de Molière avec ses accents à la fois de misanthrope et de malade imaginaire. Mais nous ne sommes pas dans une comédie : c’est un héros souffrant, désabusé, paranoïaque, égocentrique et cruel qui feint la

Son seul confident est son poisson rouge, à part sa compagne qui lui sert de souffre-douleur et d’exutoire à ses élucubrations : il hait la nature, il hait les voyages, il hait la musique… Tout le monde en prend pour son grade, sans oublier les femmes (à commencer par la sienne) et… les oiseaux, lorsqu’il les entend chantre par la fenêtre ouverte ! 

Bref, toute idée de bonheur ou de progrès est éliminée à tout jamais.

Au spectateur de déterminer quelle est la part autobiographique de cette œuvre cinglante…

Points forts

- Serge Merlin n’en est pas à son premier rôle dans l’œuvre de Thomas Bernhard : depuis 1991, année de la création du Réformateur par André Engel, il a littéralement « incarné » Bernhard dans nombre d’œuvres et tout récemment dans Extinction, au Théâtre de l'Oeuvre en 2015. Voici donc l’occasion d’entendre un grand comédien qui ne « joue » pas Thomas Bernhard car il est Thomas Bernhard.

- Quelle maestria pour nous faire entendre, derrière les exagérations, la justesse de ce qui est dit : cette société humaine qu’il décrit, c’est tout de même bien la nôtre et cela donne à réfléchir.

- Si le texte n’est pas vraiment gai, il n’en est pas moins empreint d’un humour omniprésent : on se dit « qu’est-ce qu’il va encore nous sortir », et on n’est pas déçu. Donc sourires dans la salle !

- Bravo pour la mise en scène qui, nonobstant l’unité de lieu et le monologue, anime et amuse par moult petits tours.

Quelques réserves

- Si le texte donne à sourire, les amateurs de franche rigolade risquent d’être déçus. C’est un texte dense, qui demande une vraie attention et qui présente les caractéristiques de tout monologue.

- On peut ne pas apprécier le maquillage de Ruth Orthmann qui est affublée de ce qui pourrait être une tâche de vin sur le visage. Comme elle est très belle et que son « bourreau » lui dit à plusieurs reprises qu’elle est laide, il fallait bien trouver un stratagème qui rende son visage gênant...

Encore un mot...

Ni toux, ni raclements de gorge dans ce petit Théâtre de l’Oeuvre : c’est assez éloquent!

Une phrase

« Je marque l’époque, je marque l’époque ! Cela ne veut rien dire du tout ! »

L'auteur

Poète dans sa jeunesse, puis dramaturge et romancier, Thomas Bernhard (1931-1989) est sans doute l’écrivain autrichien le plus important de sa génération et l’un des plus grands écrivains de langue allemande, traduit en plus de 40 langues. Il connaît son premier succès littéraire avec la publication de son roman Gel, en 1963. Misanthrope et provocateur, il exprimera tout au long de son œuvre sa rage anticonformiste en prenant systématiquement le contre-pied de ce qu’on attend de lui, quitte à se dédire...

Refusant toute sa vie les honneurs de l’establishment autrichien pour lequel il nourrit une véritable exécration, il provoquera moult scandales en mettant en cause l’Etat autrichien et la culture autrichienne marqués par le national-socialisme et le catholicisme. On pourrait dire que l’œuvre littéraire et dramaturgique de Thomas Bernhard est un règlement de comptes avec sa jeunesse et avec son pays mais aussi par rapport à l’ordre établi, quel qu’il soit et où qu’il soit… N’oublions pas que, dans son testament, Thomas Bernhard a défendu expressément « toute représentation, impression, présentation, à l’intérieur des frontières de l’Etat autrichien » d’aucun de ses textes publiés ou posthumes. Quant aux traductions, il les considérait comme des trahisons. Heureusement pour nous, ses ayants droit ont enfreint la règle, nous donnant ainsi à profiter de son œuvre remarquable dans sa profondeur et dans son écriture.

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