Edmond
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Thème
A Paris, fin 1897, Edmond Rostand vient de faire un four avec sa Princesse lointaine, malgré Sarah Bernhardt en tête d’affiche. Déjà, Courteline et Feydeau, forts de leurs succès dans le vaudeville, brocardent fielleusement le dramaturge et poète Rostand : l’heure n’est plus aux vers rimés, ni à la tragédie ! Que faire dès lors, puisque celui-ci ne se juge pas assez drôle pour écrire une comédie, et plus assez doué pour une tragédie ?
C’est alors que sa route croise un comédien réputé, Constant Coquelin, qui lui garantit son théâtre et sa présence sur scène, à condition qu’il crée immédiatement une nouvelle pièce, car celle que Coquelin interprète, Thermidor, est partie pour un sort comparable à ceux de Robespierre et Saint Just...
Seul problème, pour un dramaturge qui n’a rien écrit depuis deux ans : comment faire émerger une œuvre qui le remette en selle dans une telle urgence ? C’est au spectacle de la gestation de l’une des pièces les plus connues du répertoire français que nous sommes dès lors conviés.
Points forts
Le point de départ de la pièce est prodigue en effets comiques, et de ce point de vue le pari est tenu, car la naissance de Cyrano de Bergerac se profile comme une catastrophe théâtrale annoncée. Les comédiens se régalent à nous en montrer tous les rouages : une Roxane ayant déroulé pas mal de câble, un jeune premier oublieux de ses obligations théâtrales, un auteur rongé d’angoisse, sans compter les menaces des bailleurs de fonds louches, les coups du sort en cascade, pour ne rien dire des coups de foudre et leurs lots de crises de jalousie venant tout compliquer !
Mais la principale difficulté à surmonter était bien de faire advenir la dimension dramatique du personnage de Cyrano et de la pièce éponyme dans l’élaboration de l’œuvre qui nous est montrée ici. Ce tour de force est accompli de manière assez maline, avec une intrigue-fil rouge qui permet de l’amener de manière sinon probable, du moins plausible.
Les comédiens sont chevronnés et bien en place, ils sont servis par une mise en scène et en décors très dynamiques. Le tourbillon des scènes qui s’enchaînent sans relâche restitue l’atmosphère d’urgence voire de totale improvisation dans laquelle se déroule le processus créatif au cœur du propos de la pièce.
Quelques réserves
Pour les besoins de la fiction, Alexis Michalik nous présente un Edmond Rostand absolument à court d’idée au moment d’entreprendre l’écriture dans l’urgence absolue de son chef d’œuvre, glanant ici ou là des impressions et des bribes au fil de ses pérégrinations, ce qui est plus que douteux, puisque ce projet taraudait le dramaturge depuis sa jeunesse.
Des comédiens en viennent à en “faire des tonnes“ sur leurs personnages, c’est notamment le cas des deux Corses proxénètes et bailleurs de fonds du spectacle, qui appuient lourdement leurs effets au fil des rires provoqués au fil des représentations. Le cabotinage a ses limites, et la pièce peut très bien s’en passer.
Encore un mot...
Depuis sa création, Cyrano de Bergerac a été monté près de 20 000 fois, et l’Edmond de Michalik en est à sa 1900e représentation, c’est dire le succès qu’il remporte.
De fait, cette pièce semble un spectacle de très bon théâtre populaire, en tout cas de vulgarisation intelligente, pouvant faire office de spectacle familial idéal pour les fêtes de fin d’année.
Une phrase
Edmond [à Sarah Bernhardt] : « Sarah, vous serez merveilleuse en …. Napoléon II ! »
Le même [confiant son désespoir à sa femme Rosemonde] : « Je n’ai rien écrit en deux ans, comment pourrais-je écrire une pièce en deux heures ? »
Coquelin [à Edmond] : « Cette pièce sera très bien. Il suffit juste de l’écrire ! »
Léonidas Volny : « Tu es complètement dérangé ?
- Edmond : Bien sûr : je suis auteur ! »
L'auteur
• Alexis Michalik, né en 1982 d’un père artiste peintre et d’une mère traductrice de livres d’art, est d’abord un enfant turbulent à l’imagination débordante, qui décide, adolescent, de se tourner vers le théâtre. Ce sera donc « les planches et rien d’autre. ». Il n’a pas vingt ans quand il étrenne la scène dans le rôle–titre de Roméo et Juliette mis en scène par Irina Brook. Dans la foulée, il est reçu au Conservatoire de Paris, mais il le quitte pour réaliser ses rêves de création scénique, et dès 2005, il s’essaie à l’écriture en adaptant librement et de manière très décalée des classiques : Le Mariage de Figaro de Beaumarchais devient Une Folle journée et La Mégère apprivoisée de Shakespeare se transforme enUne Mégère à peu près apprivoisée.
• Le franc succès obtenu par ces premières adaptions scéniques le pousse à écrire des créations originales. Ce sera d’abord, en 2013, Le Porteur d’histoire, puis en 2014 Le Cercle des illusionnistes, et en 2016, Edmond, dont il est ici question. Pour cette troisième pièce, Michalik reçoit cinq Molière (meilleure pièce, auteur, metteur en scène de théâtre privé). Il est également scénariste, réalisateur et écrivain : son premier film, Edmond, est sorti en janvier 2019.
• Ce dramaturge est suivi de près par Culture-tops. Qu’on en juge…
- Le porteur d’histoires est sa première pièce en tant qu’auteur. Succès inattendu, elle cumule à ce jour 2500 représentations et a été jouée dans le monde entier.
- Le cercle des illusionnistes est sa seconde. En 2014, il est récompensé pour ces deux pièces du prix Beaumarchais du Figaro, du prix Jeune Théâtre de l’Académie Française et de deux Molières (auteur et metteur en scène de théâtre privé).
- Intramuros est sa quatrième pièce.
- Une histoire d’amour sa cinquième, pour laquelle il reçoit en 2020 le Molière du metteur en scène de théâtre privé.
- Il a mis en scène sa première comédie musicale avec Les Producteurs en 2022.
- son premier roman, Loin, est sorti en septembre 2019.
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