VIE ET MORT D'UN CHIEN TRADUIT DU DANOIS PAR NIELS NIELSEN

ETRE OU NE PAS ETRE... C'EST ENCORE LA QUESTION A ELSENEUR
De
Jean Bechetoille
Mise en scène
Jean Bechetoille
Avec
Alice Allwright, Guarani Feitosa, Romain Francisco, William Lebghil, Laurent Levy, Nadine Markovici
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

La Cartoucherie de Vincennes - Théâtre de la Tempête - Salle Copi
Route du Champ de Manœuvre
75012
Paris
01 43 28 36 36
Jusqu'au 20 octobre 2019, du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h30

Thème

Danemark, dans la ville d'Elseneur, théâtre d'une première tragédie, celle d'Hamlet. La famille Nielsen réunie, cahin caha : le père, Henrik, légèrement dépressif, Hanne, la mère, possessive et perturbée, les deux grands garçons Vincent et Marcus, à 1000 années lumière l'un de l'autre, Bénédikte, jeune fille ravissante et amoureuse, qui s'apprête à convoler. Peut être la seule équilibrée de la tribu. Plus un membre à part entière, très intrusif, le chien Sirius ; Henrik place l'amour de son chien au dessus de tout, sauf peut être de son vieux piano. Sous une apparente bonne humeur, les rapports sont souvent difficiles. Soudain, c'est le drame. Après une soirée tendue, Vincent sort, à pied, dans la nuit. Il ne reviendra pas. Ecrasé sur l'autoroute voisine par une voiture. Mais comment ? Pourquoi ? C'est un accident, s'évertue à nous en convaincre Hanne. Pas impossible mais cela reste mystérieux. Marcus n'a de cesse alors de mener l'enquête pour tenter d'élucider la mort de son frère, quoiqu'il puisse en coûter.

Car, quelle que soit la cause de la mort de Vincent - qui nous est annoncée dès les premières scènes par un cri déchirant et bouleversant - il y a forcément un coupable ; on ne meurt pas comme ça, stupidement écrasé, sans raison, par hasard ! Markus, dans une démarche métaphorique, va jusqu'à imaginer que le fiancé de sa sœur est le responsable de la mort de son frère. Ainsi, le ressort de la pièce s'articule autour de la responsabilité des protagonistes dans la construction de leur propre tragédie. La famille Nielsen, au fur et à mesure, devient collectivement la cause de la mort de Vincent "en cultivant le mythe de la malédiction paternelle" ( Jean Bechetoille). Shakespeare n'est pas loin, l'humour en plus.

Points forts

- Le talent, la présence, la cohésion de tous les comédiens qui interprètent l'extravagance des personnages de cette famille constamment au bord de la rupture en valorisant un texte souvent caustique, toujours fin et juste. C'est plein de vie et de... vérité.

- La longue et savoureuse séquence chez le psy, totalement décalée, qui met en scène toute la famille dans un étourdissant jeu de rôles. Chacun y va de son analyse au cours d'une thérapie de groupe sous la coupe d'un gourou des chiens, spécialiste du développement personnel, des transferts et des processus de projection ("et si vous étiez un chien...?") ! Réaliste et très drôle 

- La reconstitution de l'accident                                                                                                                          Markus armé d'un grand pinceau et d'un seau de peinture blanche illustre la scène sur le sol. Il joue Vincent, échappant un moment à la meute des automobiles tel un toréador. Et  puis... ce qui devait arriver arriva. Le piano figurant une voiture, le fiancé au volant, le père a ses côtés, fonce sur la victime qui n'en réchappera pas, pris en écharpe avec un bond gigantesque (une vrai cascade à la Belmondo). Démonstration implacable. Hanne est obligée de se rendre à l'évidence. Marcus avait raison!

Quelques réserves

Il faut vraiment chercher pour trouver. Bien sûr, il y aura toujours des esprits chagrins pour s'offusquer de l'esprit de dérision et de cette sorte de souffle anarchique qui règnent sur cette mise en scène délirante de la mort. Une réponse : il faut se dépêcher d'en rire avant d'être obligé d'en pleurer.

Encore un mot...

Une transposition du mythe d'Hamlet revisité à la lumière de l'expérience de la mort de l'auteur lui même. Le titre à coucher dehors, vie et mort (d'un) chien, doit être pris au sens propre du terme... tant ce compagnon incontournable, qui meurt et renaît, témoin et interprète de toutes les vicissitudes de cette famille de névrosés, nous fait plier de rire surtout quand il se met à table, qu'il lèche et pourlèche, qu'il lève la patte et met son nez partout... habillé comme vous et moi, affectueux comme un labrador qu'il est. Brillant et délirant. Car il est dit : "Les êtres, c'est comme les chiens, ils ne sont jamais aussi heureux que dans un environnement hostile"!

Une phrase

"Ah, on fume de l'herbe ici, ça sent la myrtille. T'es fou Vincent, faut pas fumer comme ça. Oh, arrête de pleurer Marcus ; oh oui, Vincent est fou! Tu veux une tisane, Marcus ? Oui, Vincent ne va pas bien . Et toi ça va ? Moi ça va, et toi ça va ? et Papa ça va,  ça va mais regarde Franck, il est con ce chien !"( puis en chœur), "Tressaillez de joie..." 

"Oh, je pue chez vous, ça sent le pourri ici (le chien frétille). Maman , j'aimerais discuter de mon futur. Je veux partir faire un stage de développement personnel"

L'auteur

Jean Bechetoille a été formé à l'Actor's Theatre School de Londres puis à l'école Jean Périmony à Paris. Il débute sa carrière d'acteur dans " L'importance d'être constant" d'Oscar Wilde, "Une famille aimante mérite de faire un vrai repas" de Julie Aminthe, puis tourne dans une série télévision de Jean Michel Ben Soussian. Il se consacre ensuite entièrement à l'écriture et à la mise en scène et fonde en 2016 la Compagnie du 1er août avec laquelle il monte ses créations. D'abord "Comment Igor a disparu" puis "Vie et mort d'un chien".

Cette dernière pièce fait le pont entre l'expérience de la mort vécue par Bechetoille lui même dont le frère s'est fait effectivement renverser mystérieusement sur l'autoroute , et l'œuvre de Shakespeare dont le "héros s'est figé à la mort de son père". L'auteur nous dit: "J'ai placé l'action de ma pièce à Elseneur au sein de la famille Nielsen en changeant les noms des personnages."  Cruelle destinée, ici sur le mode burlesque.

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