4211 km
Un voyage qui ne laisse pas indemne
De
Aïla Navidi
Mise en scène
Aïla Navidi
Avec
June Assal, Sylvain Begert, Benjamin Brenière, Florian Chauvet, Aïla Navidi, Thomas Drelon, Olivia Pavlou-Graham et Damien Sobieraff, Lola Blanchard
Notre recommandation
5/5
Infos & réservation
Studio Marigny
Carré Marigny, avenue Gabriel
75008
Paris
01 86 47 72 77
Jusqu'au 31 mars, du mardi au samedi, 20h30 – dimanche, 16h
Retrouver également les chroniques Toujours à l'affiche dans cette même rubrique
Thème
- Yalda vient de donner naissance à une petite Marjane pour la plus grande joie de toute sa famille, quand elle découvre qu’à la suite d’une erreur de son mari et de la décision parfaitement arbitraire d’une employée de mairie, l’enfant risque de ne pas porter son nom de famille : Farhadi. Yalda s’insurge et se désespère : sa fille serait privée du nom de sa famille, de son grand-père, de son père, c’est-à-dire d’une partie de ses racines et de son histoire ?
- Commence alors le récit de la vie des parents de Yalda, Mina et Fereydoun deux intellectuels iraniens résolument engagés dans la vie politique de leur pays depuis la fin des années 1970. Leur militantisme, la prison, leur espoir fou au moment de la révolution de 1979, puis l’exil qu’ils choisissent pour sauver leur vie. Et leur existence en France, où ils ont une fille et, malgré leur situation précaire, ils continuent de « trouver le temps de lutter pour que l’Iran devienne un pays libre. "
Points forts
- La mise en scène est remarquable de maitrise et de justesse : l'enchaînement fluide des tableaux successifs et presque cinématographiques, enchâssés dans une chronologie pleine de retours en arrière, fonctionne à merveille. Le rapport entre le texte, parfumé par quelques passages en farsi, et la construction scénique est organique. Grâce à cette construction raffinée et pourtant naturelle, chacun des comédiens habite avec délicatesse et justesse son personnage.
- La musique, le décor ocre de la scène, les débris légers qui jonchent le sol, tout ceci crée une atmosphère singulière qui, sans exotisme de pacotille, évoque des “lointains“ à la fois très concrets et incertains, à l’instar des scènes de prison et de torture filtrées par un voile qui ne leur ôte rien de leur brutale réalité.
Quelques réserves
Aucune.
Encore un mot...
- « 4211 km, c’est la distance entre Paris et Téhéran », distance difficile à franchir pour l’enfant de la famille née en France, qui se sait iranienne mais qui ne connait rien d’autre de l’Iran que sa langue, sa musique, sa cuisine et des parfums. Une enfant qui croise brièvement son grand-père, ses cousins, sans assurance de les revoir jamais, et est dévorée du désir de savoir ce qu’a été la vie de ses parents là-bas.
- C’est donc une histoire de famille, d’exil, de transmission, de difficulté aussi à porter le poids d’un héritage et celui des rêves de retour des parents. Une histoire qui concerne des millions d’exilés dans le monde. Mais c’est aussi une histoire dans cette Histoire iranienne de 44 ans d’une révolution jamais achevée, et dont l’actualité est particulièrement brûlante depuis la mort de Mahsa Amini en septembre 2022 et la révolte des femmes qui gronde en Iran. 1530 personnes ont été exécutées depuis ce crime.
Une phrase
- Yalda : « On ne peut pas avoir une vie normale ?
Fereydoun : Qu’est-ce que c’est avoir une vie normale ?
Yalda : Ben j’sais pas. Pas parler politique 24h sur 24. Avoir des petits problèmes. Arrêter de croire qu’on va rentrer en Iran et vivre ici, là. » - « A cette époque je ne percevais rien de leur douleur (…) Je recevais leur amour.
Rien n’est la fin du monde à part la fin du monde. »
L'auteur
- C’est la seule pièce à de jour d’Aïla Navidi, metteuse en scène et comédienne. Donné à Avignon lors du dernier festival, le spectacle a reçu le prix du Jury professionnel, le prix du Public et le prix du Jury Jeune du concours des compagnies du Festival d’Anjou 2023, ainsi que le prix du public et la Mention spéciale du prix Théâtre 13 – 2022.
Commentaires
Pièce magnifique de justesse. Émouvante car elle est le reflet de tous ces peuples obligés de fuir leur pays pour raisons politiques, mais qui gardent l’espoir d’y retourner, on pense aussi à l’Espagne, la Roumanie, l’Argentine, le Chili, etc . La dictature est malheureusement encore très présente. Il est nécessaire de continuer à le dire. Cette autrice a aussi su placer un peu d’humour (et de décalage) avec la demande de naturalisation ).
Ajouter un commentaire