Chroniques festivalières d'Avignon - 24 juillet 2025

Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Et aussi

  • Tout contre la terre – de Rémi Couturier

Factory/théâtre de Loulle du 5 au 26 juillet à 12h00 - relâche les 8, 15, 22 juillet

Mise en scène :  Marie Benati et Rémi Couturier

Avec : Merryl Beaudonnet, Charlotte Bigeard, Remi Couturier, Charlie Fargialla, Emmanuel Gruat et Thibaud Pommier 

Camille Beaurain raconte au journaliste Antoine Jeandey le parcours de son mari, Augustin, agriculteur dans la Somme : leur rencontre, leur amour, leur travail à la ferme… Mais aussi, le terrible système qui humilie la paysannerie française : les relations avec la grande distribution, la volatilité des prix, les conditions d’emprunt bancaire… Alors que Camille raconte, les souvenirs reviennent, les scènes se jouent, et elle vit de nouveau les évènements qui provoqueront le tragique départ de son mari. Si cette histoire passe en un clin d’œil d’une porcherie à un bureau aseptisé ou à une compagnie d’assurance, les cinq comédiens restent toujours piégés sur le plateau par un mur fait d’une vingtaine de bottes de paille et cette terre « qui prend tout, qui remontera jusqu’à tes draps ; la terre tu verras, elle te prendra tout ton temps ».

C’est avant le beau récit du combat d’une femme pour l’homme qu’elle aime. C’est le portrait alarmant d’un monde paysan qui se sent abandonné, livré aux caprices des éléments et méprisés des instances qui doivent le soutenir.  C’est le cri d’alarme d’une catégorie professionnelle essentielle à notre vie dont on ignore trop la souffrance et les sacrifices. Mais c’est raconté avec tendresse, humour, sans misérabilisme. L’humanité et l’amour qui luttent contre la fatalité, défendues par une équipe formidable de comédiens au jeu authentique avec une mention toute particulière pour Charlie Fargialla sa présence et son jeu très émouvant. L’écriture du spectacle est simple, directe, une fiction qui touche au cœur. Un moment d’émotion mais un vrai beau moment de théâtre (presque documentaire) et citoyen pour tout honneur.

Recommandation :  5 cœurs

 

  • Papy et mamy – de Pierre Jean Cherer

3. S. Le quatre du 4 au 26 juillet à 19h25

Mise en scène : Pierre Jean CHERER 

Avec : Clément Cherer, Pierre Jean Cherer, Sarah Ibrahim, Marie Bénédicte Roy et Maëva Verliac 

Papy et Mamy ne se parlent plus. Ils râlent. Leur amour s’est rabougri, flétri par les bougies qu’ils ne comptent plus depuis belle lurette. Papy couine et Mamy grince. Leur quotidien se tricote à force de petits maux et de minuscules joies ordinaires auxquelles ils s’accrochent obstinément. La comédie absurde de deux corps que le grand âge a grignoté un peu plus chaque jour, à leur âme défendante. Lorsque l’assistante sociale, désabusée, leur impose des aides à domicile, leur refus est catégorique. Mais quand apparait la lumineuse aide-soignante Papy croit voir une fée, il retrouve toute sa vitalité. Et quand survient le virevoltant kiné, c’est Mamy qui redouble de gaîté devant celui qu’elle voit comme un jeune prince charmant. Qu’adviendra-t-il d’eux ? De nous ? Une histoire presque sans parole, simple et poétique, sur le temps qui passe, l’amour, et ce qu’on en fait.

Une petite bulle de tendresse et de poésie dans cette comédie sans mots, proche d’un Tati, d’un Buster Keaton se dépose comme un ovni sur le festival d’Avignon. C’est une invitation à la douceur, à poser un regard tendre sur nos aînés. Pierre-Jean Cherer décline une série de tableaux et de tranches de vie avec la complicité de ses camarades de scène. Le burlesque plane sur cette comédie tantôt vacharde, tantôt tendre mais bienveillante sur le grand âge. Un spectacle original et délicat comme une caresse.

Recommandation : 3 cœurs

 

  • Au nom du père, du fils et de Jackie Chan – de Matthias Fortune

Artéphile du 5 au 26 juillet à 17h40 - relâche les 6, 13, 20 juillet

Mise en scèneAnne-Sophie Liban 

Avec : Matthias Fortune et Léo Grise 

Arthur, élevé au sein d’une famille sacrément atypique, était à deux doigts de l’effondrement quand une rencontre au rayon vidéo de l’hypermarché l’a sauvé. Avec qui ? Jackie Chan. La star des arts martiaux s’érige pour Arthur comme une sorte de père spirituel rassurant, débrouillard et farceur qui lui apprend à ne plus porter en silence la souffrance de ses parents mais à la transformer, grâce à l’autodérision et l’expression du corps.

Cela tient tout à la fois de la comédie et de la performance d’acteur autour d’un sujet sensible : une famille déstructurée dans laquelle l’enfant va trouver une porte de salut dans la figure iconique de Jackie Chan. Deux destins qui avancent en parallèle dans la quête de l’épanouissement et de la transmission. Le contenu est original et l’écriture touche autant qu’elle fait rire. Cet enfant perdu porte en lui la souffrance de ses parents et réussit par l’émerveillement que lui procurent son imagination et sa fantaisie à panser les maux de son âme en se construisant une vie parallèle salvatrice. Un beau regard sur l’enfance, la force de résilience et le pouvoir de l’imagination. Une autofiction réussie avec la complicité de son musicien, partenaire ô combien indispensable, pour créer les décors sonores, les bruitages de ce petit monde chaotique et singulier. Une performance de comédien mais également une performance physique remarquable par ses chorégraphies, souvent irrésistible, qui rappelle le cartoon. C’est drôle, c’est tendre, c’est étonnant !

Recommandation :  4 cœurs

 

  • Frantz – de Marc Granier

Scala Provence du 5 au 26 juillet à 10h00 - relâche les 7, 14, 21 juillet

Mise en scène : Marc Granier

Avec : Marc Granier, Chloé Louis, Paul Ménage, Samy Morri et Kathleen O'Reilly 

Frantz, jeune actif à la vie réglée comme un métronome, voit son existence s’effondrer quand un de ses proches casse subitement sa pipe. Face au vide qui s’installe, Frantz réalise assez peu de choses si ce n’est que primo : il ne peut plus vivre ainsi, deuzio : il va quand même bien falloir trouver une autre façon de vivre.

Un narrateur, un comédien, et trois comparses pour bruiter et donner au spectateur à imaginer lui-même ses propres décors. A l’intersection d’un travail théâtral, radiophonique, mais également du mime, l’équipe nous entraîne dans l’histoire de ce garçon dont tout l’univers bascule en un moment. Dès lors, rêve et réalité s’entremêlent, flash-backs et délires s’enchaînent dans la tête de Frantz, comme un petit bateau perdu au milieu de l’océan de ses sentiments. Un travail corporel et performatif nous rappelle l’importance de « l’effort d’être spectateur » qu’évoquait Pierre Notte dans son ouvrage éponyme. Notre devoir et notre pouvoir d’imagination indispensable nous permettent de créer aussi nos propres images. Une table et une étagère remplies d’objets les plus hétéroclites vont suffire à nous faire voyager. Un spectacle qui s’adresse à tout public, mais à recommander également aux spectateurs mal et non-voyants. Un esprit Jacques Tati rafraîchissantHumour et poésie avec un bon brin de maliceLaissez-vous faire, l’expérience vaut le coup.

Recommandation :   5 cœurs

 

  • La couleur des souvenirs – de Fabio Marra

Théâtre du balcon du 5 au 26 juillet à 11h30 - relâche les 10, 17, 24 juillet

Mise en scène : Fabio Marra 

Avec : Catherine Arditi, Aurélien Chaussade, Fabio Marra, Sonia Palau, Dominique Pinon et Floriane Vincent 

Vittorio est un artiste peintre atteinde DMLA, il perd la vue progressivement. Dans l’incapacité de dévoiler ses œuvres, il s’est toujours caché derrière le trait d’autres peintres. Comme ultime rempart, il se lance dans la falsification d’un chef d’œuvre. Alarmée par son manque d’autonomie, sa sœur Clara tente de renouer avec ce frère qu’elle aime tant.

Une très belle histoire de famille écrite avec tendresse par Fabio Marra et merveilleusement servie par une distribution délicate. Dominique Pinon est bouleversant de sensibilité entre rudesse et culpabilité, Catherine Arditi pétrie de générosité et d’abnégation, Fabio Marra touchant d’amour filial durement cahoté. Les parcours du cœur sont soumis à des remous sourds que créent les silences et les secrets non avoués. Il suffirait de parler pour que tout s’éclaire et se fasse douceur mais la nature humaine ne se résout pas facilement à faire de la parole un geste d’amour et de confiance qui apaiserait tout. Dans un dispositif scénique d’un esthétisme parfait, faisant de la vidéo un élément nécessaire et élégant, Fabio Marra a su tisser par sa belle écriture une histoire émouvante et profondément humaine dont on sort le cœur chaviré.

Recommandation :   5 cœurs

 

Ajouter un commentaire

Votre adresse email est uniquement visible par Culture-Tops pour vous répondre en privé si vous le souhaitez.

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Toujours à l'affiche