Anaïs Nin, une de ses vies

Quel gâchis !
De
Wendy Beckett
Mise en scène
Wendy Beckett
Avec
Célia Catalifo, Laurent d’Olce, Mathilde Libbrecht, Laurent Maurel.
Notre recommandation
2/5

Infos & réservation

Athénée, théâtre Louis-Jouvet
Sq. de l'Opéra Louis-Jouvet, 7 rue Boudreau - Salle Christian-Bérard
75009
Paris
01 53 05 19 19
ATTENTION: dernière, le 30 mars 2019

Thème

Paris dans les années 30. Anaïs (lointainement mariée à un banquier d’affaire) rencontre Henry avec lequel elle amorce une relation placée sous le signe du double jeu : littéraire et érotique. Puis survient June, l’épouse d’Henry, qui trouble le partage des rôles et la circulation du désir puisque c’est avec elle qu’Anaïs couche avant de s’offrir à Henry. Ce trio amoureux n’empêche pas Anaïs de nouer une autre relation complice et conflictuelle avec son psychanalyste qui l’aide à clarifier les sentiments qu’elle éprouve pour son père. Les tumultes de ces passions croisées et ambigües sont comme justifiés et renforcés par ce détour par la psychanalyse. Après le départ de June, Henry et Anaïs finissent par se séparer afin de pouvoir continuer leur travail d’écriture plus sereinement.

Points forts

- Le décor géométrique et quasi constructiviste est assez réussi et autorise des déplacements fluides et dynamiques.

- La valse des toilettes féminines chatoyantes est divertissante.

- Un éclairage étudié met en valeur l’esthétique des tableaux successifs.

Quelques réserves

- Il faudrait pouvoir faire la part de ce qui, dans le texte de Wendy Beckett, appartient à la correspondance entre Henry Miller et Anaïs Nin et de ce qui est de l’auteure. D’un fatras à la fausse sophistication, tissé de tautologies et de truismes, surgissent quelques lueurs, autour de la psychanalyse notamment, qui sauvent des instants de théâtre mais ne suffisent pas.

- L’insupportable minauderie de Célia Catalifo, qui parle sur un ton pénétré, sourit et bouge comme si elle était un être rare ou une poupée infiniment précieuse,  jusqu’au salut final, a quelque chose de suffocant.

- Les scènes érotiques chorégraphiées comme des ballets mais exécutées par des protagonistes qui ne sont pas des danseurs prêtent à sourire tant elles sont gauches, frisant la vulgarité ou le ridicule. Comme si l'amour entre ces deux femmes devait être beau et propre ; sexe virginal qui n'est plus vraiment du sexe - tout au contraire de l'aspect cru et charnel des textes de Miller et Nin.

Encore un mot...

Anaïs Nin, une de ses vies propose un théâtre prétentieux et lourd parce qu’il surjoue l’avant-garde et la modernité tandis que les comédiens se contentent de pitreries maniérées.  

Fallait-il vraiment après le film de Philip Kaufman en 1990 (Henry et June)  et la pièce de  Pascale Roger en 2005 (Henry Miller et Anaïs Nin, artistes de la vie) ressusciter  encore une fois les amours et le dialogue littéraire d’Henry Miller et Anaïs Nin ? Il n’est pas sûr que la littérature et le théâtre aient grand chose à gagner dans cette tentative. Les interrogations convenues sur l’identité (« je suis de multiples femmes » clame Anaïs, comme si c’était là une singularité digne d’être soulignée) et sur l’écriture et la place qu’elle occupe dans une vie d’artiste, sont déjà désolantes. Mais il y a plus grave : les considérations d’Anaïs Nin sur l’essence de La Femme et plus encore de la femme artiste et de L’Homme (qui réclame sa muse), sont plus que datées : elles appartiennent à son temps. Mais données ici, sans distance et sans ironie, elles servent une représentation naturalisée du genre féminin totalement insipide et dépassée. Et que dire de l’érotisation forcée de scènes qui miment avec une littéralité pénible les nouvelles érotiques d’Anaïs Nin ? In fine le public s’ennuie, tout simplement.

Une phrase

Ou plutôt deux:

« C’est seulement après avoir baisé qu’on est pur et chaste ».

« La passion se moque de la véritable identité de l’amant »

L'auteur

Auteure et metteure en scène australienne, Wendy Beckett, est une habituée de la mise en théâtre des biographies d’artistes. Elle a écrit plus de vingt-cinq pièces et en a mises en scène plus de quarante, tout en produisant  des pièces radiophoniques. Depuis 10 ans, elle crée et produit ses propres pièces. Elle a monté Claudel, de l’ascension à la chute  à l’Athénée Louis Jouvet en 2018 (avec Célia Catalifo également) où il s’agissait de « donner une voix à Camille Claudel, de parler directement à ses accusateurs ». 

Les pièces biographiques qu’elle a écrites et mises en scène autour d’Alma Mahler, Isadora Duncan, Tina Modotti (une amie de Frida Kahlo, photographe, révolutionnaire et meurtrière) ont pour ambition d’articuler thématiques psychologiques et questions politiques autour d’un portrait de femme.

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