Cavalières

La force poétique du présent indomptable
De
Isabelle Lafon
Mise en scène
Isabelle Lafon
Avec
Sarah Brannens, Karyll Elgrichi, Johanna Korthals Altes, Isabelle Lafon.
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Théâtre de La Colline
15 rue Malte-Brun
75020
Paris
01 44 62 52 52
Jusqu’au 31 mars 2024. Du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15H30

Thème

  • Denise est entraineuse de chevaux de course et travaille du matin au soir dans le milieu des champs de courses. Elle a été désignée il y a quelques années comme tutrice légale de Madeleine, une enfant avec un handicap (mais Denise n’aime pas employer ce mot). 

  • Denise a la chance d’habiter un grand espace et pense qu’il serait juste pour Madeleine d’être plusieurs à s’occuper d’elle. Elle diffuse donc une annonce pour chercher trois autres femmes, aux conditions suivantes :

    • avoir un rapport au cheval ;

    • s’occuper de Madeleine ;

    • ne pas apporter de meubles.

  • Quatre femmes d’âge et de milieu différents vont donc cohabiter ensemble dans cet espace vide et s’occuper tour à tour de Madeleine. Elles ne cherchent pas à créer de liens d’amitié entre elles, mais vont pourtant s’écrire, se raconter des histoires, et tenter d’ouvrir une brèche dans le quotidien. Ont-elles réellement la passion du cheval en commun ? Ou peut-être seulement le fait d’être toutes « cavalières » au sens d’avoir un côté impertinent, insolent et audacieux, et de monter rapidement sur « leurs grands chevaux. » Il faut apprendre à les apprivoiser, sans les brusquer.

  • Ce n’est pas un spectacle sur le cheval, mais des moments traversés par quatre femmes qui se retrouvent là, ensemble, un peu par hasard, et qui vont tenter d’habiter ensemble et d’élever ensemble Madeleine. Tout est incertain, tout est possible.

Points forts

  • Isabelle Lafon nous embarque toujours dans un univers très personnel, sans artifices, un plateau quasi nu, seules les comédiennes, leurs personnages, et les mots. 

  • Elle part toujours du doute, qu’elle a érigé en mode d’action. Elle ne sait pas forcément où elle va mais, entourée de ses comédiennes, elles y vont ! Et cette grande liberté de jeu, bien loin d’une continuité narrative classique, nous donne toujours l’impression de voir le récit s’inventer dans l’instant présent. Comme si les comédiennes se bousculaient, se laissaient se surprendre les unes les autres, se déroutaient, basculant toujours entre le personnage et la comédienne, d’un mot, d’un aparté, le seuil est franchi, et obligeant le spectateur à être pleinement présent, en alerte. 

  • Bien sûr, l’on sait tout le travail en amont mûrement réfléchi, mais c’est là toute la magie de son théâtre : être témoin de sa fragilité, de son doute et de son questionnement constant, et de voir avec quelle liberté elle avance, en acceptant ne pas savoir.

  • C’est un théâtre profondément humain, où le spectateur est toujours pris à partie, comme un confident, un ami avec qui se questionner, un miroir.
    Ici, la petite Madeleine, qui demandait à la fin de  Je pars sans moi 
    « Est-ce qu’on peut faire des erreurs dans les rêves ? » est le prétexte pour réunir ces quatre femmes. 

  • Au-delà du thème du “handicap“, qui est évoqué avec beaucoup de poésie et de délicatesse, c’est avant tout un questionnement sur le “vivre ensemble“. Comment vivre avec d’autres que soi, apprendre à connaître l’autre, le comprendre, l’accepter dans toutes ses différences et ses secrets. 

  • Le plateau est entièrement vide à l’exception de trois chaises, elles sont quatre et ne savent donc jamais comment s’installer, et d’un rayon de lumière qui parfois vient fendre l’obscurité et définir un espace. Et ce vide laisse libre cours à notre imagination : on voit l’écurie, les boxes des chevaux, le parcours d’obstacles… on imagine Madeleine. 

Quelques réserves

Aucune !

Encore un mot...

  • On ne sait pas exactement ce qui, dans les créations d’Isabelle Lafon, nous embarque de cette manière, et qui, sans qu’on s’en aperçoive, nous émeut et vient toucher un endroit au plus profond de notre âme. 

  • L’air de rien, de récits insolites, d’histoires du quotidien, on aime écouter ces quatre femmes, on rit de leurs travers, de leurs esprits revêches, on s’attendrit de leurs fragilités et de leurs blessures passées que l’on devine, et à la fin, à la toute fin avant que le noir ne tombe sur leurs visages et leurs voix, on se sent bouleversé. 

  • On a le sentiment d’avoir partagé intimement le temps présent avec elles. Et c’est bien là toute la force singulière du théâtre d’Isabelle Lafon, tout en légèreté, humour et délicatesse, elle dépasse la fiction pour nous emmener dans le réel du présent, et son imprévisibilité.

Une phrase

  • « Se lancer sans savoir, aller quelque part sans savoir où. »

  • « Ce qui définirait mieux le projet, c’est une phrase de mon amie Sophie Barreau, grande cavalière et chercheuse-éthologue, qui m’écrit : “L’art équestre permet une chose assez unique, être animal au moins pour une moitié, former une pendule faite de deux branches, l’une humaine l’autre non humaine qui accordent leur équilibre l’une à l’autre et offre par ce partage une sensorialité infinie.“ » (Lettre d’Isabelle Lafon)

L'auteur

  • Isabelle Lafon est une autrice, comédienne et metteuse en scène d’origine roumaine, qui s’est formée dans les années 1970 aux ateliers d’Antoine Vittez et de Madeleine Marion. 

  • En 2002 elle commence sa carrière de metteuse en scène avec l’adaptation du livre de Jean Hatzfeld Dans le nu de la vie. Récits de marais Rwandais au théâtre de la Villette.

  • Elle créée sa compagnie en 2007 - Les Merveilleuses - et monte de nombreuses pièces. En 2016 elle est artiste associée au Théâtre de la Colline, où elle joue depuis ces créations. En parallèle, elle transmet son expérience du jeu via de nombreux ateliers, destinés à des publics amateur ou professionnel, notamment au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique, à l’école du théâtre national de Bretagne, à l’Académie Fratellini, ou encore à la maison des Métallos.

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