C’est pas facile d’être heureux quand on va mal

Une revigorante comédie de mœurs sur nos dilemmes contemporains
De
Rudy Milstein
Durée : 1h45
Mise en scène
Nicolas Lumbreras et Rudy Milstein
Avec
Zoé Bruneau, Nicolas Lumbreras et Rudy Milstein, Baya Rehaz, Erwan Téréné.Zoé Bruneau, Nicolas Lumbreras et Rudy Milstein, Baya Rehaz, Erwan Téréné.
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre Lepic
1, avenue Junot
75018
Paris
01 42 54 15 12
Jusqu’au 14 juillet 2024. Du mercredi au samedi à 21h, le dimanche à 15h.

Thème

  • La pièce nous propose un panel représentatif des malheurs pouvant frapper les “bobos“ entre 25 et 40 ans : 

    • Nora (libraire exaspérée par ses clients) décide de quitter Jonathan (psychanalyste, issu d’une famille décimée par la Shoah, et pour cette raison affecté de névroses à retardement) après huit ans de vie de couple;

    • Jeanne, enseignante et célibataire, se découvre un cancer ;

    • Timothée, éternel thésard en linguistique et plume d’un député pour des raisons alimentaires, est tragiquement autocentré ;
      A ces trois amis vient s’ajouter Maxime, l’un des patients de Jonathan et amant éphémère de Timothée. Titulaire d’un master en éco-gestion, Maxime échoue à la caisse d’un musée et enchaîne les relations sans lendemain avec des hommes pour qui il a de plus en plus conscience de servir de « paillasson. »

  • Tout ce petit monde tente de se “dépatouiller“ dans des situations et des dilemmes aussi variés que caractéristiques de l’air du temps.

Points forts

  • Les dialogues écrits par Rudy Milstein, sont aux petits oignons : ils visent juste et tapent fort. Aucun temps mort ici (alors que le spectacle dépasse l’heure et demie) : les répliques fusent et les réparties se débitent parfois au rythme des “Frères ennemis“ (duo célèbre des années 1970). 

  • Chacun des personnages est également pourvu en bons mots, qui sont servis par des comédiens très affûtés, avec une mention spéciale pour Nicolas Lumbreras - sosie de l’un des frères Mael (pianiste lui aussi, mais des Sparks) tirant vers Gérard Desarthe (on lui souhaite la même réussite) - et pour Zoé Bruneau avec son interprétation tout en contrastes.  

  • Des moments d’anthologie traversent la pièce : 

    • un mambo endiablé - entre deux enfants de rescapés de la Shoah - scandé par  “Bergen-Belsen / Sachsenhausen“ (ce qui, au passage, administre la preuve que l’on peut faire rire de tout, à condition de le faire intelligemment) ;

    • le monologue de Jeanne, soudain libérée de ses multiples empêchements ;

    • la séance de Maxime chez son analyste (Jonathan) est du plus haut comique, sans être dépourvue de toute signification. 

  • L’idée de décors – des formes détourées et stylisées se succédant par défilement sur le fond noir de l’arrière-scène – est fort judicieuse, et en suggère beaucoup sans en rajouter trop. Le meuble central - pouvant aussi bien faire bar que divan d’analyse - relève de la même économie de moyens particulièrement astucieuse.

Quelques réserves

  • Une petite, lors du prologue, au cours duquel les comédiens sur scène accompagnent l’installation du public avec des chansons interprétées correctement par le duo Lumbreras (piano) - Téréné (chant), mais il est ponctué de dilemmes un peu faiblards. Comme cette entrée en matière n’est pas du tout au niveau de ce qui suit, elle peut laisser une première impression mitigée.  

  • Mais cela n’altère que peu (ou très momentanément) l’excellent et réjouissant moment passé en compagnie de cette troupe et de la pièce qu’elle porte avec brio.

Encore un mot...

  • Qu’on ne s’y trompe pas : les dilemmes dont il est question ne sont pas ceux des seuls bobos parisiens, ils peuvent concerner l’ensemble des citadins de 25 à 40 ans, de sorte que la pièce parlera à un public assez large dans toutes les grandes villes de l’Hexagone, et même au-delà…

  • Le soir où nous avons assisté à la représentation, un mois et demi après la première, la salle du si joli théâtre Lepic était comble, c’est un signe qui ne trompe pas…

Une phrase

  • Jonathan [nous prenant tous à témoin] : «  Ce qui est dur dans la vie de couple, c’est que tu dois t’intéresser à quelqu’un que tu trouves moins intéressant que toi… »

  • Jeanne [annonçant à Nora son cancer] : « J’me suis fait chier à faire du yoga, et ça sert à rien ! »

  • Timothée [se présentant à Maxime]: « J’écris des discours pour un homme politique : je suis un auteur, je fais des fictions… » 

L'auteur

  • Rudy Milstein est d’abord comédien (depuis ses 13 ans), mais aussi acteur (Les Grâcieuses, Mon combatLes cobayes, Lolo, Embrasse-moi !) et même réalisateur (pour Je ne suis pas un héros, 2023).

  • Scénariste, il a écrit dès 2012 un Seul en scène (Les Malheurs de Rudy) et en 2015 la pièce J’aime Valentine. Mais bon… Dans C’est pas facile d’être heureux quand on va mal, il assure l’écriture et la mise en scène de la pièce, ainsi que le rôle de Maxime.

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