Ceux qui se sont évaporés

Exercer un droit à l’absence
De
Rébecca Déraspe
DUREE : 1H45
Mise en scène
Fabian Chappuis
Avec
Elisabeth Ventura, Chloé Ploton, Anne Coutureau, Laurent d’Olce, Olivier Martial, Camille de Sablet, Benjamin Penamaria
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre de Belleville
16 Passage Piver
75011
Paris
01.48.06.72.34
Du 4 au 27 février. Dimanche à 17H. Lundi à 21H15. Mardi 21H15

Thème

  • Emma est partie sans laisser de trace. Cette jeune femme, tout à la fois mère, conjointe, fille, et amie, menait jusqu’à présent une vie « normale. »
  • Ses proches cherchent à comprendre les causes de la disparition de cette trentenaire.

Points forts

  • Une mise en scène sobre qui a su d’adapter à une écriture fragmentée et chaotique comme l’exige le sujet.
  • Une mise en lumière exigeante, qui caresse les univers troubles des pensées des personnages qui se déchirent.
  • Une interprétation naturaliste qui frappe l’émotion du spectateur dans ce qui touche le plus près à son intimité. L’équipe de comédiens nous emporte dans ce drame à la langue aussi complexe que fluide, au mouvement parfois mécanique, parfois lancinant. Des incarnations fortes, réalistes et quelque fois avec un brin de poésie sombre. 
  • L’ensemble est soutenu par la composition musicale de Cyril Romoli, qui signe ici une belle partition.

Quelques réserves

  • Une petite longueur d’écriture qui, en raison de sa forme répétitive, n’apporte pas plus d’intensité à une pièce déjà chargée.

Encore un mot...

  • Renoncer à soi et aux autres, disparaître sans laisser de trace car il n’y a plus d’autres moyens d’être au monde… une décision ou une opportunité qui laisse l(es)’autre(s) en proie au vide. C’est cette sensation de vide plus que d’incompréhension qui traverse cette mise en abîme d’un entourage au bord d’un précipice qui s’ouvre sous ses pieds sans aucune raison.
  • S’évaporer plutôt que disparaître, c’est laisser flotter une présence qui ne permet pas de faire un deuil. C’est plus pernicieux que brutal, c’est admettre qu’on avait « peut-être vu », « peut-être cru », mais pas compris. On cherche à saisir le parcours d’Emma, qui progressivement se dématérialise à coups de renoncements, d’effacements, de lâcheté peut-être, de fatigue sûrement. 
  • Fabian Chapuis s’empare du texte de Rébecca Déraspe avec un mélange de délicatesse et de force qui nous ébranle dans nos certitudes. Il nous rend cette femme si proche nos univers intimes et de ses questionnements qu’on se retrouve percuté dans nos certitudes de vies bien rangées, bien ordonnées. Pourrions-nous disparaître nous-mêmes ? Saurions-nous échapper volontairement à nous-mêmes et à ce monde formaté qui nous entoure, nous rassure ? Sommes-nous des fantômes en puissance qui n’osons pas dire, et traversons des instants de vie où nous préférons taire qui nous sommes vraiment, plutôt que d’oser nous extraire ne serait-ce qu’un moment de notre ordinaire quotidien. S’échapper un moment ?

Une phrase

TOUS : « Pour réussir sa disparition. Tout préparer méthodiquement. Tout orchestrer avec maturité  Ne rien précipiter. Prendre le temps. Accumuler un montant d’argent raisonnable. Choisir un endroit où refaire la mise en scène de sa propre vie. S’informer de façon approfondie sur cet endroit Casser/broyer/rompre doucement les relations avec les proches. Répondre furtivement aux questions quotidiennes de l’entourage. Signifier banalement aux gens qui nous entourent que quelque chose se tord en nous . (…) Important de savoir qui on est. Pour savoir ce que l’on refuse d’être à l’avenir. »
[…]
EMMA : « Mon conjoint pis moi, on est invités chez mes parents pour célébrer Nina. Mes parents aiment bien mon conjoint C’est un homme normal, mon conjoint - Il fait les choses comme les autres font les choses. Être au monde et en profiter est une responsabilité qui lui échappe. Il ne fait rien qui soit anormal. […] Il ne couche pas avec une prostituée pour le plaisir. S’il le fait, il le fait parce qu’il est malheureux sexuellement. Il ne crache pas sur les itinérants par pure malice, s’il le fait, il le fait pour répliquer à une insulte. Il ne vote pas à droite s’il le fait, il le fait pour protester contre la gauche qui comprend rien aux vrais problèmes. L’homme normal. L’homme normal, c’est lui . »
[…] 
LA MÈRE : « Vous êtes en retard ! Qu’est-ce qui s’est passé ? Le trafic ? Ça doit être le trafic. T’as l’air fatiguée ma fille. Vous allez bien ? Comment tu vas ma fille ? 
EMMA : Je sais pas maman…
LA MÈRE : Fais pas cet air là. J’ai le droit de demander à ma fille comment elle va.
EMMA : Je sais pas comment je vais. 
LA MÈRE : Comment ça, “tu sais pas“ ? On est sensé le savoir à ta place ? 
EMMA : Pas du tout, je vais très bien merci
LA MÈRE : Bon ! J’aime mieux ça. »

L'auteur

  • Rébecca Déraspe a complété le programme d’écriture dramatique de l’École Nationale de Théâtre du Canada en mai 2010. Elle est l’autrice de plusieurs pièces jouées et traduites à travers le monde, dont Deux ans de votre vie, Plus que toi, Peau d’ours, Gamètes, Nino, Je suis William, Le merveilleux voyage de Réal de Montréal, Partout ailleurs, Nos petits doigts, Faire la leçon, Ceux qui se sont évaporés, Fanny
  • Elle est aussi autrice en résidence au Théâtre la Licorne. Elle a remporté le prix Michel-Tremblay en 2020 pour sa pièce Ceux qui se sont évaporés, le prix de la critique “meilleur spectacle jeune public 2018“ et le prix Louise-Lahaye pour sa pièce Je suis William, celui du meilleur texte dramatique Montréal 2017 pour sa pièce Gamètes, et le prix BMO auteur dramatique 2010 pour sa pièce Deux ans de votre vie
  • Rébecca Déraspe travaille actuellement à l’écriture (en collaboration avec Annick Lefebvre) de la pièce Les filles du Saint-Laurent. Sa pièce Fanny fut présentée à la Comé- die de Reims et au Théâtre Ouvert en 2021-2022 par la O’Brother Company, dans une mise en scène de Rémy Barché, et avec l’aide à la création ARTCENA. 
  • Elle anime et écrit Le lexique de la polémique, série diffusée à Savoir Média. 

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