Depois do silencio (Après le silence)

Brésil supplicié, verdict partagé
De
Christiane Jatahy
Mise en scène
Christiane Jatahy
Avec
Aduni Guedes, Gal Pereira, Lian Gaia et Juliana França
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Centquatre-Paris (avec l'Odéon)
5 rue Curial
75019
Paris
01 53 35 50 00
Jusqu'au 16 décembre. Du mardi, au jeudi, 20h, vendredis et samedis 19h, dimanche 18h.

Thème

  • Paraissant donner une conférence ou ouvrir un meeting, deux jeunes femmes, interprétées par des actrices afro-brésiliennes et indigènes, racontent l’histoire d’un Brésil, qui a fait jadis venir d’Afrique quatre millions d’esclaves, et qui perpétue aujourd’hui un système raciste à l’encontre des descendants d’esclaves comme des indigènes. 
  • Puis le plateau s’anime : sur trois écrans à l’arrière scène sont projetés des extraits de Cabra marcado para morrer (Un homme marqué par la mort) d’Eduardo Coutinho, un film documentaire de 1984 qui reconstitue les événements ayant conduit à l’assassinat du leader d’un syndicat paysan dans les années 1960.
  • Ces images en noir et blanc sont suivies par un autre film - en écho et en dialogue avec les jeunes femmes elles-mêmes actrices du documentaire - et accompagné par le travail subtil du percussionniste Aduni Guedes, et qui nous parle des communautés rurales de l’État de Bahia.
  • Ici est le berceau du mouvement des Sans-terre, qui revendique le droit à la propriété, et dont Lula fut le leader. Le film montre la vie de ces “sans terres“, leurs fêtes, leurs joies et leurs drames.

Points forts

  • Le propos - conter ici l’histoire et l’actualité de ce Brésil largement supplicié - est passionnant. On aimerait en apprendre encore plus, pénétrer davantage dans le quotidien de ces populations du Nordeste et dans leurs luttes. 
  • Ces histoires-là méritent d’être racontées, et Christiane Jatahy accomplit ici une œuvre politiquement indispensable.

Quelques réserves

  • C’est précisément cette duplication ou mise en abîme - la porosité revendiquée entre réalité et fiction, documentaire et récit - qui peut sembler formelle et n’emporte pas forcément l’adhésion. 
    En effet, que pèse l’assassinat fictionnel, au regard de celui bien réel de tant d’activistes d’Amérique du sud, et singulièrement du syndicaliste agricole João Pedro Teixeira en 1962 ? Pourquoi fallait-il doubler cette réalité-là d’une fiction ?
  • On comprend l’intention : inventer un langage neuf – mais les expériences théâtrales de ce type qui en effet permettent de métaboliser une situation politique - ne sont pas nouvelles. Donner une voix aux oubliés de l’histoire et aux exclus de la prospérité, réparer l’injustice en rompant le silence, l’objectif est séduisant. Mais le résultat est plutôt décevant, et l’on attend en vain que quelque chose se passe au milieu de ce bruit et de cette fureur.
  • L’on éprouve même parfois comme un malaise devant cette anthropologie spectacularisée, comme au moment de la transe finale, jouée donc mais dont le spectateur peut raisonnablement se demander pendant un moment si elle n’est pas réelle. Alors il se sent, peut-être à tort, voyeur.

Encore un mot...

Ce patchwork mélangeant théâtre et cinéma (marque de fabrique de l'artiste), documentaire et fiction, diatribes politiques et transe poétique, coloré de réalisme magique constitue une tentative intéressante et assez nouvelle d’écrire l’histoire et de dire l’actualité autrement.

Une phrase

« Je ne te l’ai jamais dit, mais quand j’ai touché son corps il respirait encore. »

L'auteur

  • Christiane Jatahy est née au Brésil. Aimant à confronter différents genres artistiques, elle interroge avec ses pièces les frontières entre réalité et fiction, acteur et personnage, théâtre et cinéma. 
  • Depois do silencio rassemble des éléments du premier roman du géographe Itamar Vieira Junior Torto Arado (La Charrue tordue, 2019). C’est l'histoire d'une famille du Chapada Diamantina confrontée à la violence et à l'injustice, et un documentaire au long cours (achevé en 1984) Cabra marcado para morrer d'Eduardo Couthino. Il compose le dernier volet de sa “Trilogie de l'horreur“, qui dénonce les injustices subies par la communauté noire du Brésil. 

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