Douce amère

A voir, pour Michel Fau
De
Jean Poiret
Mise en scène
Michel Fau
Avec
Mélanie Doutey, Michel Fau, David Kammenos, Christophe Paou, Rémy Laquittant
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Bouffes Parisiens
4 rue Monsigny
75002
Paris
+33142969242
Jusqu'au 22 avril, à 21h; Dimanche à 15h

Thème

Années 1970. Elisabeth et Philippe se sont aimés intensément. Huit années sont passées et l’usure du temps a fait son œuvre. Elle rêve de liberté. Lui, trop intelligent pour ne pas se sentir délaissé, organise paradoxalement le jeu dangereux de placer sur la route de sa femme, des postulants éventuels pour le remplacer. Elle va se sentir de plus en plus libre, d’autant que Philippe, qui l’aime toujours, s’est éloigné, pour jouer un manège sentimental de femme libérée et fière de l'être. Parviendra-t-elle à assumer véritablement cette liberté choisie et voulue, et à quel prix ?

Points forts

1- Michel Fau est éblouissant, dans le rôle créé en 1970 par Jean Poiret lui-même, lequel avait soigné sa partition ; car c’en est une indéniablement. Une écriture brillante, un peu bavarde certes, mais avec cette dérision, cet humour parfois grinçant qui le caractérise. 

Michel Fau est souvent irrésistible de drôlerie, mais ce qui est le plus extraordinaire, ce sont les contre-chants qui dévoilent, en de courts instants, la fêlure du personnage. Ces moments presque subliminaux, ce regard qui échappe à la brillance de ce qui est dit, une respiration qui ressemble à un soupir, un sourire qui se fige, tous ces infinis détails qui montrent à quel point Michel Fau s’est approprié le rôle. C’est du très grand art.

2- Mélanie Doutey a la grâce du personnage. J’espère qu’au fil des représentations, elle va  trouver cette  énergie intellectuelle qui lui manque encore dans ses rapports avec Michel Fau. Cette force qu'elle retrouve auprès des autres partenaires qu’elle s’octroie, pour choisir l’homme qui, après son époux, saura convenir à ses aspirations. Mais sait-elle véritablement ce qu’elle veut ? 

3- Je ne veux pas ici indiquer comment ce périple sentimental se termine. Mais c’est une sorte de leçon complexe sur le couple et surtout la difficulté d’être un homme dans le regard d’une femme, et inversement.

Quelques réserves

Jean Poiret s’attaque ici à un registre qui n’est pas le sien et c’est toujours dangereux pour un auteur. Il était célèbre  à l’époque par ses films, (il avait même tourné avec Guitry), ses duos avec Michel Serrault, par les immenses succès de ses pièces comiques. Or, il se lance ici dans une réflexion à la fois drôle et mélancolique, voire métaphysique, sur le couple. J'ai l'impression que, très respectueux, Michel Fau n'a pas osé couper dans le texte. Peut-être eût-il été préférable de le faire, car au temps de la création (1970), les pièces étaient plus longues- ceci étant, la critique d’alors ne se montra pas tendre- et l’esprit des spectateurs s’est aujourd’hui habitué à des durées plus courtes. On reste captivé tant que Michel Fau est en scène, mais, hélas, il en sort ; et les autres personnages masculins sont indéniablement plus faibles.

Encore un mot...

J’ai été particulièrement touchée par ce que parvient à faire Michel Fau sur un texte si difficile, lequel n’est pas sans évoquer Sacha Guitry, qui mettait sa vie en scène, avec parfois un peu d’avance. J’ai pensé un instant à « Jean de La Fontaine ». Subjectivité…

Comment oublier qu’au même moment, Françoise Dorin, la talentueuse épouse de Jean Poiret (ils étaient déjà séparés) triomphait avec une comédie de caractère particulièrement  brillante, « Un sale Egoïste », au Théâtre Antoine. 

Le public, qui attendait de Jean Poiret une pièce véritablement comique, fut dérouté par cet aspect  intellectuel et théorique de "Douce Amère", aspect dont rêvait aussi Jean Poiret, l'écorché vif, en dépit des apparences.

Une phrase

« (…) Michel : Je ne suis pas l’amant d’Elisabeth.

Philippe : Je le crois volontiers. Ce n’en est que plus grave.

Michel : « Grave », dans votre bouche ?

Philippe : Pardon, c’est un lapsus. Je voulais dire : ce n’en est pas plus réjouissant. Souhaitez-vous l’être ?

Michel : Quoi ?

Philippe : Son amant.

Michel : Je n’aime pas le cours que prend notre dialogue.

Philippe : Parce que vous vous faîtes une idée fausse de mes intentions. Je ne suis pas complaisant. J’essaie de définir à quoi je vais devoir faire face. Je ne veux pas que la surprise me laisse sur le flanc.

Michel : Alors ?

Philippe : Alors, je regarde le danger : vous ! Je le contemple.

Michel : Oui ?

Philippe : Je pense que vous êtes inévitable, au stade où en est notre couple.

Michel : Ma position est difficile, convenez-en.

Philippe : C’est la meilleure, faîtes-moi confiance.

Michel : Je crois que dans votre désir de conserver le contrôle, vous brûlez les étapes. Depuis un mois et demi que nous nous connaissons, Elisabeth ne s’est jamais jetée à ma tête.

Philippe : Si Elisabeth s’était jetée à votre tête, nous ne serions pas ici, vous et moi, à parler, et je serais l’homme le plus détendu du monde.

Michel : Vous n’êtes pas détendu ?

Philippe : Vous êtes mon antidote, comprenez-vous : une force tranquille.

Michel : Oh ! Tranquille !!

Philippe : Je n’ai pas dit qu’elle excluait la sensibilité. Moi je suis une force agitée. Une série de forces, si vous préférez ; alors une femme ne sait jamais sur laquelle s’appuyer. »

L'auteur

Jean Poiret (1926-1992) n’a jamais rêvé que Théâtre. Le cabaret fut sa meilleure école. Tout jeune il débute chez René Dorin, le père de sa future épouse avec laquelle il aura une fille, Sylvie, qui sera aussi son assistante.  Vient sa rencontre avec Michel Serrault. Les comédies hilarantes, la télévision. En 1970, « Douce amère », modifie les codes et désarçonne un peu son public. Il reprend l’écriture, grâce à son amour pour la musique, d’un grand spectacle musical, « Il était une fois l’opérette ».( Il y en aura d’autres. Impossible ici de tout citer). 

Le triomphe arrive en février 1973 avec « La Cage aux folles », spectacles qui battra tous les records, adapté en comédie musicale, avec plusieurs versions cinématographiques. Il enchaîne avec « Féfé de Broadway » et son amie de toujours Jacqueline Maillan, au moins aussi traqueuse de lui. Il tourne pour le cinéma avec Truffaut dans le célèbre « Dernier métro », devient un subtil et sarcastique « Inspecteur Lavardin ». Il retournera aussi avec Mocky, puis évolue dans son style de comédie avec l’explosion de « Joyeuses Pâques » où le couple a vieilli et la situation nouvelle change la perspective ; l’idée est magnifique, Pâcome et lui sont irrésistibles. Là encore, il y aura un film consécrateur avec Belmondo.

En dépit de ses succès, de son nouvel amour abouti avec Caroline Cellier, cet angoissé permanent, malgré la réussite de tout ce qu’il entreprend, des adaptations de Feydeau où il triomphe encore, demeure toujours anxieux. Sa dernière pièce «  Les clients », est plus mélancolique. Il met en scène une comédie dans le même registre, signée Pierre Etaix ;  Il va aller jusqu’à la réalisation d’un film : « Le Zèbre », avec Caroline Cellier. Puis, son grand cœur toujours généreux, toujours paniqué, va craquer. 

Il était exceptionnellement doué mais avouait à un journaliste ces mots très révélateurs :

«  ... La feuille de papier dans la journée, la salle de 800 places tous les soirs, c’est angoissant. On pense que ce métier se fait dans la légèreté, mais plus j’avance dans la vie, plus je pense que c’est une épreuve sportive (...) quand je rentre en scène, j’ai le même trac qu’au soir de la Première, car le public est toujours neuf, Imaginez qu’il ne rit pas où je l’attends...Tout à coup, la disgrâce... C’est toujours possible ! » 

Sa mort fut un choc pour tous ceux qui l’aimaient. Jacqueline Maillan ne tardera pas à le suivre.

Commentaires

claire
sam 10/02/2018 - 17:04

pièce ennuyeuse, verbeuse et mal jouée
bref à éviter ABSOLUMENT

Nirschl
jeu 15/03/2018 - 01:03

Pas du tout.
Pièce magnifique extrêmement bien jouée!!

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