La campagne

Accroche Un théâtre d’ombres qui tourne au thriller
De
Martin Crimp
Adaptation : Philippe Djian
Durée : 1h20
Mise en scène
Sylvain Maurice
Avec
Isabelle Carré, Yannick Choirat en alternance avec Emmanuel Noblet et Manon Clavel
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

La Scala
13, boulevard de Strasbourg
75010
Paris
01 40 03 44 30
Du 13 mai au 18 juin, du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 17h

Thème

  • Richard, médecin généraliste, et sa femme Corinne ont fui la ville pour s’installer à la campagne. S’ils semblent y avoir trouvé la paix et la tranquillité loin du bruit et de la fureur londoniens, on sent rapidement poindre quelque ombre sur cette  atmosphère bucolique. On se croirait chez Pinter …
  • Un soir, Richard secourt une femme qu’il dit avoir trouvé inconsciente sur la route. Alors qu’elle dort encore, une vive discussion s’engage entre lui et sa femme sur la présence de cette inconnue dans leur maison.
  • Car Corinne a des doutes sur la version de Richard, elle le questionne et le pousse dans ses retranchements, faisant petit à petit apparaitre des incohérences dans son récit.
  • Les failles s’élargissent pour devenir des déchirures, au fur et à mesure de la résurgence des secrets lointains. Le doute s’installe. Une fois réveillée, l’inconnue va faire voler en éclat le fragile équilibre du couple.

Points forts

  • Dès les premiers échanges, le trouble naît entre le mari et sa femme. La conversation, en apparence anodine, laisse la place à une gêne que le dramaturge distille comme un venin qui se diffuse inexorablement. 
  • On bascule rapidement de la comédie de mœurs au thriller au rythme des questions de Corinne et des versions différentes que Richard apporte comme réponses : qui est cette femme ? La connaissait-il ? Richard a-t-il réellement laissé un mourir un vieil homme, faute de soins ? Quel rôle Morris, à la fois ami du couple et superviseur du médecin, joue-t-il dans cette histoire ?
  • On reconnaît le style de Philippe Djian dans l’adaptation du texte original et sa capacité à créer un malaise persistant à partir d’une situation ordinaire, qui fournit la trame de ses derniers romans. Le malaise naît de ces “petits riens“ qui accouchent d’une situation nouvelle – à la fois inattendue et inévitable – à laquelle sont confrontés ses personnages et qui va les amener à infléchir le cours de leur existence. Les dialogues mettent avec finesse et acuité la pièce sous tension, les échanges constituent des attaques-défenses, la pièce devient un jeu de massacre. Mais à la fin, rien n’est résolu.
  • Isabelle Carré se révèle fragile et forte à la fois. Dominée au début de la pièce, elle trouve ensuite de la force face à ce mari qui lui ment, la fuit et la trompe, grâce à une palette de sentiments qui la rendent profondément émouvante. A ses côtés, Manon Clavel est la révélation de La Campagne. Elle apporte à son personnage une ironie et une cruauté, un côté sombre et vénéneux qui en font un personnage ébranlé, instable et contradictoire dans cet étrange trio.
  • Les trois comédiens évoluent dans un décor épuré, aussi vide que la vie de ce couple, dans un dispositif scénique millimétré. Il est uniquement constitué d’un écran lumineux qui change de tonalité selon les atmosphères et d’une immense table, autour et sur laquelle ils tentent de trouver leur place dans un mouvement ininterrompu.

Quelques réserves

  • Aucune.

Encore un mot...

  • « Le couple, pour Crimp, peut représenter, dans cette pièce en tous cas, le début d’une forme de totalitarisme : le grand thème “crimpien“ est, selon moi, la perversion, et cela n’est que suggéré, et on doit la mettre en scène avec discrétion, mais le langage crimpien a cette vertu de lectures ouvertes et multiples. » (Sylvain Maurice, le metteur en scène).

Une phrase

Corinne : « Cette personne … est-ce qu’elle dort, quand est-ce qu’elle va se réveiller ? Pourquoi l’as-tu amené ici ?
Richard : Bah, c’est mon métier de l’amener ici.
Corinne : C’est ton métier d’amener une inconnue au milieu de la nuit dans notre maison ?
Richard : C’est comme cela que je le vois. »

L'auteur

  • Martin Crimp, né en 1956, commence à écrire pour le théâtre dans les années 1980. Il a écrit plus de quinze pièces, qui sont aujourd’hui traduites et jouées dans de nombreux pays européens et lui ont valu plusieurs récompenses.
  • Il est également musicien professionnel (piano et clavecin) et écrit également des livrets d’opéra.

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