La Cerisaie

Tout est remarquable, sauf la traduction
De
Anton Tchekhov
Mise en scène
Christian Benedetti
Avec
Antoine Amblard,Brigitte Barilley, Christian Benedetti, Nicolas Buchoux, Christophe Carotenuto, Philippe Crubézy, Philippe Lebas, Jean-Pierre Moulin, Lise Quet, Alix Riemer, Hélène Stadnicki, Hélène Vivies
Recommandation

Mais dommage que la traduction ne soit pas à la hauteur du spectacle.

Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre du Soleil
Cartoucherie de Vincennes
75012
Paris
0143742408
ATTENTION: dernière représentation, le 14 février

Thème

Quand Tcheckhov entreprend l’écriture de « la Cerisaie », il souffre le martyre et il est près de la fin. Malgré son déplorable état de santé  et sa faiblesse extrême, il ne va pas dévier de sa ligne d’écriture habituelle. Sa pièce en quatre actes ne comporte pas, ou presque, d’action. Pas de véritable intrigue non plus, juste une succession de tableaux dont l’atmosphère varie en fonction de l’état d’âme des personnages. 

En fait, le principal protagoniste de la pièce, et qui lui donne son titre, c’est « La Cerisaie », une propriété au charme incomparable, mais que ses propriétaires vont devoir vendre, faute de s’être souciés de sa rentabilité. Parce qu’elle marque la fin d’une époque (le déclin d’une aristocratie insouciante au profit de l’avènement d’une bourgeoisie marchande), cette vente va imprimer à l’œuvre une vraie mélancolie, même si ses personnages  ( les propriétaires,  leur famille et leurs domestiques) dansent, rient  et font des projets d’avenir.

Tchekhov disait avoir écrit une comédie. Il n’empêche : la pièce s’achève par le déménagement de la demeure familiale, rendu plus déchirant  encore par le fait que le vieux serviteur de toujours sera oublié à l’intérieur de la maison pour y mourir. Tandis qu’on entend un bruit de hache signifiant le début de l’abattage des cerisiers…

Points forts

- Le charme même de la pièce, d’abord. Il court à travers ses lignes une mélancolie joyeuse, une insouciance affichée qui bouleverse d’autant plus qu’on ne sait pas vers quel destin courent les personnages. Et puis, il y a cette Cerisaie qu’on imagine en fleurs et où chantent les oiseaux. Comme une image d’un paradis perdu…

 - La mise en scène, ensuite. Christian Benedetti a voulu respecter l’esprit dans lequel Tchekhov souhaitait qu’on interprète sa pièce. Sans artifice, sans décor imposant, et avec du rythme. « L’acte IV doit être joué en temps réel » avait demandé l’auteur. Il dure donc ici une vingtaine de minutes.

Cette vivacité d’exécution donne à la représentation une tonalité qui évoque la comédie. Tonalité accentuée par le fait que les comédiens jouent plus l’insouciance et l’optimisme que (comme souvent) le déchirement et la résignation… Et cela, sans gommer le sentiment de nostalgie qui sourd de la pièce. Quel bel exercice d’équilibre !!!

- Les interprètes (Antoine Amblard,Brigitte Barilley, Christian Benedetti, Nicolas Buchoux, Christophe Carotenuto, Philippe Crubézy, Philippe Lebas, Jean-Pierre Moulin, Lise Quet, Alix Riemer, Hélène Stadnicki, Hélène Vivies) enfin. Ils jouent tous, très bien, dans la même direction.

Quelques réserves

Peut-être la traduction. Certes,  exception faite de Firs ( le vieux  domestique  condamné à mourir dans la maison ), les acteurs jouent dans  des costumes d’aujourd’hui. Mais on aurait aimé un langage moins  contemporain, moins trivial.

Encore un mot...

On ne se lasse pas de cette pièce  qui demanda  beaucoup d’efforts à son auteur, alors proche de la mort. On ne s’en lasse pas parce que, dans le même élan d’écriture, elle est à la fois comédie et tragédie. Elle annonce, dans une gaité qu’on sent quand même un peu forcée, la naissance d’un monde nouveau, fiévreux, enthousiasmant, et en même temps elle distille une nostalgie bouleversante, inhérente à son thème même : la destruction d’un domaine et de sa cerisaie, comme le symbole de la fin d’une époque faite d’insouciance et de plaisirs. Lorsqu’elle est jouée, il faut évidemment que « La Cerisaie » donne tout cela à entendre. C’est le cas de cette mise en scène, à la fois vive et déchirante.

L'auteur

Né en 1860 en Crimée, décédé des suites d’une grave tuberculose quarante-quatre ans plus tard dans la ville thermale allemande de Badenweiler, Anton Pavlovitch Tchekhov est l’un des écrivains russes les plus emblématiques de son temps. A l’étranger, il est essentiellement connu  pour ses nouvelles et ses pièces de théâtre. 

Est-ce parce que parallèlement à ses travaux d’écriture, il exerça des activités de médecin? En tous cas, c’est l’Homme qui est principalement au cœur de son œuvre. L’Homme et ses tourments, l’Homme et ses désespérances, l’Homme et sa capacité à espérer, l’Homme dans toute sa grandeur et dans toute sa misère. 

Et puis bien sûr, il s’échappe aussi de chacune des pages de cet écrivain à la fois enchanteur et désenchanté, l’âme de cette  Russie d’avant la Révolution, faite d’un mélange de joie et de mélancolie, de rébellion et de soumission.

Parmi les pièces les plus connues du dramaturge, «  La Mouette » ( 1896 ), « Oncle Vania » (1897), « Les trois sœurs » (1901) et « La Cerisaie » ,  publiée l’année de sa mort, en1904.

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