LA DAME DE CHEZ MAXIM

CETTE DAME D'AUTREFOIS NOUS MET TOUJOURS EN JOIE
De
Georges Feydeau
Musique : de et avec Reinhardt Wagner
Mise en scène
Zabou Breitman
Avec
Léa Drucker, André Marcon, Micha Lescot, Anne Rotger, et Christophe Paou, Ghislain Decléty, Eric Prat, Valérian Béhar-Bonnet, Philippe Caulier, Solal Forte, Philippe Cauler, Constance Guiouillier, Damien Sobierat, Pierre Antoine Lenfant, Pier-Nicolo Sasse
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

THEATRE DE LA PORTE SAINT MARTIN
18 boulevard Saint Martin
75010
Paris
01 42 08 00 32
Jusqu'au 31 décembre, du mardi au vendredi à 20h, le samedi à 20h30, le dimanche à 16h

Thème

"Et allez donc, c'est pas mon père !": c'est le gimmick qui ponctue chaque scène un peu ollé -ollé de "la Dame de chez Maxim"... autrement dit, et c'est bien mignon, chaque entrechat, genre French Cancan de la gent féminine, qui anime le vaudeville de Feydeau du début à la fin. Le ton est donné : enlevé, enjoué, pétillant et sans malice. "La Dame" c'est le parfait prototype, mais peut être pas le plus original de Feydeau,  d'une mécanique installée pour faire naître un comique instantané à partir d'une situation improbable et inextricable où s'enchevêtrent quiproquos, malentendus, petits mensonges improvisés conduisant couples, familles, amis, au bord de la rupture. Monsieur Petypon, un jeune et fringant trentenaire, marié et docteur de son état, a fait la bombe jusqu'aux aurores, accompagné de son ami Mongicourt, médecin comme lui. Mongicourt   le retrouve chez lui, allongé de tout son long, dans un état comateux, sous le canapé du salon. Rien de grave, sauf que certains soupirs et bâillements se font entendre derrière le rideau d'un alcôve contigüe. Fichtre. Le bon docteur aurait il ramené dans son lit la Môme Crevette, ravissante danseuse du Moulin Rouge ? C'est du moins ce que prétend la diablesse ; Madame Petypon trouve que son mari a bien mauvaise mine mais ne se rend compte de rien et repart dans ses appartements.

Mais voici que débarque l'oncle de retour d'Afrique, le général Petypon, qui invite son neveu et celle qu'il croit être sa femme, la dite Môme Crevette, au mariage de sa fille avec un beau lieutenant. Et c'est parti pour un festival de mésaventures cocasses et de pitreries galantes dans les jardins de ce beau château de Touraine. Tout est bien qui finira bien dans la bonne humeur, comme toujours chez Feydeau. Lucien Petypon retrouve Gabrielle sa femme compréhensive et le beau lieutenant s'enfuit avec la môme Crevette, son ancienne maîtresse en passe de séduire un Général trop naïf  ! (mais un ultime rebondissement est toujours possible ! ).

Points forts

* Les hasards chez Feydeau font bien les choses. Les coup de théâtre, fréquents mais subtilement dosés , fonctionnent formidablement bien.     

* L'art de la chute, véritable ADN de l'auteur.                                                                                                                             

* La mise en scène et les décors : la pièce est totalement dans son jus, celui qu'avait voulu Feydeau lui même dans toute sa contemporanéité  "Belle Epoque". En ressort une atmosphère délicieusement surannée en costumes de l'époque, avec en fond de scènes des fresques champêtres immenses ; il faut apprécier à sa juste valeur ce conservatisme de bon aloi, si rare aujourd'hui, que nous propose Zabou Breitman.                                         

* L'interprétation : saluons les prestations d'un carré d'élite composé de Micha Lescot dans le rôle bondissant d'un Lucien Petypon, immense et drôlement perruqué,  Anne Rotger avec sa coiffure incroyable dans le personnage de Gabrielle, André Marcon impeccablement sanglé dans le pantalon garance et la vareuse bleue horizon du Général et, bien sûr, Lea Drucker qui interprète une Môme Crevette lumineuse  et facétieuse. Les seconds rôles sont du même tonneau, ainsi en deuxième partie, cette dizaine d'hommes, travestis en femmes, stigmatisant les travers et les manières d'une France petite bourgeoise de l'époque.

* Une mention spéciale pour la musique et l'interprétation  (la Duchesse au piano, excellent !) de et par Reinhart Wagner.

Quelques réserves

Au 3e acte, la pièce patine. Trop de volte face, trop de fausses sorties, on s'y perd et on rit moins. C'est là que l'on perçoit les limites de l'argument de cette "Dame de chez Maxim "  auquel on pourra préférer celui de "la Puce à l'oreille", moins daté ! Question de goût mais Feydeau reste Feydeau. Unique !

Encore un mot...

Plus fine qu'il n'y parait à première vue, "La Dame de chez Maxim" ne déclenche pas une franche rigolade, plutôt une réflexion amusée sur cette satire de la bonne société et sa morale de bon aloi ; de facture classique, cette farandole vaut avant tout par son interprétation . Cette "Dame" mérite bien qu'on aille la voir et l'entendre dans cette mise en scène raffinée ne serait- ce que parce qu'elle peut nous faire oublier d'autres versions "modernistes" et décalées, de manière plus ou moins appropriée, qui nous ont été proposées récemment.

Une phrase

(Mongicourt) : "Ah Monsieur veut se lancer dans quelque chose qu'il ne connait pas. Monsieur se mêle de faire la noce..."
(Petypon ) : "Mais, serpent, c'est toi qui m'a emmené dans cet endroit d'orgie"
(Mongicourt) : "Ah quelle est forte!"                                                                                             
(Petypon) : "Tu t'es dit voilà un homme sérieux, un savant. Abusons de son ignorance"       
(Mongicourt) : "J'ai dit simplement : Petypon, avant de rentrer, je meurs de soif. Nous venons de passer plus de deux heures à faire une opération compliquée; quand on vient d'ouvrir un ventre, ça vaut bien un bock ! ; "Et moi à 8 heures j'étais avec mes malades... à 11 heures, j'avais tout mon monde, y compris notre opéré"
(Petypon) : "Ah, et comment va-t-il?"                                                                                       
(Mongicourt) : "C'est fini"                                                                                             
(Petypon) : "Ah il est sauvé?"                                                                                                          
(Mongicourt) : "Non, il est mort"                                                                                   
(Petypon) : "Aïe, je savais bien que cette opération était inutile"                                          
(Mongicourt) : " Il n'y a jamais d'opération inutile. Elle peut ne pas profiter à l'opéré , elle profite toujours à l'opérateur" !

L'auteur

Il est dans le top 10 des auteurs les plus joués en France derrière Shakespeare, Molière , Koltes , Guitry, Jean Luc Lagarce , Yasmina Reza... au coude à coude avec Labiche. 40 pièces au compteur  entre 1890 et 1921 ; la première, "Tailleur pour Dames", une des dernières "La Puce à l'oreille". Au milieu "La Dame de chez Maxim" et, pour certains la plus drôle et la plus contemporaine dans l'esprit, "Mais ne te promène donc pas toute nue" ; le fils supposé du duc de Morny, qui courrait les jupons, a eu une descendance prolixe , souvent promise aux arts et lettres... et au succès, exemple Louis Verneuil.

Deux mots sur Zabou Breitman, pour la mise en scène :
Fille de comédiens (Jean Claude Deret et Céline Léger), Zabou est tombée toute petite dans la marmite du théâtre . Elle est face à la caméra à 4 ans pour jouer dans la fameuse série "Thierry La Fronde", une création de son père. elle joue d'abord au cinéma dans un film de Diane Kurys, "Arrête ton cinéma" ou avec Guillaume Canet dans "Narco", par exemple.
Mais Zabou est surtout une grande Dame de la mise en scène. elle collectionne les prix et distinctions . Deux Molière en 2004 (Mise en scène et meilleur spectacle) pour " L'Hiver sous la table " de Roland Topor, deux encore, celui de la mise en scène et celui de l'adaptation pour " Des gens " d'après Raymond Depardon ; plus tard, elle s'attaque à Feydeau avec la mise en scène, à la Comédie française du" Système Ribadier". Elle va jusqu'a monter sous la direction de Philippe Jourdan "L'enlèvement au sérail de Mozart ". Quoi d'autre ?

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