Le Cas Sneijder

Actuel, profond, dérangeant, avec un Arditi au top de sa forme
De
Didier Bezace
D'après le roman de Jean-Paul Dubois
Mise en scène
Didier Bezace
Avec
Pierre Arditi, Didier Bezace, Sylvie Debrun, Morgane Fourcault, Thierry Gibault et le chien Fox
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre de l'Atelier
1 Place Charles Dullin
75018
Paris
0146064924
Du mardi au samedi à 21h ; Matinées le samedi à 18h et le dimanche à 15h

Thème

Paul Sneijder vit, si l'on peut dire, à Montréal, dans une jolie petite maison et le souvenir obsédant, jusqu'aux limites de la folie, d'un accident d'ascenseur aussi épouvantable que rarissime dont il a échappé miraculeusement. Lui, oui, mais pas sa fille chérie Marie, morte sur le coup comme ses 3 infortunés compagnons de cabine. C'est alors, pour Paul, une longue descente aux enfers dans un monde peuplé de chimères où apparait régulièrement son amour de Marie, en chair et en os, sur une scène noyée de brumes bleuâtres dans une image un court instant salvatrice, faite de souvenirs heureux et d'instants complices.

Paul vit mal, très mal, aux côtés de sa seconde femme, "manager cadre très supérieur", qui le trompe assidument - mais peu lui chaut - et loin des deux fils arrogants qu'il a eus d'elle et qui le méprisent, indifférent à son "job" à l'Hydro Québec qui l'assomme. Son salut, très provisoire, il le trouvera justement dans un nouveau job , qui le comblera, au grand désespoir de sa femme : promeneur de chiens, employé par DogdogWalk! Un des moments forts d'une pièce où le burlesque  côtoie souvent le drame.

Mais le fond n'est pas atteint. Bientôt un inspecteur d'assurances surgit, à la fois professionnel et compatissant. Il s'agit soit de négocier une indemnisation soit d'entamer un procès  plus prometteur. Paul ne choisit pas la solution qui convient à sa pseudo famille ; la camisole attend le schizophrène révolté. Rideau

Points forts

1/ L'Originalité et la force de la métaphore

Le cadre du drame est au cœur de la pièce.  A quoi sert un ascenseur ? A vivre debout. Nous sommes ici placés en observateur du "complot d'un monde vertical contre un homme couché qui ne peut plus y trouver sa place" ( Didier Bezace). Les phantasmes de Paul s'exprime même sur les décors de son bureau dont les murs sont couverts de schémas de moteurs et poulies, dessinés à  la craie.

2/ L'émotion paradoxale

On navigue sans cesse entre sourire et gravité. On hésite entre la mélancolie et la révolte, entre l'absurdité comique des situations et la profondeur des sentiments, entre le drame personnel et le grotesque de la condition humaine d'aujourd'hui entre "l'inquiétude et le doute" (selon les mots de l'auteur) Nous sommes tous concernés par la vie de Paul.

3/ L'écriture

Elle est magnifique, à la fois dense et fluide, imagée, tout au service de l'imagination de l'auteur et de l'imaginaire du spectateur/lecteur. On aura tout intérêt, effectivement, à relire les textes tant ils sont pétris d'intelligence psychologique et d'introspection sentimentale.

4/ L'interprétation

Pierre Arditi subtil, acteur émouvant et crédible, pénétré de son sujet (le jeu de l'enfermement est remarquable), personnage double, tendre avec sa fille disparue, féroce avec sa femme et ses fils qu'il voue , de concert, aux gémonies.  A ses côtés, Fox , chien fidèle et obéissant, ne déçoit jamais !

La voix off d'Arditi tombant des cimaises est un trouvaille ; bien que l'acteur soit, volontairement,  seulement vu de dos ou de profil, on "vit" réellement les idées noires et les réflexions corrosives qui assaillent le cerveau agité du pauvre Paul

Quelques réserves

1/ Mise en scène

Certains aspects de la mise en scène sont trop appuyés, un peu lourds : fumée répétitive, sirène obsessionnelle et superflue,  entrée mécanique et répétée d'Anna

2/ Les thèmes angoissants et sans espoir, chers aussi à Kafka ou à Nietzsche, peuvent paraitre pesants pour certains

3/ Interprétation (bis)

Les interprétations du génial Arditi et de sa partenaire,  Anna dans la pièce,  ne sont pas du même niveau.

Encore un mot...

A voir, à entendre  et... à lire !

Une phrase

"Sans les ascenseurs, monsieur Sneijder, il n'y aurait plus de verticalité, d'ordre, de densité, de hiérarchie. Les ferments de la vie urbaine se dilueraient dans une accablante et monotone horizontalité. Ils se répandraient comme une flaque d'huile submergeant les continents de foules indifférenciées, dociles et rampantes..."

L'auteur

Jean Paul Dubois est l'auteur du roman "LE CAS SNEIJDER", ici adapté et mis en scène pour le théâtre par Didier Bezace. 

Auteur discret, Dubois a poursuivi une  longue carrière de journaliste et de romancier, ponctuée notamment par son oeuvre majeure "Une Vie française".

Fin observateur de la société et des rapports familiaux, il excelle dans le mélange des genres, ponctuant ses romans souvent noirs de situations cocasses et désopilantes.

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