Proches

Un chaos familial bavard qui n’émeut guère
De
Laurent Mauvignier
Durée : 1H35
Mise en scène
Laurent Mauvignier
Avec
Cyril Anrep, Pascal Cervo, Gilles David, Lucie Digout, Charlotte Farcet, Arthur Guillot, Norah Krief, Maxime Le Gac-Olanié
Notre recommandation
2/5

Infos & réservation

Théâtre de La Colline
15 rue Malte-Brun
75020
Paris
01 44 62 52 52
Jusqu’au 8 octobre 2023. Du mercredi au samedi à 20H. Les mardis à 19H Dimanches à 16H

Thème

  • Une fête se prépare, car depuis quatre ans on attend ce jour : le retour de Yoann, qui sort de prison. Toute la famille est réunie chez la sœur aînée, Malou, et Quentin son compagnon.
  • Les parents, Didier et Cathy, sont venus du Nord, où ils ont déménagé depuis presque quatre ans ; Vanessa, la benjamine, est venue avec son amoureux Romain et leur bébé.
  • L’ambiance est pesante malgré la volonté de chacun de montrer leur joie de revoir Yoann. La tension monte d’un cran quand Clément, l’ancien amant, arrive à son tour. Clément n’est pas de la famille, mais c’est un proche, et Yoann a demandé à voir « les proches ». Les secrets, les vérités, vont éclater, comblant le vide que laisse celui qu’on attend…

Points forts

  • Le décor, volontairement gris, impersonnel, délibérément neutre, comme pour mettre en relief la banalité de ce chaos familial. 
  • Tout va se passer dans la cuisine - un bloc gris et son robinet, une grande table grise et huit chaises grises. Ce lieu habituellement central de vie et d’échange ne parvient pas ici à unir ceux qui s’y trouvent, mais au contraire va attiser les rancoeurs, chacun va se heurter à la parole de l’autre et l’incompréhension va régner. 
  • Du besoin de se faire entendre, de se faire comprendre va surgir la violence, comme seule échappatoire possible.

Quelques réserves

  • Mauvignier s’attaque ici à un thème inépuisable, trop connu, mais qui peut pourtant se réinventer. Malheureusement il n’y parvient pas. En effet, non seulement le thème et le personnage central de Yoann évoquent de façon trop pesante un certain Louis dans Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce, mais l’écriture elle-même, saccadée, répétitive jusqu’à donner le tournis, rappelle grandement celle de Lagarce, et on peine à s’en détacher. 
  • On comprend également assez vite que, tel Godot, Yoann est celui que tout le monde attend, mais qui ne viendra pas. Quant au thème du bavardage incessant où personne ne s’écoute vraiment, on ne peut s’empêcher de regretter la subtilité d’une certaine Nathalie Sarraute. 
  • L’écriture de Mauvignier s’imprègne donc de tous ses illustres prédécesseurs, et cherche à saisir l’incompréhension pouvant régner entre « proches » : les paroles se heurtent, s’entrechoquent, se coupent, se répètent, se fuient, et on entend une musicalité, un rythme particulier, précis, qui demande aux comédiens une grande agilité, une écoute particulièrement attentive de la partition. Malheureusement (bis), tous n’y parviennent pas et le rythme n’étant pas trouvé, respecté, l’écriture sonne faux et le réel ne surgit pas. 
  • On assiste donc à un enchaînement de révélations et de prises de becs entre sœurs, gendres ou parents, qui vont éclater en crescendo, et révéler une vérité difficile à accepter : l’amour inconditionnel entre parents et enfants est un leurre.

Encore un mot...

Vu la salle comble, et les applaudissements bruyants qui ont salué la fin de la représentation, force est d’admettre que le public avait l’air conquis, lui.

Une phrase

« Tellement proches. On est si proches – tellement rapprochés qu’on peut plus respirer – j’étouffe – on étouffe à force d’être si proches. »

[…] 

« Ça sert à quoi quatre ans de prison? Ça t’a ouvert un peu les yeux, ou tu crois toujours que tu peux tout te permettre? Tu crois encore que ton père sera toujours là pour toi ? Tu crois qu’il est encore là, maintenant, pour toi ? Que tes sœurs ne verront jamais qui tu es ? Qu’est-ce que tu leur as fait, à tes sœurs, pour les aveugler à ce point-là ? Comment t’as fait ça ? Tu leur fais quoi, aux gens, pour qu’ils soient aussi soumis et aveugles avec toi ?… Il y a que moi qui te vois comme tu es? C’est ça mon malheur? C’est ça ? Être la seule à te voir comme tu es, à savoir qui tu es, c’est ça ce qui m’arrive? Être la seule à te voir ? »

L'auteur

  • Né à Tours en 1967, Laurent Mauvignier est diplômé des Beaux-Arts en arts plastiques en 1991. Il publie son premier roman, Loin d’eux, en 1999 aux Éditions de Minuit, suivi depuis d’une dizaine d’autres, distingués par divers prix littéraires, dont Apprendre à finir en 2000 (Prix du Livre Inter et Prix Wepler), Dans la foule en 2006 (Prix Fnac), Des hommes en 2009 (Prix des libraires), Autour du monde en 2014 (Prix Amerigo Vespucci), Continuer en 2016 et Histoires de la nuit en 2020.
  • Il écrit également pour le théâtre. En 2011, Ce que j’appelle oubli est joué au Studio de la Comédie-Française par Denis Podalydès et mis en ballet par Angelin Preljocaj. Le texte est aujourd’hui encore adapté par des compagnies à travers la France et en Europe. L’année suivante, Tout mon amour est créé par le collectif Les Possédés au théâtre Garonne à Toulouse et présenté à La Colline. Retour à Berratham (Prix Émile Augier de l’Académie française) est chorégraphié et mis en scène en 2015 par Angelin Preljocaj dans la Cour d’Honneur du Palais des papes à Avignon. Une légère blessure, mis en scène par Othello Vilgard, est créé en 2016 au Théâtre du Rond-Point. En 2023, Laurent Mauvignier adapte L’Orage d’Ostrovski, pour la création signée par Denis Podalydès aux Bouffes du Nord. En parallèle de l’écriture, il anime des ateliers et workshops dans plusieurs écoles de théâtre dont la compagnie d’entraînement dirigée par Alain Simon à Aix- en-Provence.
  • Mauvignier réalise également plusieurs films, dont l’un sur le théâtre et le cinéma à partir de la pièce Tout mon amour (DVD, Capricci, 2015, intitulé Visages d’un récit) et le court-métrage Proches en 2018.

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